Seamus paraissait à la fois inquiet et avide de savoir. Dean, qui s’était penché sur sa valise pour essayer d’y retrouver une pantoufle, s’immobilisa dans une attitude qui n’était pas très naturelle et Harry devina qu’il tendait l’oreille.
– Pourquoi me demander ça ? répliqua Harry. Tu n’as qu’à lire La Gazette du sorcier, comme ta mère. Tu y apprendras tout ce que tu as besoin de savoir.
– Ne t’en prends pas à ma mère ! protesta Seamus.
– Je m’en prendrai à tous ceux qui me traitent de menteur, répondit Harry.
– Ne me parle pas sur ce ton !
– Je te parle sur le ton qui me plaît.
Son humeur s’échauffait à tel point qu’il attrapa sa baguette magique, sur sa table de chevet.
– Si ça te pose un problème de partager un dortoir avec moi, va donc demander à McGonagall de te mettre ailleurs… Comme ça, ta maman cessera de s’inquiéter…
– Laisse ma mère tranquille, Potter !
– Qu’est-ce qui se passe, ici ?
Ron venait d’apparaître sur le seuil de la porte. Il regarda successivement Harry, à genoux sur son lit, sa baguette pointée sur Seamus, puis Seamus lui-même, les poings levés en position de combat.
– Il s’en prend à ma mère ! s’écria Seamus.
– Quoi ? dit Ron. Harry ne ferait jamais ça… On l’a rencontrée, ta mère, on l’a trouvée très sympathique…
– Ça, c’était avant qu’elle croie tout ce que cette immonde Gazette du sorcier écrit sur moi ! s’exclama Harry de toute la puissance de sa voix.
– Ah…, dit Ron qui commençait à comprendre. D’accord.
– Tu sais quoi ? lança Seamus d’un ton enflammé, en jetant à Harry un regard venimeux. Il a raison, je ne veux plus me retrouver dans le même dortoir que lui, ce type est fou.
– Tu dérailles, Seamus, dit Ron dont les oreilles commençaient à rougir – ce qui était toujours chez lui un signal d’alerte.
– Je déraille, moi ? s’indigna Seamus qui, contrairement à Ron, était devenu très pâle. Alors, toi, tu crois toutes les imbécillités qu’il raconte sur Tu-Sais-Qui, tu penses qu’il dit la vérité ?
– Oui, c’est ce que je pense, répliqua Ron avec colère.
– Dans ce cas, toi aussi, tu es fou, dit Seamus d’un ton dégoûté.
– Ah oui ? Malheureusement pour toi, mon vieux, il se trouve que je suis aussi préfet ! répondit Ron en tapotant son insigne. Alors, si tu veux éviter une retenue, fais un peu attention à ce que tu dis !
Pendant quelques secondes, Seamus parut penser qu’une retenue était un prix raisonnable à payer pour pouvoir dire ce qu’il avait sur le cœur mais, avec une exclamation de mépris, il finit par tourner les talons, sauta sur son lit et ferma les rideaux du baldaquin avec une telle violence qu’ils s’arrachèrent de leur tringle et tombèrent sur le sol en un gros tas d’étoffe poussiéreuse. Ron lança un regard noir à Seamus, puis se tourna vers Dean et Neville.
– Est-ce que d’autres parents ont un problème avec Harry ? demanda-t-il d’un ton agressif.
– Mes parents sont des Moldus, répliqua Dean avec un haussement d’épaules. Ils ne sont absolument pas au courant qu’il y a eu un mort à Poudlard, vu que je ne suis pas assez idiot pour leur parler de ça.
– Eh bien, moi, tu ne connais pas ma mère, elle arriverait à faire avouer n’importe quoi à n’importe qui ! lui lança Seamus. De toute façon, tes parents ne lisent pas La Gazette du sorcier. Ils ne savent pas que notre directeur a été renvoyé du Magenmagot et de la Confédération internationale des mages et sorciers parce qu’il commence à perdre la boule…
– Ma grand-mère dit que ce sont des idioties, intervint Neville. Elle dit que c’est La Gazette du sorcier qui est sur la mauvaise pente, pas Dumbledore. Elle a annulé notre abonnement. Nous, on croit Harry, ajouta simplement Neville.
Il se mit au lit et remonta les couvertures jusqu’à son menton, en lançant à Seamus un regard de hibou.
– Ma grand-mère a toujours dit que Tu-Sais-Qui reviendrait un jour. Et elle dit que si Dumbledore annonce qu’il est revenu, c’est qu’il est revenu.
Harry sentit monter en lui une bouffée de gratitude pour Neville. Plus personne n’ajouta un mot. Seamus sortit sa baguette magique, répara les rideaux de son lit et disparut derrière. Dean se coucha également, se tourna sur le côté et demeura silencieux. Neville, qui n’avait rien d’autre à ajouter, regardait avec tendresse son cactus éclairé par un rayon de lune.
Harry posa la tête sur ses oreillers tandis que Ron s’activait autour du lit voisin, en rangeant ses affaires. Il se sentait ébranlé par sa dispute avec Seamus qu’il avait toujours bien aimé. Combien d’autres allaient répandre à leur tour la rumeur qu’il était un menteur ou un détraqué ?
Dumbledore avait-il connu la même souffrance, cet été, lorsque le Magenmagot, puis la Confédération internationale des sorciers l’avaient exclu de leurs rangs ? Était-ce un sentiment de colère contre Harry qui l’avait dissuadé de le contacter ces derniers mois ? Après tout, ils étaient tous les deux embarqués sur le même bateau. Dumbledore avait cru son récit, il avait répété sa version des événements devant l’école tout entière puis, plus largement, à la communauté des sorciers. Quiconque pensait que Harry était un menteur devait considérer que Dumbledore en était un aussi, ou bien qu’il avait été abusé…
« Ils finiront par comprendre que nous avons raison », songea Harry, désemparé, alors que Ron se couchait et éteignait la dernière chandelle du dortoir. Mais il se demandait combien d’attaques semblables à celle de Seamus il devrait subir avant que vienne enfin le temps de la vérité.
12. LE PROFESSEUR OMBRAGE
Le lendemain matin, Seamus s’habilla en hâte et sortit du dortoir avant même que Harry ait mis ses chaussettes.
– Est-ce qu’il a peur de devenir fou s’il reste trop longtemps avec moi dans la même pièce ? demanda Harry à haute voix, en voyant les pans de la robe de Seamus disparaître derrière la porte.
– Ne t’inquiète pas pour ça, Harry, marmonna Dean en hissant son sac sur l’épaule. Il est juste un peu…
Mais apparemment, il était incapable de dire avec précision ce qu’était Seamus et, après un silence gêné, il préféra sortir à son tour.
Neville et Ron lancèrent tous deux à Harry un regard qui signifiait : « C’est son problème, pas le tien », mais Harry n’en éprouva guère de consolation. Combien de fois devrait-il encore subir ce genre d’avanies ?
– Qu’est-ce qu’il y a ? demanda Hermione cinq minutes plus tard.
Elle avait rattrapé Harry et Ron au milieu de la salle commune tandis qu’ils allaient tous prendre leur petit déjeuner.
– Tu as l’air absolument… Oh, mon Dieu !
Elle fixait d’un regard effaré le tableau d’affichage sur lequel une nouvelle annonce avait été placardée.
DES GALLIONS À FOISON
Votre argent de poche n’arrive pas à suivre vos dépenses ? Un peu d’or en plus serait le bienvenu ?
N’hésitez pas à prendre contact avec Fred et George Weasley, pièce commune de Gryffondor, pour petits travaux à temps partiel, simples et quasiment sans douleur.
(Nous avons le regret de préciser que les candidats devront agir à leurs risques et périls.)
– Ils dépassent vraiment les bornes ! dit Hermione d’un air sombre.
Elle s’empressa d’enlever l’annonce épinglée par les jumeaux sur une affiche qui informait que la première sortie à Pré-au-Lard aurait lieu au mois d’octobre.