– Pourquoi ?
– On ne sait pas très bien mais on pense qu’il s’est donné un coup avec sa propre batte.
Elle poussa un profond soupir.
– En tout cas, il y a un paquet qui est arrivé, il vient de passer les nouveaux contrôles d’Ombrage.
Elle posa sur la table une boîte enveloppée de papier kraft. De toute évidence, le colis avait été ouvert puis refermé sans aucun soin. Un mot griffonné à l’encre rouge indiquait : « Inspecté et autorisé par la Grande Inquisitrice de Poudlard. »
– Ce sont des œufs de Pâques qu’a envoyés maman, dit Ginny. Il y en a un pour toi… Tiens, le voilà.
Elle lui tendit un bel œuf en chocolat, décoré de petits Vifs d’or glacés, et qui contenait, d’après les indications de l’emballage, un sachet de Fizwizbiz. Harry contempla l’œuf pendant un moment puis il sentit avec horreur sa gorge se nouer.
– Ça va, Harry ? demanda Ginny à voix basse.
– Oui, oui, ça va, répondit-il d’un ton grincheux.
Sa gorge lui faisait mal. Il ne comprenait pas pourquoi un simple œuf de Pâques pouvait avoir cet effet-là sur lui.
– Tu n’as pas l’air d’avoir le moral, ces temps-ci, insista Ginny. Tu sais, je suis sûre que si tu allais parler à Cho…
– Ce n’est pas à Cho que je veux parler, dit brusquement Harry.
– À qui, alors ?
– Je…
Il jeta un regard dans la salle pour s’assurer que personne ne pouvait les entendre. Madame Pince se trouvait à plusieurs étagères de là, occupée à extraire une pile de livres pour une Hannah Abbot visiblement fébrile.
– Je voudrais parler à Sirius, marmonna-t-il, mais je sais que c’est impossible.
Davantage pour s’occuper les mains que par envie véritable, Harry déballa son œuf de Pâques et en cassa un gros morceau qu’il fourra dans sa bouche.
– En fait, dit lentement Ginny en mangeant à son tour un morceau d’œuf, si tu veux vraiment parler à Sirius, il doit bien y avoir un moyen d’y arriver.
– Tu plaisantes, répondit Harry d’un ton désespéré, avec Ombrage qui fait surveiller les cheminées et lit tout notre courrier ?
– L’avantage d’avoir grandi avec Fred et George, dit Ginny d’un air songeur, c’est qu’on finit par penser que tout est possible quand on a suffisamment de culot.
Harry la regarda. Il ne savait pas si c’était à cause du chocolat – Lupin lui avait toujours conseillé d’en manger après une rencontre avec un Détraqueur – ou simplement parce qu’il avait formulé à voix haute l’envie qui brûlait en lui depuis une semaine, mais il sentit renaître un peu d’espoir.
– QU’EST-CE QUE VOUS FAITES ?
– Aïe, murmura Ginny, j’avais oublié…
Madame Pince s’était ruée sur eux, son visage parcheminé déformé par la rage.
– Du chocolat dans la bibliothèque ! hurla-t-elle. Dehors ! dehors ! DEHORS !
Sortant sa baguette magique d’un geste vif, elle ensorcela les livres, le sac et la bouteille d’encre de Harry qui les chassèrent tous les deux de la bibliothèque en leur donnant de grands coups sur la tête tandis qu’ils s’enfuyaient à toutes jambes.
Vers la fin des vacances, comme pour souligner l’importance des examens qui les attendaient, une pile de brochures, de prospectus et d’annonces concernant les diverses carrières de la sorcellerie apparurent sur les tables de la salle commune de Gryffondor, en même temps qu’une note sur le tableau d’affichage :
CONSEILS D’ORIENTATION
Tous les élèves de cinquième année sont convoqués à un bref entretien avec le directeur ou la directrice de leur maison, au cours de la première semaine du troisième trimestre, afin d’examiner leurs perspectives de carrière. L’horaire de ces rendez-vous individuels est indiqué ci-dessous.
Harry consulta la liste et vit qu’il était attendu dans le bureau du professeur McGonagall le lundi à 14 heures 30, ce qui signifiait qu’il manquerait la plus grande partie du cours de divination. Les élèves de cinquième année passèrent presque tout le dernier week-end des vacances de Pâques à lire dans les documents mis à leur disposition les informations fournies sur les possibilités de carrière.
– Je n’ai pas envie de devenir guérisseur, dit Ron, le dernier soir.
Il s’était plongé dans un prospectus dont la première page portait l’emblème de Ste Mangouste, un os et une baguette magique croisés.
– Ils disent là-dedans qu’il faut obtenir au moins un E en potions, en botanique, en métamorphose, en sortilèges et en défense contre les forces du Mal aux épreuves d’ASPIC. Oh, là, là, et à part ça, qu’est-ce qu’il leur faut ?
– C’est un métier à hautes responsabilités, non ? commenta Hermione d’un air absent.
Elle était elle-même absorbée dans la lecture d’un prospectus rose et orange vif intitulé : VOUS AVEZ TOUJOURS ÉTÉ TENTÉ PAR LES RELATIONS PUBLIQUES AVEC LES MOLDUS ?
– Apparemment, on n’a pas besoin de beaucoup de qualifications pour nouer des liens avec les Moldus. Tout ce qu’ils demandent c’est une B.U.S.E. en étude des Moldus. « Ce qui compte surtout, c’est l’enthousiasme, la patience et le sens de la fête ! »
– Il ne suffit pas d’avoir le sens de la fête pour nouer des liens avec mon oncle, dit Harry d’un air lugubre. Il vaut mieux le sens de l’esquive.
Il était en pleine lecture d’une brochure sur la banque chez les sorciers.
– Écoutez ça : « Vous recherchez une carrière exigeante qui vous permette de voyager, de connaître l’aventure, de partir à la recherche souvent périlleuse de trésors substantiels ? Pourquoi ne pas envisager un emploi chez Gringotts, la banque des sorciers, qui recrute actuellement des briseurs de maléfices pour des postes passionnants à l’étranger… » Mais il faut avoir fait de l’arithmancie. Ça pourrait te convenir, Hermione !
– Je n’ai pas très envie d’entrer dans une banque, répondit Hermione d’un ton vague.
Elle était plongée à présent dans : SAURIEZ-VOUS DRESSER DES TROLLS POUR DES MISSIONS DE SURVEILLANCE ET DE SÉCURITÉ ?
– Hé, dit une voix à l’oreille de Harry.
Il se retourna. Fred et George étaient venus les rejoindre.
– Ginny nous a parlé de toi, dit Fred.
Il étendit les jambes et posa les pieds sur la table en faisant tomber par terre diverses brochures relatives à des carrières au sein du ministère de la Magie.
– Elle nous a dit que tu voulais parler à Sirius ?
– Quoi ? dit brusquement Hermione.
Elle s’immobilisa, la main à demi tendue vers un prospectus intitulé : FAITES UN MALHEUR AU DÉPARTEMENT DES ACCIDENTS ET CATASTROPHES MAGIQUES.
– Ouais, répondit Harry en essayant d’adopter un ton dégagé. Oui, j’aimerais bien…
– Ne sois pas ridicule, l’interrompit Hermione qui s’était redressée en le regardant comme si elle n’en croyait pas ses yeux. Avec Ombrage qui se promène dans les cheminées et passe tous les hiboux à la fouille ?
– Nous, on pense pouvoir contourner la difficulté, dit George en s’étirant, un sourire aux lèvres. Il s’agit simplement de provoquer une diversion. Vous aurez peut-être remarqué que nous nous sommes faits discrets sur le front du chambardement, pendant les vacances de Pâques ?
– À quoi pouvait bien servir, nous sommes-nous demandé, de perturber les moments de détente ? poursuivit Fred. À rien du tout, nous sommes-nous répondu. En plus, nous aurions empêché les gens de réviser et c’était quelque chose que nous ne voulions surtout pas faire.
Il adressa un petit signe de tête vertueux à Hermione qui parut prise de court par tant de délicatesse.