– ON L’A EU ! hurla le Mangemort qui se trouvait le plus près de Harry. DANS LE BUREAU QUI DONNE SUR…
– Silencio ! s’écria Hermione.
La voix de l’homme s’interrompit aussitôt. Il continua de remuer les lèvres sous sa cagoule mais aucun son n’en sortit. L’autre Mangemort l’écarta d’un geste.
– Petrificus Totalus ! hurla alors Harry au moment où le deuxième Mangemort levait sa baguette.
L’homme se raidit, les jambes jointes, les bras collés le long du corps, et tomba sur le tapis aux pieds de Harry, face contre terre, droit comme une planche et incapable de faire le moindre geste.
– Bien joué, Ha…
Mais le Mangemort qui venait de perdre sa voix fendit l’air de sa baguette, traçant sur la poitrine d’Hermione une longue flamme violette. Elle poussa un faible cri, comme sous l’effet de la surprise, et s’effondra sur le sol où elle resta immobile.
– HERMIONE !
Harry se laissa tomber à genoux à côté d’elle tandis que Neville émergeait précipitamment de sous le bureau, sa baguette levée devant lui. Le Mangemort lui donna alors un violent coup de pied à la tête, brisant sa baguette magique au passage. Neville fut frappé de plein fouet. Il poussa un hurlement de douleur et se recroquevilla par terre, les mains plaquées sur sa bouche et son nez. Harry fit aussitôt volte-face, levant haut sa propre baguette. Le Mangemort avait arraché sa cagoule et pointait sa baguette magique droit sur lui. Harry reconnut le long visage pâle aux traits tordus qu’il avait vu à la une de La Gazette du sorcier : c’était Antonin Dolohov, le sorcier qui avait assassiné les Prewett.
Dolohov sourit. De sa main libre, il montra successivement la prophétie que Harry tenait toujours fermement, puis lui-même, puis Hermione. Bien qu’il fût toujours incapable de parler, il n’aurait pu être plus clair. Ses trois gestes signifiaient : « Donne-moi la prophétie ou tu subiras le même sort qu’elle… »
– De toute façon, si je vous la donnais, vous nous tueriez tous ! répliqua Harry.
Le gémissement de terreur qui résonnait dans sa tête l’empêchait de réfléchir clairement. Une main posée sur l’épaule d’Hermione, il la sentait encore tiède mais n’osait pas la regarder en face. « Faites qu’elle ne soit pas morte, faites qu’elle ne soit pas morte, c’est ma faute si elle est morte... »
– Guoi gu’il arrive, Harry, dit Neville d’un ton féroce, de lui laize zurdout bas brendre la brovézie !
Toujours sous le bureau, il avait enlevé les mains de son visage, laissant voir un nez cassé, une bouche et un menton ruisselant de sang.
Un grand bruit retentit alors à l’extérieur de la pièce et Dolohov regarda par-dessus son épaule. Le Mangemort à tête de bébé apparut au seuil de la porte, braillant comme un nourrisson, ses gros poings battant l’air en tous sens. Harry sauta sur l’occasion.
– PETRIFICUS TOTALUS !
Le sortilège frappa Dolohov avant qu’il ait pu faire un geste pour l’esquiver et il bascula en avant, s’abattant en travers de son camarade, aussi raide et immobile que lui.
– Hermione, dit Harry.
Il la secoua pendant que le Mangemort à tête de bébé s’éloignait à nouveau en titubant.
– Hermione, réveille-toi…
– Gu’est-ze gu’il lui a vait ? demanda Neville en s’extrayant de sous le bureau pour aller s’agenouiller de l’autre côté du corps inerte d’Hermione.
Son nez enflait rapidement en laissant échapper un flot de sang.
– Je ne sais pas…
Neville prit le poignet d’Hermione.
– Le bouls bat engore, Harry. J’en zuis zûr.
Harry sentit une telle vague de soulagement monter en lui que pendant un instant la tête lui tourna.
– Elle est vivante ?
– Oui, je grois.
Il y eut un silence pendant lequel Harry tendit l’oreille pour guetter d’éventuels bruits de pas mais il n’entendit que les vagissements du Mangemort à tête de bébé qui continuait de tout renverser sur son passage dans la pièce voisine.
– Neville, nous ne sommes pas loin de la sortie, murmura Harry. La pièce circulaire est juste à côté… Si tu parviens à l’atteindre et à trouver la bonne porte avant l’arrivée des autres Mangemorts, je suis sûr que tu peux emmener Hermione jusqu’à l’ascenseur… Ensuite, il faudra trouver quelqu’un… donner l’alerte…
– Et doi, gu’est-ze gue du vas vaire ? dit Neville, les sourcils froncés, en épongeant son nez sanglant avec la manche de sa robe.
– Je dois retrouver les autres, répondit Harry.
– Alors, je viens aveg doi, déclara Neville d’un ton ferme.
– Mais Hermione ?
– On va l’embeder aveg dous, assura Neville. Je la borderai, du es beilleur gue boi au gombat…
Il se leva et prit Hermione par un bras en lançant un regard décidé à Harry. Celui-ci hésita puis il prit l’autre bras et aida Neville à hisser sur ses épaules le corps inanimé.
– Attends, dit Harry.
Il ramassa par terre la baguette magique d’Hermione et la mit dans la main de Neville.
– Tu ferais bien de prendre ça.
Neville écarta d’un coup de pied les débris de sa propre baguette et suivit Harry qui s’avançait lentement vers la porte.
– Ba grand-bère va be duer, dit Neville d’une voix accablée, des gouttes de sang giclant de son nez. Z’édait la baguedde bagigue de bon bère.
Harry passa la tête de l’autre côté de la porte et regarda prudemment autour de lui. Le Mangemort à tête de bébé hurlait et se cognait partout, renversant des horloges de grand-mère et des tables chargées de pendules. Incapable de s’orienter, il poussait des braillements de nourrisson tandis que l’armoire vitrée, dont Harry soupçonnait qu’elle était remplie de Retourneurs de Temps, continuait de tomber et de se fracasser par terre avant de se redresser contre le mur en se réparant toute seule.
– Celui-là ne fera sûrement pas attention à nous, murmura Harry. Viens… Reste bien derrière moi.
Ils sortirent silencieusement du bureau et retournèrent dans la salle noire, à présent déserte. Ils avancèrent de quelques pas, Neville vacillant légèrement sous le poids d’Hermione. La porte de la salle du Temps se referma derrière eux et le mur circulaire se remit à tourner. Le coup que Harry avait pris sur la tête semblait affecter quelque peu son équilibre. Il plissa les yeux en oscillant légèrement jusqu’à ce que le mur s’immobilise à nouveau. Avec un pincement au cœur, il vit que les croix enflammées d’Hermione s’étaient effacées.
– À ton avis, par où faut-il… ?
Mais avant qu’ils aient pu décider quelle direction prendre, une porte s’ouvrit sur leur droite et trois personnes firent irruption dans la pièce.
– Ron ! s’exclama Harry en se précipitant vers eux. Ginny… Vous êtes tous…
– Harry, dit Ron avec un petit gloussement de rire.
Il s’avança vers lui, le saisit par le devant de sa robe et le regarda d’un œil vitreux.
– Ah, te voilà… Ha ! ha ! ha !… Tu as un drôle d’air, Harry… On dirait que tu sors du lit…
Ron avait le teint très pâle et un liquide sombre s’égouttait du coin de sa bouche. Soudain, ses genoux se dérobèrent et il resta cramponné à la robe de Harry, l’obligeant à se pencher en une sorte de salut.
– Ginny ? dit Harry, effrayé. Qu’est-ce qui s’est passé ?
Mais Ginny hocha la tête et glissa le long du mur en tombant assise par terre. La respiration haletante, elle se tenait la cheville.