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Il se retourna. La lueur provenait de la Pensine posée sur le bureau de Rogue. Les filaments argentés ondulaient, tournoyaient à l’intérieur. Les pensées de Rogue… Des choses qu’il ne voulait pas que Harry voie s’il lui était arrivé de forcer accidentellement ses défenses…

Harry contempla la Pensine. Il sentait la curiosité monter en lui… Qu’est-ce que Rogue tenait tant à lui cacher ?

Le reflet des lueurs argentées tremblait sur le mur… Harry fit deux pas en direction du bureau. Il réfléchissait. Se pouvait-il que Rogue cherche à lui dissimuler des informations sur le Département des mystères ?

Le cœur battant plus vite et plus fort que jamais, Harry jeta un coup d’œil par-dessus son épaule. Combien de temps faudrait-il à Rogue pour libérer Montague des toilettes ? Reviendrait-il directement dans son bureau, ou accompagnerait-il Montague à l’infirmerie ? Cette dernière hypothèse était la plus vraisemblable… Montague était capitaine de l’équipe de Quidditch de Serpentard, Rogue voudrait s’assurer qu’il était en bonne santé.

Harry parcourut les deux derniers mètres qui le séparaient de la Pensine et plongea son regard dans ses profondeurs. Il hésita, l’oreille aux aguets, puis sortit à nouveau sa baguette magique. Le bureau et le couloir étaient totalement silencieux. Du bout de sa baguette, il remua légèrement le contenu de la bassine de pierre.

Les filaments argentés se mirent à tourbillonner très vite. Harry se pencha en avant et vit qu’ils étaient devenus transparents. Cette fois encore, il distinguait l’intérieur d’une grande pièce, comme s’il l’avait regardée à travers une fenêtre circulaire aménagée dans le plafond… S’il ne se trompait pas, c’était la Grande Salle qu’il avait sous les yeux.

Son souffle embuait les pensées de Rogue… Son cerveau lui semblait plongé dans d’étranges limbes… Faire ce qui le tentait tellement serait un acte de folie… Il s’était mis à trembler… Rogue pouvait revenir à tout moment… Mais Harry pensa à la colère de Cho, à l’expression narquoise de Malefoy, et un accès de témérité le saisit soudain.

Il prit une profonde inspiration et plongea son visage dans les pensées de Rogue. Aussitôt, le sol de la pièce bascula, projetant Harry tête la première dans la Pensine…

Emporté par un tourbillon furieux, il fit une longue chute dans une obscurité glacée. Puis…

Il se retrouva au milieu de la Grande Salle mais les quatre tables auxquelles les élèves des différentes maisons prenaient leurs repas avaient disparu. À la place, il y avait une bonne centaine de tables beaucoup plus petites, tournées dans la même direction. Un élève était assis à chacune d’elles, la tête penchée, occupé à écrire sur un rouleau de parchemin. On n’entendait que le grattement des plumes et de temps en temps un froissement de papier lorsque quelqu’un remuait son parchemin. De toute évidence, c’était un jour d’examen.

Le soleil projetait des flots de lumière à travers les hautes fenêtres, illuminant les têtes penchées qui étincelaient de reflets bruns, cuivrés ou dorés selon la couleur des cheveux. Harry regarda précautionneusement autour de lui. Rogue devait être présent, quelque part… C’était son souvenir…

En effet, il était là, juste derrière Harry qui l’observa attentivement. Rogue adolescent paraissait maigre, noueux et blafard, comme une plante qu’on aurait abandonnée dans l’obscurité. Ses cheveux longs, ternes et graisseux pendaient sur la table, et son nez crochu touchait presque le parchemin sur lequel il écrivait. Harry s’approcha pour regarder par-dessus l’épaule de Rogue l’intitulé du questionnaire d’examen :

DÉFENSE CONTRE LES FORCES DU MAL

BREVET UNIVERSEL DE SORCELLERIE ÉLÉMENTAIRE

Rogue devait donc avoir quinze ou seize ans, à peu près l’âge de Harry. Sa main volait littéralement à la surface de son parchemin. Il avait écrit au moins trente centimètres de plus que ses voisins les plus proches, malgré son écriture minuscule et serrée.

– Plus que cinq minutes !

La voix fit sursauter Harry. Il se retourna et vit le sommet du crâne de Flitwick qui avançait un peu plus loin entre les tables. Le professeur Flitwick passa devant un élève aux cheveux noirs ébouriffés… Très ébouriffés…

Harry se déplaça si vite qu’il aurait tout renversé sur son passage s’il avait été à l’état solide. En fait, il lui sembla qu’il glissait comme dans un rêve tandis qu’il traversait deux rangées de tables et en remontait une troisième. Le dos de l’élève aux cheveux noirs se rapprocha et… Le garçon s’était redressé à présent, il posait sa plume, reprenait son parchemin au début pour relire ce qu’il avait écrit…

Harry s’arrêta devant la table et regarda son père âgé de quinze ans.

Il éprouva au creux de l’estomac un brusque sentiment d’excitation. C’était comme s’il avait contemplé son propre portrait, à quelques erreurs près. Les yeux de James étaient couleur noisette, son nez légèrement plus grand que celui de Harry et il n’y avait pas de cicatrice sur son front, mais ils avaient le même visage mince, la même bouche, les mêmes sourcils. Les cheveux de James se dressaient en épis à l’arrière de sa tête, exactement comme ceux de Harry, ses mains étaient semblables aux siennes et Harry était sûr que lorsque James se lèverait, ils auraient la même taille à un ou deux centimètres près.

James bâilla en ouvrant grand la bouche et se passa la main dans les cheveux en les ébouriffant encore un peu plus. Puis, après avoir jeté un regard au professeur Flitwick, il se tourna sur son siège et adressa un sourire à un autre élève assis quatre rangs derrière.

Harry éprouva le même sentiment d’excitation lorsqu’il vit Sirius répondre à James en levant le pouce. Sirius était confortablement installé sur sa chaise qu’il balançait d’avant en arrière. Il était très beau, ses cheveux bruns tombaient sur ses yeux avec une sorte d’élégance désinvolte que ni James, ni Harry n’auraient jamais pu imiter et une fille assise derrière lui l’observait d’un œil plein d’espoir, bien qu’il n’eût aucun regard pour elle. Deux tables plus loin – Harry éprouva à nouveau un sursaut de plaisir –, il reconnut Remus Lupin. Il paraissait pâle et faible (la pleine lune approchait-elle ?) et semblait absorbé dans sa copie d’examen. Les sourcils légèrement froncés, il relisait ses réponses en se grattant le menton avec le bout de sa plume.

Logiquement, Queudver devait être également quelque part dans la salle… et en effet, Harry le repéra quelques secondes plus tard : il était petit, le nez pointu, les cheveux châtain clair, sans éclat. Queudver paraissait anxieux, se rongeait les ongles, les yeux fixés sur son parchemin, le bout de ses chaussures raclant le sol. De temps à autre, il jetait un coup d’œil à la copie de son voisin en espérant y lire quelque chose. Harry l’observa un long moment puis se tourna à nouveau vers James qui griffonnait quelque chose sur un morceau de parchemin. Il avait dessiné un Vif d’or et traçait à présent les lettres « L. E. ». Que pouvaient-elles signifier ?

– Posez vos plumes, s’il vous plaît ! couina le professeur Flitwick. Cela vous concerne également, Stebbins ! Veuillez rester assis pendant que je ramasse les parchemins ! Accio !

Plus d’une centaine de parchemins s’envolèrent aussitôt pour atterrir avec force entre les bras tendus de Flitwick qui tomba à la renverse sous le choc. Il y eut quelques rires et deux élèves, parmi ceux assis au premier rang, se précipitèrent pour l’aider à se relever.

– Merci… Merci, dit le professeur Flitwick d’une voix haletante. Très bien, vous pouvez sortir, maintenant !