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Harry regarda les silhouettes sombres traverser la pelouse et se demanda qui ils avaient roué de coups ce soir-là. « Regardez un peu par ici, pensa-t-il en les observant. Allez… Regardez… je suis assis tout seul… Venez donc tenter votre chance… »

Si les amis de Dudley le voyaient assis là, ils lui fonceraient droit dessus, et que ferait Dudley, dans ce cas ? Il ne voudrait pas perdre la face devant sa bande mais il aurait une peur bleue de provoquer Harry… Il serait très amusant d’assister au dilemme de Dudley, de le tourner en ridicule, de voir son impuissance à réagir… Et, si l’un des autres essayait de frapper Harry, il était prêt – il avait emporté sa baguette magique. Qu’ils essaient… Il aurait grand plaisir à se défouler sur la bande qui avait fait autrefois de sa vie un enfer.

Mais ils ne se tournèrent pas vers lui et ne le virent pas. Ils avaient presque atteint les grilles, à présent, et Harry se retint à grand-peine de les appeler… Chercher la bagarre ne serait pas très intelligent… Il n’avait pas le droit de faire usage de magie… Il risquerait à nouveau l’expulsion.

Les voix de Dudley et de ses amis s’évanouirent ; ils avaient pris la direction de Magnolia Road et ils étaient maintenant hors de vue.

« Et voilà, Sirius, pensa tristement Harry, rien d’irréfléchi. Je n’ai pas fourré mon nez là où je ne devais pas. Exactement le contraire de ce que toi, tu as toujours fait. »

Il se leva et s’étira. Pour la tante Pétunia et l’oncle Vernon, l’heure à laquelle rentrait Dudley semblait toujours la bonne. Passé cette heure-là, en revanche, il était beaucoup trop tard. Son oncle avait menacé d’enfermer Harry dans la remise si jamais il rentrait encore une fois après Dudley. Aussi, étouffant un bâillement et la mine toujours renfrognée, Harry se dirigea vers la grille du parc.

Magnolia Road, tout comme Privet Drive, était envahie de grandes maisons carrées aux pelouses parfaitement entretenues et dont les propriétaires, eux-mêmes grands et carrés, roulaient dans des voitures étincelantes semblables à celle de l’oncle Vernon. Harry aimait mieux Little Whinging la nuit, lorsque les fenêtres masquées de rideaux formaient des taches de couleur qui brillaient comme des joyaux dans l’obscurité. À ces heures-là, il ne courait plus aucun danger d’entendre à son passage des marmonnements désapprobateurs sur son allure de délinquant. Il marcha rapidement et aperçut à nouveau la bande de Dudley en arrivant vers le milieu de Magnolia Road. Ils étaient en train de se dire au revoir à l’entrée de Magnolia Crescent. Harry se glissa à l’ombre d’un grand lilas et attendit.

– … hurlait comme un cochon, disait Malcolm sous les rires gras de ses amis.

– Joli crochet du droit, Big D, déclara Piers.

– Même heure demain ? proposa Dudley.

– Vous venez chez moi, mes parents ne seront pas là, annonça Gordon.

– À demain, alors, dit Dudley.

– Salut, Dud !

– À bientôt, Big D !

Harry attendit que la bande soit partie avant de se remettre en chemin. Lorsque leurs voix se furent à nouveau évanouies, il tourna le coin de la rue et s’engagea dans Magnolia Crescent. Marchant à grands pas, il rattrapa Dudley qui avançait nonchalamment en fredonnant des notes sans suite.

– Hé, Big D !

Dudley se retourna.

– Ah, grogna-t-il, c’est toi.

– Depuis quand tu te fais appeler Big D ? demanda Harry.

– Ferme-la, grogna Dudley.

– C’est cool, comme nom, dit Harry avec un sourire.

Il s’avança à la hauteur de son cousin et régla son pas sur le sien.

– Mais pour moi, tu seras toujours le « Duddlynouchet adoré ».

– Je t’ai dit de LA FERMER ! répliqua Dudley dont les mains de la taille d’un jambon se serrèrent en deux poings massifs.

– Tes copains savent que ta mère t’appelle Duddlynouchet ?

– Tu la fermes, oui ?

– À elle, tu ne lui dis pas de la fermer. Et « Popkin » ou « Duddy chéri », tu veux bien que je t’appelle comme ça aussi ?

Dudley ne répondit rien. L’effort qu’il devait faire pour se retenir de frapper Harry exigeait tout son sang-froid.

– Alors, à qui as-tu cassé la figure, ce soir ? demanda Harry dont le sourire s’effaça. Encore un môme de dix ans ? Je sais que tu t’en es pris à Mark Evans il y a deux jours…

– Il l’avait cherché, gronda Dudley.

– Ah bon ?

– Il a été insolent.

– Vraiment ? Il a dit que tu avais l’air d’un cochon à qui on aurait appris à marcher sur deux pattes ? Mais ça, ce n’est pas de l’insolence, Dud, c’est la vérité.

Un muscle frémissait sur la mâchoire de Dudley. Harry éprouvait une intense satisfaction à provoquer en lui une telle fureur. Il avait l’impression de transférer son propre sentiment de frustration directement à son cousin, le seul exutoire dont il disposait.

Ils tournèrent à droite, dans l’étroite allée où Harry avait vu Sirius pour la première fois, et qui offrait un raccourci entre Magnolia Crescent et Wisteria Walk. L’allée déserte, dépourvue de réverbères, était beaucoup plus sombre que les deux rues qu’elle reliait. Le bruit de leurs pas était étouffé par le mur d’un garage d’un côté et une haute clôture de l’autre.

– Tu te prends pour quelqu’un quand tu as ce machin-là sur toi, pas vrai ? dit Dudley quelques instants plus tard.

– Quel machin ?

– Cette chose que tu caches.

Harry sourit à nouveau.

– Tu n’es pas aussi bête que tu en as l’air, Dud. La preuve, c’est que tu arrives à marcher et à parler en même temps.

Harry sortit sa baguette magique et vit son cousin y jeter un regard en biais.

– Tu n’as pas le droit, dit aussitôt Dudley. Je sais que tu n’as pas le droit de t’en servir. Tu serais expulsé de ton école de cinglés.

– Peut-être qu’ils ont changé le règlement ? Qu’est-ce que tu en sais, Big D ?

– Ils n’ont rien changé du tout, assura Dudley qui ne semblait pas tout à fait convaincu.

Harry eut un rire silencieux.

– Tu n’aurais jamais le courage de te battre avec moi sans ce truc-là, grogna Dudley.

– Alors que toi, il te faut quatre copains derrière pour taper sur un môme de dix ans. Ce fameux titre de champion de boxe dont tu te vantes tout le temps, il avait quel âge, ton adversaire quand tu l’as eu ? Sept ans ? Huit ans ?

– Il avait seize ans, si tu veux savoir, gronda Dudley, et quand j’en ai eu fini avec lui, il est resté K.O. vingt minutes. Pourtant, il était deux fois plus lourd que toi. Tu vas voir quand je vais dire à mon père que tu as sorti ce truc-là…

– On va vite se réfugier chez son papa ? Le petit champiounet de bo-boxe a peur de la baguette du méchant Harry ?

– Tu ne fais pas autant le fier la nuit, lança Dudley d’un ton railleur.

– Mais la nuit, on y est déjà, Duddlynouchet. C’est comme ça que ça s’appelle quand il fait tout noir.