– Ce n’est pas grave, dit Ginny d’une voix décidée. On va se débarrasser de tout ça très facilement.
Elle sortit sa baguette magique et s’écria :
– Récurvite !
L’Empestine se volatilisa aussitôt.
– Désolé, répéta Neville d’une petite voix.
Ron et Hermione restèrent absents pendant près d’une heure. Le chariot à friandises était déjà passé, Harry, Ginny et Neville avaient fini leurs Patacitrouilles et s’échangeaient les cartes trouvées dans les Chocogrenouilles lorsque Ron et Hermione entrèrent enfin dans le compartiment, accompagnés de Pattenrond et de Coquecigrue qui poussait des hululements perçants dans sa cage.
– Je meurs de faim, dit Ron.
Il rangea la cage de Coquecigrue à côté de celle d’Hedwige, prit un Chocogrenouille des mains de Harry et se jeta sur la banquette à côté de lui. Il déchira le papier d’emballage, arracha la tête de la grenouille d’un coup de dents et s’abandonna contre le dossier en fermant les yeux, comme s’il avait eu une matinée harassante.
– Il y a deux préfets de cinquième année dans chaque maison, annonça Hermione, apparemment très mécontente. Un garçon et une fille.
– Et devine qui est le préfet de Serpentard ? dit Ron, les yeux toujours fermés.
– Malefoy, répondit aussitôt Harry, convaincu que ses pires craintes seraient confirmées.
– Bien sûr, dit Ron avec amertume.
Il avala ce qui restait de son Chocogrenouille et en prit un autre.
– Et la fille, c’est bien entendu cette vraie bourrique de Pansy Parkinson, lança Hermione d’un ton féroce. Comment elle a fait pour être préfète, elle est plus bête qu’un troll endormi…
– Et à Poufsouffle, c’est qui ? demanda Harry.
– Ernie Macmillan et Hannah Abbot, dit Ron d’une voix pâteuse.
– Et Anthony Goldstein et Padma Patil pour Serdaigle, ajouta Hermione.
– Tu es allé au bal de Noël avec Padma Patil, dit une voix d’un ton absent.
Tout le monde se tourna vers Luna Lovegood qui regardait Ron sans ciller par-dessus Le Chicaneur. Ron avala son Chocogrenouille.
– Oui, je sais, dit-il, légèrement surpris.
– Elle ne s’est pas beaucoup amusée, l’informa Luna. Elle pense que tu ne t’es pas très bien occupé d’elle parce que tu ne voulais pas la faire danser. Moi, ça ne m’aurait pas dérangée, ajouta-t-elle, songeuse. Je n’aime pas tellement danser.
Puis elle se retira à nouveau derrière Le Chicaneur. Ron, bouche bée, regarda pendant quelques secondes la couverture du magazine avant de se tourner vers Ginny d’un air interrogateur, mais Ginny se mordait le poing pour s’empêcher d’éclater de rire. Stupéfait, Ron hocha la tête et consulta sa montre.
– On est censés faire des rondes dans le couloir de temps en temps, dit-il à Harry et à Neville, et on a le droit de donner des punitions à ceux qui se conduisent mal. J’ai hâte de coincer Crabbe et Goyle…
– Tu ne dois pas profiter de ta position, Ron ! lança sèchement Hermione.
– C’est ça, oui, et Malefoy non plus n’en profitera pas du tout, répliqua Ron d’un ton sarcastique.
– Alors, tu vas t’abaisser à son niveau ?
– Non, je veux simplement coincer ses copains avant qu’il ne coince les miens.
– Ron, pour l’amour du ciel…
– J’obligerai Goyle à faire des lignes, ça va le tuer, il déteste écrire, dit Ron d’un ton joyeux.
Il crispa son visage dans une expression de concentration douloureuse et fit mine d’écrire en imitant les grognements rauques de Goyle :
– Je… ne… dois… pas… ressembler… à… un… derrière… de… babouin…
Tout le monde éclata de rire mais Luna Lovegood laissa échapper un véritable hurlement de joie qui réveilla Hedwige. La chouette battit des ailes d’un air indigné et Pattenrond sauta sur le filet à bagages en crachant. Luna riait si fort que son magazine lui échappa des mains et glissa par terre.
– Ça, c’était vraiment drôle !
Ses yeux globuleux baignés de larmes, elle haletait pour reprendre son souffle, le regard fixé sur Ron. Abasourdi, celui-ci jetait des coups d’œil aux autres qui riaient à présent de son expression ahurie et de l’hilarité interminable et grotesque de Luna Lovegood qu’on voyait se balancer d’avant en arrière en se tenant les côtes.
– Tu te fiches de moi, ou quoi ? lui dit Ron en fronçant les sourcils.
– Un derrière… de babouin ! s’étouffa-t-elle, pliée en deux.
Tandis que tout le monde regardait Luna rire, Harry remarqua quelque chose en voyant le magazine tombé par terre et se précipita soudain pour le ramasser. Vue à l’envers, il était difficile de savoir ce que représentait la couverture mais Harry venait de réaliser qu’il s’agissait d’une assez mauvaise caricature de Cornelius Fudge. Il ne l’avait reconnu que grâce au chapeau melon vert. Fudge tenait un sac d’or à la main, son autre main serrée sur la gorge d’un gobelin. La caricature avait pour légende : « Jusqu’où ira Fudge pour s’emparer de Gringotts ? »
Au-dessous, on pouvait lire les titres des autres articles du magazine.
CORRUPTION À LA LIGUE DE QUIDDITCH : Comment l’équipe des Tornades a-t-elle fait pour gagner ?
LES SECRETS DES ANCIENNES RUNES RÉVÉLÉS
SIRIUS BLACK : tueur ou victime ?
– Je peux y jeter un coup d’œil ? demanda Harry à Luna.
Elle acquiesça d’un signe de tête, haletant de rire, le regard toujours fixé sur Ron.
Harry ouvrit le magazine et parcourut le sommaire. Jusqu’à cet instant, il avait complètement oublié la revue que Kingsley avait donnée à Mr Weasley pour qu’il l’apporte à Sirius, mais il s’agissait sans doute de cette même édition du Chicaneur.
Il trouva le numéro de la page et se précipita sur l’article.
Là aussi, il découvrit une assez mauvaise caricature. Harry n’aurait même pas su qu’elle représentait Sirius s’il n’avait pas lu la légende. Sirius était debout sur un tas d’ossements humains et brandissait sa baguette magique. Le titre de l’article disait :
SIRIUS BLACK EST-IL AUSSI NOIR QU’ON LE DÉPEINT ?
Un redoutable tueur en série ou un innocent chanteur de variétés ?
Harry dut lire la phrase à plusieurs reprises pour s’assurer qu’il avait bien compris. Depuis quand Sirius était-il chanteur de variétés ?
Il y a maintenant quatorze ans que Sirius Black est considéré comme l’auteur du meurtre collectif de douze Moldus innocents et d’un sorcier. Sa fuite audacieuse du pénitencier d’Azkaban, il y a deux ans, a déclenché la plus grande chasse à l’homme jamais entreprise par le ministère de la Magie. De l’avis général, il est urgent de le retrouver pour le rendre aux Détraqueurs et lui infliger le châtiment qu’il mérite.
MAIS LE MÉRITE-T-IL VRAIMENT ?
Un fait nouveau et troublant permet en effet de penser que Sirius Black ne serait peut-être pas coupable du crime pour lequel on l’a envoyé à Azkaban. En réalité, nous dit Doris Purkiss, au 18, Acanthia Way, Little Norton, il se pourrait bien que Black n’ait même jamais été présent sur le lieu de la tuerie.
« Les gens n’ont pas compris que Sirius Black est un faux nom, affirme Mrs Purkiss. L’homme que l’on croit être Sirius Black n’est autre que Stubby Boardman, le chanteur du groupe Croque-Mitaines, qui a quitté la vie publique après avoir reçu un navet en pleine figure lors d’un concert donné à Little Norton, il y a près de quinze ans. Je l’ai reconnu au premier coup d’œil en voyant sa photo dans le journal. Il est impossible que Stubby ait commis ces crimes pour la bonne raison que, ce jour-là, il dînait aux chandelles en ma compagnie. J’ai écrit au ministre de la Magie et je pense qu’il accordera incessamment une grâce pleine et entière à Stubby, alias Sirius. »