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– Non… Ça, c’est votre travail, n’est-ce pas ? lui lança Harry.

Il n’avait pas voulu dire cela. Les mots étaient sortis tout seuls dans un mouvement d’humeur. Pendant un long moment, ils s’observèrent. Harry était convaincu qu’il était allé trop loin. Pourtant, il y eut une étrange expression de satisfaction sur le visage de Rogue lorsqu’il lui répondit :

– Oui, Potter, dit-il, les yeux étincelants. C’est en effet mon travail. Et maintenant, si vous êtes prêt, nous allons recommencer.

Il leva sa baguette.

– Un… deux… trois… Legilimens !

Une centaine de Détraqueurs s’avançaient en direction de Harry sur les rives du lac… Il crispa son visage dans un effort de concentration… Ils se rapprochaient… Il voyait les trous noirs sous leurs cagoules… Mais il voyait également Rogue debout devant lui, ses yeux fixés sur son visage, marmonnant des paroles inaudibles… Et, peu à peu, Rogue sembla plus distinct tandis que les silhouettes des Détraqueurs s’estompaient…

Harry leva sa propre baguette.

Protego !

Rogue tituba – sa baguette magique lui échappa des mains – et soudain la mémoire de Harry bouillonna de souvenirs qui n’étaient pas les siens : un homme au nez crochu hurlait devant une femme recroquevillée pendant qu’un jeune garçon aux cheveux noirs pleurait dans un coin… Un adolescent à la chevelure graisseuse était assis tout seul dans une chambre, pointant sa baguette magique au plafond pour tuer des mouches en plein vol… Une fille riait en voyant un jeune homme efflanqué essayer de monter sur un balai qui ruait comme un cheval.

– ÇA SUFFIT !

Harry eut l’impression qu’on lui avait donné un coup dans la poitrine. Il recula de plusieurs pas chancelants, heurta une des étagères qui recouvraient les murs et entendit un bruit de verre brisé. Le teint très pâle, Rogue tremblait légèrement.

Harry sentit que le dos de sa robe était humide. Un bocal s’était cassé sous le choc et l’horrible chose gluante qu’il contenait tournoyait sur elle-même, emportée par le tourbillon de la potion qui s’en échappait.

Reparo, siffla Rogue et le bocal se reconstitua aussitôt. Eh bien, Potter, c’était un progrès incontestable…

La respiration légèrement haletante, Rogue redressa la Pensine dans laquelle il avait mis de côté certaines de ses pensées avant le début du cours et regarda à l’intérieur comme pour vérifier qu’elles étaient toujours là.

– Je ne me rappelais pas vous avoir dit d’utiliser le charme du Bouclier… Mais c’était efficace, sans aucun doute…

Harry ne répondit pas. Dire quoi que ce soit pourrait être dangereux, il le sentait. Il était certain d’être entré dans des souvenirs de Rogue, d’avoir vu des scènes de son enfance. Harry éprouva un certain malaise à l’idée que le petit garçon qui pleurait devant ses parents en train de se disputer était à présent devant lui, avec une telle répugnance dans le regard.

– Essayons à nouveau, d’accord ? dit Rogue.

Harry éprouva un sentiment d’effroi. Rogue allait lui faire payer ce qui venait de se produire, il en était sûr. Ils reprirent leur place respective de part et d’autre du bureau et Harry sentit qu’il lui serait beaucoup plus difficile, cette fois, de vider son esprit.

– Attention, à trois, dit Rogue en levant à nouveau sa baguette, un… deux…

Harry n’eut pas le temps de rassembler son énergie et d’essayer de faire le vide dans sa tête avant que Rogue s’écrie :

Legilimens !

Il se précipitait le long du couloir qui menait au Département des mystères. Les murs nus et les torches défilaient de chaque côté, la porte noire et lisse grandissait devant lui. Il courait si vite qu’il n’allait pas tarder à la heurter de plein fouet. Il n’était plus qu’à un ou deux mètres et voyait à nouveau le rai vertical de lumière bleue…

La porte s’était ouverte toute grande ! Il l’avait enfin franchie et se retrouvait dans une pièce circulaire aux murs et au sol noirs, éclairée par des chandelles aux flammes bleutées. Autour de lui, il y avait d’autres portes. Il devait absolument aller plus loin, mais quelle porte choisir ?

– POTTER !

Harry ouvrit les yeux. Il était étendu sur le dos sans se souvenir d’être tombé. Il avait le souffle court comme s’il avait véritablement couru tout au long du couloir, comme s’il avait véritablement franchi la porte et découvert la pièce circulaire.

– Expliquez-vous ! dit Rogue, debout au-dessus de lui, l’air furieux.

– Je… ne sais pas ce qui s’est passé, répondit sincèrement Harry en se relevant.

Il avait une bosse derrière la tête, là où il avait heurté le sol, et se sentait fiévreux.

– Je n’avais encore jamais vu ça. Je vous l’ai dit, j’ai rêvé de la porte… Mais elle ne s’était jamais ouverte jusqu’à maintenant…

– Vous ne faites pas assez d’efforts !

Pour une raison qui lui échappait, Rogue était encore plus furieux que deux minutes auparavant, lorsque Harry avait réussi à voir certains de ses souvenirs.

– Vous êtes paresseux et négligent, Potter. Il ne faut pas s’étonner que le Seigneur des Ténèbres…

– Pourriez-vous me dire quelque chose, monsieur ? l’interrompit Harry en se mettant à nouveau en colère. Pourquoi appelez-vous Voldemort le Seigneur des Ténèbres ? Je n’ai entendu que les Mangemorts lui donner ce nom.

Rogue ouvrit la bouche comme pour lancer un rugissement, et une femme poussa alors un hurlement quelque part dans le château.

Rogue leva brusquement la tête et regarda le plafond.

– Qu’est-ce que… ? marmonna-t-il.

Harry entendit un brouhaha étouffé qui devait venir du hall d’entrée. Rogue jeta un regard autour de lui, les sourcils froncés.

– Avez-vous remarqué quelque chose d’inhabituel lorsque vous êtes descendu ici, Potter ?

Harry fit non de la tête. Au-dessus d’eux, la femme hurla à nouveau. Rogue s’avança à grands pas vers la porte, sa baguette toujours brandie, et disparut dans le couloir. Harry hésita un moment puis sortit à sa suite.

Les cris provenaient en effet du hall d’entrée. Ils augmentaient d’intensité à mesure que Harry montait les marches de pierre qui menaient des cachots au rez-de-chaussée. Lorsqu’il arriva en haut de l’escalier, une foule était rassemblée dans le hall. Des élèves étaient accourus de la Grande Salle où ils étaient en train de dîner pour venir voir ce qui se passait. D’autres se pressaient sur les marches de l’escalier de marbre. Harry se fraya un chemin parmi un groupe de grands Serpentard et vit qu’un cercle s’était formé. Certains visages paraissaient choqués, d’autres effrayés. Le professeur McGonagall se trouvait de l’autre côté du cercle, face à Harry. Apparemment, ce qu’elle voyait lui soulevait le cœur.

Le professeur Trelawney se tenait au milieu du hall, sa baguette magique dans une main, une bouteille de xérès vide dans l’autre. Elle semblait en proie à une véritable crise de folie. Ses cheveux étaient dressés sur sa tête et ses lunettes de travers faisaient paraître un de ses yeux plus grand que l’autre. Ses innombrables châles et écharpes pendaient en désordre de ses épaules et donnaient l’impression qu’elle se déchirait de toutes parts. Deux grosses malles étaient posées sur le sol, à ses pieds. L’une d’elles était à l’envers, comme si on l’avait jetée dans l’escalier. Le professeur Trelawney, le regard fixe, paraissait terrifiée par quelque chose que Harry ne pouvait voir mais qui devait se trouver au bas des marches de marbre.

– Non ! hurla-t-elle. NON! Ce n’est pas possible… Ça ne se peut pas… Je refuse de l’accepter !