– Et un très beau centaure…, soupira Parvati.
– En tout cas, il a toujours quatre jambes, répliqua Hermione avec froideur. Et, au fait, je croyais que vous étiez bouleversées par le départ de Trelawney, toutes les deux ?
– C’est vrai ! lui assura Lavande. Nous sommes montées la voir dans son bureau, nous lui avons apporté un bouquet de jonquilles, des vraies, des belles, pas celles qui font un bruit de klaxon comme chez Chourave.
– Comment va-t-elle ? demanda Harry.
– Pas très bien, la malheureuse, répondit Lavande d’un ton compatissant. Elle pleurait et elle disait qu’elle aimerait encore mieux quitter le château à tout jamais plutôt que de rester sous le même toit qu’Ombrage. Moi, je trouve qu’elle a raison, Ombrage a été horrible avec elle, non ?
– J’ai l’impression qu’Ombrage ne fait que commencer à être horrible, dit Hermione d’un air lugubre.
– Impossible, fit remarquer Ron, occupé à dévorer une belle portion d’œufs au lard. Elle ne peut pas être pire que maintenant.
– Souviens-toi de ce que je te dis, elle va vouloir se venger de Dumbledore pour avoir nommé un nouveau professeur sans la consulter, déclara Hermione en refermant le journal. Et un autre hybride, en plus. Vous avez remarqué son expression quand elle a vu Firenze ?
Après le petit déjeuner, Hermione se rendit à son cours d’arithmancie tandis que Harry et Ron suivaient Parvati et Lavande à celui de divination.
– On ne va pas dans la tour nord ? demanda Ron, surpris, lorsqu’il vit Parvati passer devant l’escalier de marbre sans monter.
Parvati lui jeta par-dessus son épaule un regard méprisant.
– Tu t’imagines que Firenze arriverait à grimper cette échelle ? Nous sommes dans la salle 11, maintenant, c’était écrit hier sur le tableau d’affichage.
La salle 11 se trouvait au rez-de-chaussée, dans le couloir situé de l’autre côté de la Grande Salle. Harry savait que c’était une de ces classes qui ne servaient pas régulièrement et qu’on avait tendance à assimiler à un placard ou à une réserve. Aussi fut-il stupéfait, lorsqu’il y entra derrière Ron, de se retrouver dans une clairière, comme s’il était en pleine forêt.
– Qu’est-ce que… ?
Le sol de la classe était recouvert d’un moelleux tapis de mousse et des arbres y étaient plantés. Leurs branches luxuriantes se déployaient à la surface du plafond et devant les fenêtres, laissant filtrer dans toute la pièce des rayons obliques d’une lumière verte, douce et tachetée. Les élèves qui étaient déjà là s’étaient assis sur le sol terreux, le dos appuyé contre un tronc d’arbre ou un rocher, les bras autour des genoux ou croisés sur la poitrine. Tous avaient l’air assez inquiets. Firenze se tenait debout au milieu de la clairière, dans un espace dépourvu d’arbres.
– Harry Potter, dit-il en lui tendant la main à son entrée dans la classe.
– Heu… bonjour, répondit Harry en serrant la main du centaure qui le dévisagea de ses étonnants yeux bleus, sans ciller et sans sourire. Ça… ça fait plaisir de vous voir.
– Toi aussi, ça fait plaisir de te voir, répondit le centaure en inclinant sa tête aux cheveux blonds. Il était écrit que nous nous rencontrerions à nouveau.
Harry remarqua la trace d’une ecchymose en forme de fer à cheval sur la poitrine de Firenze. Lorsqu’il alla s’installer par terre avec les autres, tous le regardaient avec une sorte de révérence, impressionnés de le voir en si bons termes avec Firenze qui semblait les intimider.
Quand la porte fut refermée et que le dernier élève se fut assis sur une souche d’arbre, près de la corbeille à papiers, Firenze montra la classe d’un geste circulaire.
– Le professeur Dumbledore a eu l’amabilité de nous aménager cette salle, dit-il, en reconstituant mon habitat naturel. J’aurais préféré vous donner mes cours dans la Forêt interdite qui était, jusqu’à lundi dernier, ma maison… mais ce n’est plus possible.
– S’il vous plaît… heu… monsieur, dit Parvati, le souffle court, en levant la main. Pourquoi ne pouvons-nous pas aller là-bas ? Nous y avons déjà été avec Hagrid, nous n’avons pas peur !
– Ce n’est pas votre bravoure qui est en cause, répondit Firenze, mais ma situation personnelle. Je ne peux pas retourner dans la forêt. Mon troupeau m’a banni.
– Votre troupeau ? dit Lavande, décontenancée, et Harry vit tout de suite qu’elle pensait à des vaches. Qu’est-ce que… ah oui !
Une lueur de compréhension s’alluma dans son regard.
– Il y en a donc d’autres que vous ? demanda-t-elle, stupéfaite.
– Est-ce que c’est Hagrid qui vous a élevés comme les Sombrals ? demanda Dean, avide de savoir.
Firenze tourna très lentement la tête pour regarder Dean qui sembla soudain réaliser à quel point sa question était insultante.
– Je ne voulais pas… Je veux dire… Excusez-moi…, balbutia-t-il d’une voix étouffée.
– Les centaures n’ont pas vocation à être des serviteurs ou des jouets pour les humains, répondit Firenze à mi-voix.
Il y eut un silence, puis Parvati leva à nouveau la main.
– S’il vous plaît, monsieur… Pourquoi est-ce que les autres centaures vous ont banni ?
– Parce que j’ai accepté de travailler pour le professeur Dumbledore, répondit Firenze. Ils considèrent que j’ai trahi notre espèce.
Quatre ans auparavant, le centaure Bane s’était mis en colère contre Firenze pour avoir laissé Harry monter sur son dos. Il l’avait alors traité de mule, Harry s’en souvenait très bien, et il se demanda si c’était Bane qui avait donné un coup de sabot dans la poitrine de Firenze.
– Commençons, dit le centaure.
Il balança sa longue queue cuivrée, leva sa baguette magique vers la voûte de feuillages qui se déployait au-dessus d’eux, puis l’abaissa avec lenteur. À mesure qu’il accomplissait ce geste, la lumière de la pièce diminua et leur donna bientôt l’impression de se trouver dans une clairière au crépuscule. Des étoiles apparurent alors au plafond. On entendit des exclamations émerveillées, des hoquets de surprise et Ron qui lança très distinctement :
– Ah ben ça, alors !
– Allongez-vous sur le sol, dit Firenze de sa voix paisible, et observez les cieux. C’est là que se trouve écrite, pour ceux qui savent lire, la destinée de nos espèces.
Harry s’étendit par terre et contempla le plafond. Une étoile rouge scintillante sembla lui faire un clin d’œil.
– Je sais qu’au cours d’astronomie, vous avez appris les noms des planètes et de leurs lunes, poursuivit la voix calme de Firenze, et que vous avez relevé la trajectoire des étoiles dans les cieux. Au cours des siècles, les centaures ont dénoué les mystères de ces mouvements. Nos découvertes nous enseignent qu’il est possible d’avoir un aperçu de l’avenir en observant le ciel.
– Le professeur Trelawney nous a fait faire de l’astrologie ! dit Parvati d’un ton surexcité en levant son bras qui se dressa en l’air, perpendiculaire à son corps allongé. Mars provoque des accidents, des brûlures et d’autres choses comme ça et, quand il forme un angle avec Saturne, comme maintenant – elle dessina en l’air un angle droit –, ça signifie qu’il faut faire très attention quand on manipule des choses brûlantes…
– Ça, dit tranquillement Firenze, ce sont les sottises que racontent les humains.
Le bras de Parvati retomba mollement le long de son corps.
– Les petites blessures, les minuscules accidents que subissent les hommes, poursuivit Firenze tandis que ses sabots piétinaient la mousse avec un bruit sourd, tout cela n’a pas plus de sens dans l’univers que le grouillement des fourmis et n’est en rien affecté par le mouvement des planètes.