– Bonne chance, dit Ron à voix basse.
Harry se rendit dans la Grande Salle en serrant si fort sa baguette magique que sa main tremblait.
– Le professeur Tofty est libre, Potter, couina le professeur Flitwick qui se tenait près de la porte.
Il lui montra le plus vieux et le plus chauve des examinateurs. Il était assis à une petite table, dans le coin opposé, non loin du professeur Marchebank qui était en train d’interroger Drago Malefoy.
– Potter, c’est cela ? dit le professeur Tofty.
Il consulta ses notes et regarda Harry par-dessus son pince-nez.
– Le célèbre Potter ?
Du coin de l’œil, Harry vit nettement Malefoy lui lancer un regard assassin. Le verre à vin qu’il était en train de faire léviter tomba par terre et se fracassa. Harry ne put s’empêcher de sourire et le professeur Tofty lui rendit son sourire d’un air encourageant.
– Très bien, dit-il, la voix chevrotante, aucune raison d’avoir le trac. Maintenant, je vais vous demander de prendre ce coquetier et de lui faire faire la roue plusieurs fois de suite.
Dans l’ensemble, Harry estima qu’il s’était bien débrouillé. Son sortilège de Lévitation était sans aucun doute beaucoup mieux réussi que celui de Malefoy, mais il s’en voulait d’avoir confondu la formule du Changement de Couleur avec celle des sortilèges de Croissance : le rat auquel il aurait dû donner une teinte orange s’était mis à enfler jusqu’à devenir aussi grand qu’un blaireau avant que Harry ne puisse rectifier son erreur. Il était content qu’Hermione ne se soit pas trouvée dans la Grande Salle à ce moment-là et se garda bien de lui relater l’incident. En revanche, il en parla à Ron qui, de son côté, avait changé une assiette en un gros champignon sans avoir la moindre idée de la façon dont il s’y était pris.
Ils n’eurent pas le temps de se détendre, ce soir-là. Après le dîner, tout le monde remonta directement dans la salle commune et se plongea dans des révisions pour les épreuves de métamorphose du lendemain. Lorsque Harry alla se coucher, sa tête bourdonnait de théories et de sortilèges complexes.
Le lendemain matin, au cours de l’épreuve écrite, il oublia la définition du sortilège de Transfert. L’épreuve pratique, cependant, aurait pu être pire. Au moins, il avait réussi à faire disparaître complètement son iguane alors que la malheureuse Hannah Abbot, à la table voisine, perdait complètement ses moyens et transformait son furet en un vol de flamants roses. Il fallut interrompre l’examen dix bonnes minutes pour rattraper tous les oiseaux et les faire sortir de la salle.
L’examen de botanique eut lieu le mercredi (en dehors de la morsure que lui infligea un Géranium Dentu, Harry estima s’en être assez bien sorti). Le jeudi, ce fut le tour de la défense contre les forces du Mal. Pour la première fois, Harry était sûr d’avoir réussi. Il n’eut aucune difficulté à répondre aux questions écrites et prit un plaisir particulier, au cours de l’épreuve pratique, à réaliser tous ses contre-maléfices et ses sortilèges défensifs sous les yeux d’Ombrage qui l’observait avec froideur, debout près de la porte du hall.
– Oh, bravo ! s’écria le professeur Tofty qui, cette fois encore, lui faisait passer l’épreuve, lorsqu’il repoussa un Épouvantard grâce à un sortilège impeccable. C’est vraiment remarquable ! Eh bien, je crois que ce sera tout, Potter, à moins que…
Il se pencha légèrement en avant.
– J’ai entendu dire par mon très cher ami Tiberius Ogden que vous étiez capable de produire un Patronus ? Si vous voulez tenter un point supplémentaire…
Harry leva sa baguette, fixa Ombrage des yeux et imagina qu’elle était renvoyée.
– Spero Patronum !
Son cerf argenté jaillit à l’extrémité de la baguette magique et traversa la Grande Salle au petit galop. Les autres examinateurs se retournèrent pour le suivre des yeux et, lorsqu’il se volatilisa en une brume d’argent, le professeur Tofty applaudit avec enthousiasme de ses mains noueuses, sillonnées de veines.
– Excellent ! s’exclama-t-il. Très bien, Potter, vous pouvez partir !
Quand Harry passa devant Ombrage, près de la porte, leurs regards se croisèrent. Un sourire mauvais flottait sur la bouche large et molle de la directrice, mais Harry n’y prêta aucune attention. À moins de se tromper lourdement, il venait d’obtenir une mention « Optimal » à l’épreuve de défense contre les forces du Mal. Mais il se promit de n’en rien dire à personne, au cas, précisément, où il se tromperait.
Le vendredi, Harry et Ron disposèrent d’une journée libre tandis qu’Hermione passait ses épreuves de runes anciennes. Comme ils avaient encore tout un week-end devant eux, ils s’autorisèrent une pause dans les révisions et firent une partie d’échecs magiques, s’étirant et bâillant près de la fenêtre ouverte qui laissait pénétrer l’air tiède de l’été. Au loin, Harry apercevait Hagrid en train de donner un cours en lisière de la forêt. Il essayait de deviner quelle créature il faisait étudier à ses élèves – sans doute une licorne car les garçons restaient un peu en retrait – lorsque le portrait de la grosse dame pivota pour laisser entrer Hermione, visiblement de très mauvaise humeur.
– Comment ça s’est passé, les runes ? demanda Ron en bâillant.
– J’ai mal traduit ehwaz, répondit-elle, avec colère. Ça veut dire « association », pas « défense ». J’ai confondu avec eihwaz.
– Oui, bah, ce n’est qu’une simple erreur, commenta Ron d’une voix nonchalante. Ça ne t’empêchera pas de…
– Oh, tais-toi ! répliqua Hermione, furieuse. C’est le genre d’erreur qui peut faire la différence entre un succès et un échec. Et en plus, quelqu’un a encore mis un Niffleur dans le bureau d’Ombrage. Je ne sais pas comment ils ont fait pour forcer la nouvelle porte mais je suis passée par là et Ombrage hurlait à s’en casser la voix. D’après ce que j’ai entendu, le Niffleur a essayé de lui arracher un bout de jambe…
– Très bien, dirent ensemble Harry et Ron.
– Non, ce n’est pas très bien du tout ! protesta Hermione avec ardeur. Elle pense que c’est Hagrid qui fait ça, vous vous souvenez ? Et nous ne voulons pas que Hagrid soit renvoyé !
– Il est en train de donner un cours, elle ne peut pas l’accuser, fit remarquer Harry en montrant la fenêtre.
– Oh, tu es si naïf, parfois. Tu crois vraiment qu’Ombrage va attendre d’avoir des preuves ? s’exclama Hermione.
Apparemment décidée à ne pas laisser sa fureur retomber, elle se dirigea à grands pas vers le dortoir des filles en claquant la porte derrière elle.
– Quelle jeune fille adorable, d’un caractère toujours charmant, dit Ron à voix basse en poussant sa reine pour prendre un cavalier à Harry.
La mauvaise humeur d’Hermione persista pendant tout le week-end mais Harry et Ron n’y prêtèrent aucune attention car ils passèrent la plus grande partie de leur samedi et de leur dimanche à réviser l’examen de potions du lundi. C’était l’épreuve que Harry redoutait le plus et dont il était sûr qu’elle mettrait un terme à ses ambitions d’Auror. L’épreuve écrite lui parut sans nul doute très difficile, même s’il pensait obtenir une excellente note à la question du Polynectar. Il en avait décrit les effets avec d’autant plus de précision qu’il en avait pris lui-même, en toute illégalité, au cours de sa deuxième année.
En revanche, l’épreuve pratique de l’après-midi ne fut pas aussi redoutable qu’il s’y était attendu. Hors de la présence de Rogue, il se rendit compte qu’il était beaucoup plus détendu que d’habitude pour préparer ses potions. Neville, assis tout près de lui, semblait également plus heureux que dans les cours de Rogue. Lorsque le professeur Marchebank annonça : « Écartez-vous de vos chaudrons, s’il vous plaît, l’examen est terminé », Harry boucha le flacon contenant son échantillon avec l’impression qu’il n’aurait sans doute pas une très bonne note mais qu’au moins, il ne serait pas recalé.