– Abercrombie, Euan.
Le jeune garçon terrifié que Harry avait déjà remarqué s’avança d’un pas trébuchant et coiffa le Choixpeau magique qui lui serait tombé jusqu’aux épaules s’il n’avait été retenu par ses oreilles proéminentes. Le Choixpeau réfléchit un instant puis sa déchirure en forme de bouche annonça :
– Gryffondor !
Harry applaudit bruyamment avec les autres Gryffondor tandis qu’Euan Abercrombie venait s’asseoir à leur table d’un pas chancelant en ayant l’air de vouloir disparaître à travers le plancher pour ne plus jamais subir le moindre regard.
Peu à peu, la longue file des première année diminua. Dans les moments de silence entre deux décisions du Choixpeau, Harry entendait l’estomac de Ron gronder bruyamment. Enfin, Zeller, Rose, fut envoyée à Poufsouffle et le professeur McGonagall remporta le Choixpeau et son tabouret hors de la Grande Salle tandis que le professeur Dumbledore se levait.
Malgré l’amertume que son directeur avait pu lui inspirer ces derniers temps, Harry se sentit rassuré de voir Dumbledore face à eux. Entre l’absence de Hagrid et l’apparition de ces chevaux aux allures de dragons, il trouvait que son retour tant attendu à Poudlard lui avait réservé de très désagréables surprises, comme des fausses notes dans une mélodie familière. Mais en cet instant tout au moins, les choses se passaient comme prévu : leur directeur se levait pour les accueillir au festin qui marquait le début du trimestre.
– À ceux qui sont ici pour la première fois, déclara Dumbledore d’une voix claironnante, les bras écartés et le visage illuminé d’un sourire rayonnant, je souhaite la bienvenue ! Et à nos anciens, je dis : bon retour parmi nous ! Il y a un temps pour les discours et justement, ce temps n’est pas encore venu. Alors, bon appétit !
Un éclat de rire appréciateur et une salve d’applaudissements saluèrent ses paroles. Dumbledore se rassit et rejeta sa longue barbe par-dessus son épaule pour éviter qu’elle ne tombe dans son assiette. Car, à présent, des plats innombrables avaient surgi de nulle part et les cinq longues tables croulaient sous les rôtis, les pâtés, les panachés de légumes, le pain, les sauces et les bonbonnes de jus de citrouille.
– Merveilleux, dit Ron avec un grognement de satisfaction.
Il attrapa un plat de côtelettes et se mit à en empiler dans son assiette, sous l’œil mélancolique de Nick Quasi-Sans-Tête.
– Que disiez-vous avant la Répartition ? demanda Hermione au fantôme. Au sujet des avertissements donnés par le Choixpeau ?
– Ah oui, répondit Nick, apparemment content d’avoir un prétexte pour se détourner de Ron qui était occupé à dévorer des pommes de terre sautées avec un enthousiasme proche de l’indécence. Oui, j’ai déjà entendu le Choixpeau donner des avertissements à plusieurs reprises. C’était toujours à des moments où il sentait venir des périodes de grand péril pour l’école. Et, bien sûr, il conseille toujours la même chose : rester unis pour être plus forts.
– C’ment un chao ptil aouar quanlécle éten angé ? dit Ron.
Il avait la bouche tellement pleine que le simple fait d’avoir réussi à émettre quelques sons constituait déjà un exploit.
– Je vous demande pardon ? dit poliment Nick Quasi-Sans-Tête tandis qu’Hermione paraissait outrée.
Ron avala avec difficulté et reprit :
– Comment un chapeau peut-il savoir quand l’école est en danger ?
– Je l’ignore, répondit Nick. Mais comme il passe son temps dans le bureau de Dumbledore, on peut imaginer qu’il entend parfois des choses.
– Et il veut que toutes les maisons soient amies ? dit Harry en jetant un coup d’œil à la table des Serpentard où Drago Malefoy tenait salon. Il peut toujours rêver.
– Vous ne devriez pas adopter une telle attitude, répliqua Nick d’un air réprobateur. La coopération dans la paix, voilà la clé de tout. Nous autres, fantômes, bien que nous appartenions à des maisons différentes, savons maintenir des liens d’amitié. En dépit de la rivalité entre Gryffondor et Serpentard, je ne songerais jamais à me disputer avec le Baron Sanglant.
– Ça, c’est parce qu’il vous fait une peur bleue, dit Ron.
Nick Quasi-Sans-Tête parut profondément offensé.
– Peur ? J’ose espérer que moi, Sir Nicholas de Mimsy-Porpington, ne me suis jamais rendu coupable de couardise ! Le noble sang qui coule dans mes veines…
– Quel sang ? s’étonna Ron. Vous n’avez sûrement plus de…
– C’est une façon de parler ! l’interrompit Nick Quasi-Sans-Tête, si exaspéré à présent que sa tête oscillait dangereusement sur son cou en partie tranché. Les plaisirs de la table ont beau m’être refusés, je n’en conserve pas moins le droit d’employer le vocabulaire qui me convient ! Mais je suis habitué à entendre les élèves se moquer de moi sous le prétexte que je suis mort, croyez-le bien !
– Nick, il ne se moquait pas de vous ! assura Hermione en jetant un regard furieux à Ron.
Malheureusement, la bouche de Ron était à nouveau si pleine qu’elle menaçait d’exploser et les seuls sons qu’il parvint à produire se résumèrent à :
– Pa d’ tou v’lu ou ‘xer.
Ce que Nick ne sembla pas considérer comme des excuses appropriées. S’élevant dans les airs, il redressa son chapeau à plumes et glissa à l’autre bout de la table où il s’arrêta entre les frères Crivey, Colin et Dennis.
– Bravo, Ron, bien joué, lança sèchement Hermione.
– Quoi ? s’indigna-t-il après avoir enfin réussi à avaler ce qu’il avait dans la bouche. Je n’ai même plus le droit de poser une simple question ?
– Oh, laisse tomber, répliqua Hermione, agacée.
Et tous deux passèrent le reste du repas enfermés dans un silence boudeur.
Harry était trop habitué à leurs disputes pour se soucier de les réconcilier. Il jugea préférable de se consacrer à la dégustation de sa tourte de bœuf aux rognons, qui fut suivie d’une grande assiettée de tarte à la mélasse, son dessert favori.
Lorsque tous les élèves eurent fini de dîner et que le niveau sonore des conversations recommença à monter, Dumbledore se leva à nouveau. Tout le monde s’interrompit aussitôt et les têtes se tournèrent vers lui. Harry éprouvait à présent une agréable sensation de somnolence. Son lit à baldaquin l’attendait là-haut, merveilleusement doux et tiède…
– À présent que nous sommes tous occupés à digérer un autre de nos somptueux festins, je vous demande de m’accorder quelques instants d’attention afin que je puisse vous donner les traditionnelles recommandations de début d’année, déclara Dumbledore. Les nouveaux doivent savoir que la forêt située dans le parc est interdite d’accès – il ne serait d’ailleurs pas inutile que quelques-uns de nos plus anciens élèves s’en souviennent aussi.
Harry, Ron et Hermione échangèrent des sourires.
– Mr Rusard, le concierge, m’a demandé de vous rappeler, pour la quatre cent soixante-deuxième fois selon lui, que l’usage de la magie n’est pas autorisé dans les couloirs entre les heures de cours et que beaucoup d’autres choses sont également interdites, dont la liste complète est désormais affichée sur la porte de son bureau.
Nous aurons cette année deux nouveaux enseignants. Je suis particulièrement heureux d’accueillir à nouveau parmi nous le professeur Gobe-Planche qui assurera les cours de soins aux créatures magiques. J’ai également le plaisir de vous présenter le professeur Ombrage qui enseignera la défense contre les forces du Mal.