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Sur ces paroles incompréhensibles, il se tut et accéléra le pas. Chacune de ses enjambées équivalait à trois des leurs et ils eurent beaucoup de mal à suivre son allure.

Le sentier était de plus en plus envahi par la végétation et les arbres devenaient si touffus à mesure qu’ils avançaient dans la forêt qu’on avait l’impression d’être à la tombée de la nuit. Bientôt, ils eurent dépassé de très loin la clairière où Hagrid leur avait montré les Sombrals. Harry n’avait ressenti aucune appréhension jusqu’au moment où Hagrid s’écarta inopinément du chemin et s’enfonça parmi les arbres vers le cœur obscur de la forêt.

– Hagrid ! Où allons-nous ? s’inquiéta Harry.

Il luttait pour se frayer un passage à travers d’épaisses ronces enchevêtrées que Hagrid avait piétinées sans difficulté. Harry avait un souvenir encore très vif de ce qui lui était arrivé la dernière fois qu’il s’était écarté du sentier.

– Un peu plus loin, répondit Hagrid par-dessus son épaule. Viens Harry, il faut qu’on reste groupés, maintenant.

Marcher au rythme de Hagrid représentait un combat de tous les instants. Les branches et les buissons d’épines qu’il écartait aussi facilement que s’il s’était agi de toiles d’araignée se prenaient dans les robes de Harry et d’Hermione en s’y accrochant avec tant de force qu’ils devaient s’arrêter un bon moment pour s’en libérer. Les bras et les jambes de Harry furent bientôt couverts d’entailles et d’égratignures. L’obscurité de la forêt était telle à présent que Hagrid n’était plus par moments qu’une forme noire et massive qui avançait devant eux. Dans le silence étouffé, le moindre son paraissait menaçant. Le craquement d’une brindille résonnait bruyamment et le plus modeste froissement, fût-il le fait d’un simple moineau, incitait Harry à scruter la pénombre à la recherche du coupable. Il songea que jamais encore il n’était allé aussi loin dans la forêt sans rencontrer de quelconques créatures. Leur absence ne lui semblait pas un bon signe.

– Hagrid, vous croyez qu’on pourrait allumer nos baguettes magiques ? demanda Hermione à voix basse.

– Heu… Oui, d’accord, répondit-il dans un murmure. En fait…

Il s’immobilisa soudain et se retourna. Poursuivant sur sa lancée, Hermione le heurta de plein fouet et fut projetée en arrière. Harry la rattrapa de justesse avant qu’elle ne s’étale par terre.

– Peut-être qu’il vaudrait mieux s’arrêter un moment pour que je puisse… vous mettre au courant, dit Hagrid. Avant qu’on arrive là-bas.

– Très bien, dit Hermione tandis que Harry l’aidait à retrouver son équilibre.

– Lumos ! murmurèrent-ils tous deux et l’extrémité de leurs baguettes s’alluma aussitôt.

Le visage de Hagrid flotta dans l’obscurité, éclairé par les deux rayons lumineux, et Harry le vit à nouveau triste et inquiet.

– Bon, alors, reprit Hagrid, voilà…

Il prit une profonde inspiration.

– Il y a de fortes chances que je sois renvoyé d’un moment à l’autre.

Harry et Hermione échangèrent un regard puis se tournèrent à nouveau vers lui.

– Vous êtes resté jusqu’à maintenant, risqua Hermione, qu’est-ce qui vous fait penser que… ?

– Ombrage croit que c’est moi qui ai mis ce Niffleur dans son bureau.

– Et c’est vrai ? demanda Harry avant d’avoir pu s’en empêcher.

– Ah non, ça, sûrement pas ! s’indigna Hagrid. Mais dès qu’il y a une créature magique dans le coup, elle croit que c’est moi. Depuis que je suis revenu, elle cherche un prétexte pour se débarrasser de moi. Je n’ai pas envie de partir, bien sûr, mais s’il n’y avait pas… heu… les circonstances particulières que je vais vous expliquer, je m’en irais tout de suite, avant de lui laisser l’occasion de me chasser devant toute l’école, comme elle l’a fait avec Trelawney.

Harry et Hermione se récrièrent mais Hagrid les fit taire en agitant l’une de ses énormes mains.

– Oh, ce n’est pas la fin du monde, je pourrai aider Dumbledore quand je serai parti d’ici. Je peux être utile à l’Ordre. Et vous autres, vous aurez Gobe-Planche, vous… vous n’aurez pas de mal à passer vos examens…

Sa voix trembla et se brisa.

– Ne vous inquiétez pas pour moi, dit-il précipitamment alors qu’Hermione s’apprêtait à lui tapoter le bras.

Il sortit de la poche de son gilet un immense mouchoir à pois et se tamponna les yeux.

– Écoutez, je ne vous raconterais pas tout ça si je n’y étais pas obligé. Vous comprenez, si je m’en vais… je ne peux pas partir sans… sans dire à quelqu’un… Parce que je… je vais avoir besoin de vous deux pour m’aider. Et de Ron aussi, s’il veut bien.

– Bien sûr qu’on va vous aider, dit aussitôt Harry. Qu’est-ce que vous voulez qu’on fasse ?

Hagrid renifla bruyamment et tapota sans un mot l’épaule de Harry avec une telle force qu’il fut projeté contre un arbre.

– Je savais que vous accepteriez, dit Hagrid, plongé dans son mouchoir, mais je… n’oublierai… jamais… allez… venez… c’est un peu plus loin, là-bas… faites attention, il y a des orties…

Ils continuèrent à marcher en silence pendant encore un quart d’heure. Au moment où Harry ouvrait la bouche pour demander si c’était encore loin, Hagrid tendit son bras droit pour leur faire signe de s’arrêter.

– Attention, dit-il à voix basse, pas de bruit…

Ils avancèrent avec précaution et Harry aperçut un grand monticule de terre lisse presque aussi haut que Hagrid. De toute évidence, songea-t-il avec une frayeur soudaine, il s’agissait de la tanière d’un énorme animal. Des arbres avaient été déracinés tout autour et leurs troncs entassés formaient une sorte de clôture, ou plutôt de barricade, derrière laquelle ils se tenaient à présent tous les trois.

– Il dort, chuchota Hagrid.

Harry entendait en effet une sorte de grondement lointain et régulier qui faisait penser à la respiration de gigantesques poumons. Il jeta un regard en biais à Hermione qui fixait le monticule, la bouche entrouverte. Elle paraissait terrifiée.

– Hagrid, dit-elle dans un murmure que le son produit par la créature endormie rendait à peine audible. Qui est-ce ?

Harry trouva la question étrange. Il aurait plutôt songé à demander : « Qu’est-ce que c’est ? »

– Hagrid, vous nous aviez dit… balbutia Hermione, sa baguette magique tremblant dans sa main. Vous nous aviez dit qu’aucun d’entre eux n’avait voulu venir !

Harry regarda successivement Hermione, puis Hagrid. Comprenant soudain, il se tourna à nouveau vers le monticule et étouffa une exclamation horrifiée.

La surface du monticule de terre sur lequel Hermione, Hagrid et lui auraient pu aisément se tenir côte à côte s’élevait et s’abaissait au rythme de la respiration rauque et profonde qu’ils entendaient. En fait, ce n’était pas du tout un monticule. C’était le dos arrondi d’un…

– Justement, il ne voulait pas venir, dit Hagrid d’un ton désespéré. Mais il fallait que je l’emmène, Hermione, il le fallait !

– Pourquoi donc ? demanda Hermione qui paraissait au bord des larmes. Pourquoi… Qu’est-ce que… oh, Hagrid !

– J’étais sûr que si j’arrivais à le ramener, expliqua Hagrid, lui-même proche des larmes, et à lui apprendre un peu de bonnes manières, je pourrais le sortir et montrer à tout le monde qu’il est inoffensif !

– Inoffensif ! s’exclama Hermione d’une voix suraiguë.

Hagrid agita frénétiquement les mains pour la faire taire alors que l’énorme créature poussait un grognement sonore et changeait de position dans son sommeil.