– Je crois qu’on ne peut pas espérer mieux. Viens, on y va.
Ils s’avancèrent, recouverts par la cape d’invisibilité. Luna leur tournait le dos, à l’autre bout du couloir et, lorsqu’ils passèrent devant Ginny, Hermione murmura :
– Bravo… N’oublie pas le signal.
– C’est quoi, le signal ? marmonna Harry alors qu’ils approchaient de la porte d’Ombrage.
– Si l’une d’elles voit Ombrage revenir, elle devra chanter très fort Weasley est notre roi.
Harry inséra la lame du couteau de Sirius dans l’interstice entre la porte et le mur. La serrure s’ouvrit avec un déclic et ils pénétrèrent dans le bureau.
Les chatons aux couleurs criardes se chauffaient au soleil qui baignait leurs assiettes mais, pour le reste, le bureau était aussi vide et paisible que la dernière fois. Hermione poussa un soupir de soulagement.
– J’avais peur qu’elle ait installé de nouveaux systèmes de sécurité après le deuxième Niffleur.
Ils ôtèrent la cape. Hermione se précipita vers la fenêtre, sa baguette magique à la main, et surveilla le parc en prenant soin de rester hors de vue. Harry se rua sur la cheminée, prit la boîte de poudre de Cheminette et en jeta une pincée dans l’âtre. Des flammes d’émeraude jaillirent aussitôt. Il s’agenouilla, plongea la tête dans le feu puis s’écria :
– 12, square Grimmaurd !
Sa tête se mit à tourner comme s’il venait de descendre d’un manège de fête foraine mais ses genoux restèrent solidement plantés sur le sol de pierre froide du bureau. Il ferma les yeux pour les protéger des tourbillons de cendre et les rouvrit lorsque l’impression de tournis eut cessé. La vaste cuisine glacée du square Grimmaurd apparut alors devant lui.
Il n’y avait personne. Harry s’y attendait mais il ne s’était pas préparé à la vague de terreur panique qui le submergea quand il vit la pièce déserte.
– Sirius ? cria-t-il. Sirius, tu es là ?
Sa voix résonna en écho dans toute la cuisine mais il n’y eut aucune réponse en dehors d’un bruissement à peine perceptible à droite de la cheminée.
– Qui est là ? s’exclama-t-il en se demandant si ce n’était pas simplement une souris.
Kreattur, l’elfe de maison, se glissa dans son champ de vision. Il avait l’air enchanté malgré les gros bandages qui lui entouraient les mains et semblaient cacher des blessures graves.
– C’est la tête du jeune Potter dans le feu, déclara l’elfe comme s’il s’adressait à la cuisine elle-même.
Il jeta à Harry un regard furtif et étrangement triomphant.
– Kreattur se demande ce qu’il est venu faire ici.
– Où est Sirius ? demanda Harry d’un ton pressant.
L’elfe de maison laissa échapper un petit rire sifflant.
– Le maître est sorti, Harry Potter.
– Où est-il allé ? Où est-il allé, Kreattur ?
Celui-ci se contenta d’émettre un petit rire aigu.
– Attention, je te préviens ! menaça Harry, parfaitement conscient que, dans cette position, ses possibilités d’infliger un châtiment à Kreattur étaient quasi inexistantes. Où est Lupin ? Et Fol Œil ? Est-ce qu’il y a quelqu’un ici ?
– Personne sauf Kreattur ! répondit l’elfe d’un ton ravi.
Se détournant de Harry, il se dirigea lentement vers la porte, à l’autre bout de la cuisine.
– Kreattur pense qu’il va aller bavarder un peu avec sa maîtresse, maintenant, oui, il y a longtemps qu’il n’en a pas eu l’occasion, le maître de Kreattur l’a tenu éloigné d’elle…
– Où est parti Sirius ? lui cria Harry. Kreattur, est-ce qu’il est allé au Département des mystères ?
L’elfe se figea sur place. Harry parvenait tout juste à distinguer son crâne chauve à travers la véritable forêt que formaient les pieds de chaises devant ses yeux.
– Le maître ne dit pas au pauvre Kreattur où il va, répondit l’elfe à voix basse.
– Mais tu le sais quand même ! s’écria Harry. N’est-ce pas ? Tu sais où il est !
Il y eut un moment de silence, puis l’elfe laissa échapper un rire plus sonore que les précédents.
– Le maître ne reviendra pas du Département des mystères ! dit-il avec joie. Kreattur et sa maîtresse sont à nouveau seuls !
Puis il fila à petits pas pressés et disparut par la porte du hall.
– Espèce de… !
Mais avant d’avoir eu le temps de prononcer la moindre insulte, Harry éprouva une intense douleur au sommet du crâne. Il respira une bouffée de cendres, s’étouffa à moitié et se sentit tiré en arrière, à travers les flammes. Soudain, il eut l’horrible surprise de voir devant lui le gros visage blafard du professeur Ombrage qui l’avait traîné hors du feu en le saisissant par les cheveux et lui tordait à présent le cou en arrière aussi loin qu’elle le pouvait, comme si elle avait voulu lui trancher la gorge.
– Vous pensez sans doute, murmura-t-elle en tirant un peu plus la tête de Harry qui était obligé à présent de regarder le plafond, qu’après deux Niffleurs, j’allais à nouveau laisser une ignoble petite créature fouiner dans mon bureau quand j’ai le dos tourné ? Depuis la dernière fois, j’ai jeté des sortilèges Anticatimini tout autour de ma porte, espèce d’idiot. Prenez sa baguette, aboya-t-elle à quelqu’un qu’il ne pouvait pas voir.
Il sentit alors une main fouiller dans la poche de sa robe de sorcier et en retirer sa baguette magique.
– La sienne aussi, ajouta Ombrage.
Harry entendit un bruit de lutte près de la porte et devina que quelqu’un s’était également emparé de la baguette d’Hermione.
– Je veux connaître les raisons de votre présence ici, dit Ombrage.
Elle secoua la touffe de cheveux qu’elle serrait dans son poing en faisant vaciller Harry sur ses jambes.
– J’essayais… de récupérer mon Éclair de feu ! répondit-il d’une voix rauque.
– Menteur !
Elle lui secoua à nouveau la tête.
– Votre Éclair de feu est sous bonne garde dans les cachots, vous le savez très bien, Potter. Vous aviez la tête dans ma cheminée. Avec qui étiez-vous en train de communiquer ?
– Personne, assura Harry en essayant de se dégager.
Il sentit des cheveux se détacher de son crâne.
– Menteur ! hurla Ombrage.
Elle le projeta vers le bureau qu’il heurta de plein fouet. Il voyait à présent Hermione plaquée contre le mur par Millicent Bulstrode. Accoudé contre le rebord de la fenêtre, Malefoy, avec un sourire narquois, lançait la baguette de Harry en l’air et la rattrapait d’une seule main.
Il y eut un grand bruit dans le couloir et quelques robustes élèves de Serpentard entrèrent dans le bureau, en tenant fermement Ron, Ginny, Luna et, à la stupéfaction de Harry, Neville. Crabbe l’avait immobilisé en lui serrant la gorge et Neville semblait sur le point de suffoquer. Tous les quatre avaient été bâillonnés.
– Nous les avons tous, annonça Warrington qui poussa brutalement Ron à l’intérieur de la pièce. Celui-là – il pointa un index épais en direction de Neville – a essayé de m’empêcher d’emmener celle-ci – il désigna Ginny qui essayait de donner des coups de pied dans les tibias de la grosse fille de Serpentard qui la maintenait – alors, j’ai décidé de l’ajouter aux autres.
– Très bien, très bien, se réjouit Ombrage en regardant Ginny se débattre. Il semble que Poudlard sera bientôt un espace libéré des Weasley.