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Un craquement sonore brisa comme un coup de feu le silence endormi, un chat surgit de sous une voiture et fila à toute vitesse, puis un hurlement, un juron et un bruit de porcelaine cassée retentirent dans le salon des Dursley. Comme si c’était enfin le signal qu’il attendait, Harry se releva d’un bond et, d’un même mouvement, tira de la ceinture de son jean une fine baguette de bois, tel un escrimeur dégainant son épée. Mais avant qu’il ait pu se redresser de toute sa hauteur, le sommet de son crâne heurta la fenêtre ouverte des Dursley. Le « crac ! » qui en résulta arracha à la tante Pétunia un cri encore plus perçant.

Harry eut l’impression qu’on lui avait fendu la tête. Les larmes aux yeux, il vacilla en essayant de fixer son regard sur l’endroit d’où le craquement était venu mais à peine avait-il retrouvé son équilibre que deux grosses mains violettes jaillirent de la fenêtre ouverte et se refermèrent étroitement autour de son cou.

Range-ça-tout-de-suite ! grogna l’oncle Vernon à l’oreille de Harry. Immédiatement ! Avant-que-quelqu’un-le-voie !

– Lâche-moi ! dit Harry, le souffle coupé.

Ils luttèrent pendant quelques secondes, Harry s’efforçant d’écarter de sa main gauche les doigts en forme de saucisse de son oncle, sa main droite brandissant sa baguette magique. Puis, tandis qu’un élancement particulièrement douloureux transperçait la tête de Harry, l’oncle Vernon poussa un petit cri et relâcha son étreinte comme sous l’effet d’un choc électrique. Une force invisible semblait avoir traversé le corps de son neveu, l’empêchant de maintenir sa prise.

Le souffle court, Harry tomba en avant sur le massif d’hortensias, se redressa et regarda autour de lui. Rien ne laissait deviner ce qui avait pu provoquer le craquement sonore mais, en tout cas, des visages étaient apparus aux fenêtres des maisons environnantes. Harry se hâta de ranger sa baguette magique dans son jean et fit de son mieux pour prendre un air innocent.

– Belle soirée ! s’écria l’oncle Vernon qui adressa un signe de la main à la dame du numéro 7, de l’autre côté de la rue.

La voisine le regardait d’un air furieux derrière ses rideaux en filet.

– Vous avez entendu cette voiture pétarader il y a un instant ? Je peux vous dire que nous avons fait un bond, Pétunia et moi !

Il continua d’afficher un horrible sourire de dément jusqu’à ce que tous les voisins aient quitté leurs fenêtres puis le sourire se transforma en une grimace de rage lorsqu’il fit signe à Harry d’approcher.

Harry s’avança de quelques pas en prenant soin de s’arrêter à une distance suffisante pour que les mains tendues de l’oncle Vernon ne puissent atteindre à nouveau sa gorge.

– Que diable avais-tu en tête quand tu as fait ça ? demanda l’oncle Vernon d’une voix rauque qui tremblait de fureur.

– Quand j’ai fait quoi ? répondit Harry avec froideur.

Il continuait de regarder à gauche et à droite en espérant toujours apercevoir la personne qui avait produit le craquement.

– Ce bruit de pistolet juste devant notre…

– Ce n’était pas moi, répliqua Harry d’un ton ferme.

Le visage maigre et chevalin de la tante Pétunia apparut à côté de la grosse tête cramoisie de l’oncle Vernon. Elle semblait folle de rage.

– Pourquoi te cachais-tu sous notre fenêtre ?

– En effet, tu as raison, Pétunia ! Qu’est-ce que tu fabriquais sous notre fenêtre, mon garçon ?

– J’écoutais les informations, répondit Harry d’une voix résignée.

Son oncle et sa tante échangèrent un regard scandalisé.

– Tu écoutais les informations ! Encore ?

– Elles changent tous les jours, vous savez ? dit Harry.

– Ne fais pas ton malin avec moi ! J’exige de savoir ce que tu mijotes – et ne me parle plus de ces histoires d’écouter les informations ! Tu sais parfaitement que les gens de ton espèce…

– Attention, Vernon ! chuchota la tante Pétunia.

L’oncle Vernon baissa tellement la voix que Harry parvint tout juste à l’entendre :

– … que les gens de ton espèce n’apparaissent pas dans nos informations !

– C’est toi qui le dis, répliqua Harry.

Les Dursley le regardèrent avec des yeux exorbités.

– Tu es un horrible petit menteur, déclara la tante Pétunia. Qu’est-ce que tous ces…

Elle baissa la voix à son tour et Harry dut lire sur ses lèvres pour comprendre le mot suivant :

– … hiboux viennent faire dans le coin si ce n’est pas pour t’apporter des nouvelles ?

– Ha, ha ! dit l’oncle Vernon dans un murmure triomphant. Je me demande bien comment tu vas t’en sortir, cette fois ! Comme si nous ne savions pas que vos nouvelles vous sont transmises par ces oiseaux de malheur !

Harry hésita un instant. Il lui en coûtait de répondre la vérité, bien que sa tante et son oncle n’aient aucune idée du malaise qu’il éprouvait à la dire.

– Les hiboux… ne m’apportent pas de nouvelles, affirma-t-il d’une voix sans timbre.

– Je ne te crois pas, répliqua aussitôt la tante Pétunia.

– Moi non plus, ajouta l’oncle Vernon avec force.

– Nous savons que tu mijotes quelque chose de louche, assura la tante Pétunia.

– Nous ne sommes pas stupides, tu sais ? dit l’oncle Vernon.

– Ça, au moins, c’est une information, répliqua Harry.

Il commençait à s’énerver et, avant que les Dursley aient eu le temps de le rappeler, il avait tourné les talons, traversé la pelouse, enjambé le muret du jardin et remontait à présent la rue à grandes enjambées.

Harry s’était mis dans une situation difficile, il le savait. Tôt ou tard, il devrait affronter sa tante et son oncle et payer le prix de son insolence, mais il ne s’en souciait guère pour le moment. Il avait d’autres préoccupations beaucoup plus urgentes.

Il était persuadé que le craquement avait été provoqué par un transplanage. C’était exactement le genre de bruit que produisait Dobby, l’elfe de maison, lorsqu’il se volatilisait. Était-il possible que Dobby soit présent dans Privet Drive ? Le suivait-il en ce moment même ? À cette pensée, il fit volte-face et scruta la rue mais elle lui apparut complètement déserte et Harry était sûr que Dobby n’avait pas la faculté de se rendre invisible.

Il poursuivit son chemin sans voir vraiment où il allait. Il avait si souvent arpenté ces mêmes rues les jours précédents que ses pieds le portaient machinalement vers ses endroits préférés. De temps à autre, il jetait des coups d’œil par-dessus son épaule. Une personne douée de pouvoirs magiques avait été présente tout près de lui lorsqu’il était étendu parmi les fleurs moribondes de la tante Pétunia. Il en était certain. Pourquoi cette personne ne lui avait-elle pas parlé, pourquoi n’était-elle pas entrée en contact avec lui d’une manière ou d’une autre, pourquoi se cachait-elle à présent ?

Puis soudain, alors que son sentiment de frustration parvenait à son comble, sa certitude commença à faiblir.

Après tout, peut-être que ce bruit n’avait rien à voir avec la magie. Peut-être était-il si impatient de recevoir le moindre signe du monde auquel il appartenait que des sons parfaitement ordinaires provoquaient en lui des réactions excessives. Pouvait-il être vraiment sûr qu’il ne s’agissait pas d’un bruit causé par un quelconque objet qui se serait cassé dans une maison voisine ?

Harry éprouva une sensation sourde dans son ventre et l’impression de désespoir qui l’avait accablé tout au long de l’été le submergea à nouveau.