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Harry contempla ses chaussures. Son cœur, qui semblait avoir doublé de volume, battait à tout rompre contre ses côtes. Il avait cru que l’audience durerait plus longtemps et il n’était pas du tout certain d’avoir fait bonne impression. En fait, il n’avait pas dit grand-chose. Il aurait dû expliquer plus en détail ce qui s’était passé avec les Détraqueurs, comment il était tombé, comment Dudley et lui avaient failli recevoir le baiser de la mort…

À deux reprises, il leva les yeux vers Fudge et ouvrit la bouche pour parler mais son cœur dilaté empêchait l’air de passer dans sa gorge et, par deux fois, il dut se contenter de reprendre sa respiration et de contempler à nouveau ses chaussures.

Puis le murmure des conversations s’évanouit. Harry voulut regarder les juges, mais il s’aperçut qu’il était infiniment plus facile de conserver les yeux fixés sur ses lacets.

– Ceux qui sont partisans d’abandonner les charges contre le prévenu ? lança la voix tonitruante de Mrs Bones.

Harry redressa brusquement la tête. Des mains se levèrent, beaucoup de mains… Plus de la moitié ! Le souffle haletant, il essaya de les compter, mais avant qu’il eût terminé, Mrs Bones avait déjà demandé :

– Ceux qui sont partisans d’une condamnation ?

Fudge leva la main. Une demi-douzaine d’autres l’imitèrent. Il y avait parmi eux la sorcière assise à sa droite, le sorcier à la grosse moustache et sa voisine aux cheveux crépus.

Fudge leur jeta un coup d’œil avec l’air de quelqu’un qui a quelque chose de très gros coincé dans la gorge, puis il baissa la main. Après avoir respiré profondément deux fois de suite, il annonça, d’une voix déformée par la rage qu’il s’efforçait de contenir :

– Très bien, très bien… les charges sont abandonnées.

– Excellent, dit vivement Dumbledore en se levant d’un bond.

Il sortit sa baguette magique et fit disparaître les deux fauteuils recouverts de chintz.

– Je dois partir, maintenant. Bonne journée à tous.

Et, sans accorder un seul regard à Harry, il se hâta de quitter le cachot.

9. LES MALHEURS DE MRS WEASLEY

Le brusque départ de Dumbledore prit Harry complètement au dépourvu. Il resta assis dans le fauteuil aux chaînes, partagé entre le désarroi et le soulagement. Les membres du Magenmagot s’étaient levés et bavardaient en ramassant et rangeant leurs papiers. Harry se leva à son tour. Personne ne lui accordait la moindre attention, à part la sorcière-crapaud qui, après avoir si longuement regardé Dumbledore, fixait à présent les yeux sur lui. Il l’ignora et s’efforça de croiser le regard de Fudge ou de Mrs Bones pour leur demander s’il était libre de partir mais Fudge semblait décidé à faire comme s’il n’existait pas. Quant à Mrs Bones, elle paraissait très absorbée par son attaché-case. Il fit donc quelques pas timides en direction de la sortie et, voyant que personne ne le rappelait, se mit à marcher beaucoup plus vite.

Il parcourut les derniers mètres au pas de course, ouvrit la porte à la volée et faillit se cogner contre Mr Weasley qui se tenait de l’autre côté, l’air pâle et inquiet.

– Dumbledore n’a pas dit…

– Les charges sont abandonnées, annonça Harry en refermant la porte derrière lui.

Le visage rayonnant, Mr Weasley le prit par les épaules.

– Harry, c’est merveilleux ! Oh, bien sûr, il était impossible de te condamner, il n’y avait aucune preuve mais, quand même, je dois dire que je n’étais pas…

Il s’interrompit car la porte venait de se rouvrir. Les membres du Magenmagot sortaient en file indienne.

– Par la barbe de Merlin ! s’exclama Mr Weasley d’un air songeur en écartant Harry pour les laisser passer. Tu as eu droit à la cour au complet ?

– Je crois bien, répondit Harry à mi-voix.

Un ou deux sorciers adressèrent un signe de tête à Harry en passant devant lui et quelques-uns, y compris Mrs Bones, lancèrent un « Bonjour, Arthur » à Mr Weasley, mais la plupart détournèrent les yeux. Cornelius Fudge et la sorcière-crapaud furent presque les derniers à quitter le cachot. Fudge ne prêta pas plus d’attention à Mr Weasley et à Harry que s’ils avaient été un morceau du mur. En revanche, la sorcière fixa à nouveau Harry comme si elle cherchait à l’évaluer. Percy sortit en dernier. Tout comme Fudge, il ignora complètement son père et Harry. Il passa devant eux, le dos raide et le nez en l’air, en serrant contre lui un gros rouleau de parchemin et une poignée de plumes. Les rides aux coins de la bouche de Mr Weasley se crispèrent légèrement, mais il ne laissa paraître aucun autre signe indiquant qu’il venait de voir son troisième fils.

– Je vais te ramener tout de suite, comme ça, tu pourras annoncer la bonne nouvelle aux autres, dit-il, en faisant signe à Harry d’avancer tandis que les talons de Percy disparaissaient dans l’escalier qui montait vers le niveau neuf. Je te déposerai en allant m’occuper de cette histoire de toilettes à Bethnal Green. Viens…

– Qu’est-ce que vous allez faire pour arranger ça ? demanda Harry avec un sourire.

Tout lui semblait soudain beaucoup plus drôle que d’habitude. La nouvelle commençait à pénétrer en lui : il était innocenté, il retournerait à Poudlard.

– Oh, c’est simple, il suffit d’un antimaléfice, répondit Mr Weasley en montant l’escalier. Mais le plus grave, ce n’est pas d’avoir à réparer les dégâts, c’est plutôt l’attitude qui se cache derrière ce vandalisme. Se moquer des Moldus peut paraître très amusant à certains sorciers, mais c’est l’expression de quelque chose de beaucoup plus profond et de beaucoup plus méchant. En ce qui me concerne…

Mr Weasley s’interrompit au milieu de sa phrase. Ils venaient d’atteindre le couloir du niveau neuf et Cornelius Fudge se tenait à quelques mètres d’eux, parlant tranquillement à un homme de grande taille aux cheveux blonds et lisses, le visage pâle et pointu.

Au son de leurs pas, l’homme se tourna vers eux. Lui aussi s’interrompit en pleine conversation. Il plissa ses yeux gris et froids et les fixa sur Harry.

– Tiens, tiens, tiens… Le Patronus Potter, dit Lucius Malefoy d’un ton glacial.

Harry en eut le souffle coupé, comme s’il venait de se cogner contre un mur. La dernière fois qu’il avait vu ces yeux gris au regard glacé, c’était derrière les fentes d’une cagoule de Mangemort, la dernière fois qu’il avait entendu cette voix lancer des sarcasmes, c’était dans un cimetière, pendant que Voldemort le torturait. Harry n’arrivait pas à croire que Lucius Malefoy ose le regarder en face. Il ne parvenait pas à croire qu’il se trouvait là, au ministère de la Magie, en train de parler avec Cornelius Fudge, alors que Harry avait révélé à Fudge quelques semaines auparavant que Malefoy était un Mangemort.

– Monsieur le ministre m’a informé de la chance que vous venez d’avoir, Potter, dit Mr Malefoy d’une voix traînante. Très étonnant de voir comment vous arrivez toujours à vous sortir des situations les plus inextricables en vous tortillant… à la manière d’un serpent, en fait.

Mr Weasley serra l’épaule de Harry pour l’inciter au calme.

– Oui, vous avez raison, dit Harry, je m’en tire toujours très bien.

Lucius Malefoy leva les yeux vers Mr Weasley.

– Et voilà également Arthur Weasley ! Que faites-vous là, Arthur ?

– C’est ici que je travaille, répliqua sèchement Mr Weasley.

– Sûrement pas ici ? reprit Mr Malefoy qui haussa les sourcils en jetant un regard vers la porte de la salle d’audience. Je croyais que vous étiez au deuxième étage… Si je me souviens bien, vos activités consistent notamment à emporter chez vous des objets moldus pour les ensorceler ?