– Il va falloir leur dire deux mots, Ron.
Ron parut soudain très inquiet.
– Et pourquoi ?
– Parce que nous sommes préfets ! répondit Hermione, en se glissant par le trou que masquait le portrait de la grosse dame. C’est à nous de mettre un frein à ce genre de choses !
Ron resta silencieux. Harry devinait à son expression renfrognée que la perspective d’empêcher Fred et George de faire ce qui leur plaisait n’avait rien d’enthousiasmant à ses yeux.
– Au fait, qu’est-ce qui se passe, Harry ? reprit Hermione. Tu as l’air furieux.
Ils descendaient à présent un escalier où s’alignaient des portraits de vieux sorciers trop absorbés par leurs conversations pour leur accorder le moindre regard.
– Seamus prétend que Harry ment au sujet de Tu-Sais-Qui, résuma Ron en voyant que Harry ne répondait pas.
Harry s’attendait à ce qu’Hermione s’indigne en prenant sa défense, mais elle se contenta de soupirer.
– Oui, Lavande pense la même chose, dit-elle, d’un ton affligé.
– Et là-dessus, vous avez bavardé aimablement pour savoir si j’étais oui ou non un petit crétin qui cherche à faire parler de lui ? demanda Harry d’une voix sonore.
– Pas du tout, répondit calmement Hermione. En fait, je lui ai dit qu’elle ferait bien de la fermer une bonne fois pour toutes. Et ce ne serait pas mal si tu arrêtais de nous sauter à la gorge à tout propos, Harry, parce que, au cas où tu ne l’aurais pas remarqué, Ron et moi, nous sommes de ton côté.
Il y eut un bref silence.
– Désolé, dit Harry à voix basse.
– Ce n’est pas grave, répliqua Hermione d’un air digne.
Puis elle hocha la tête et ajouta :
– Vous vous souvenez de ce que Dumbledore a dit le jour du festin de fin d’année ?
Harry et Ron la regardèrent d’un air interdit et Hermione poussa un nouveau soupir.
– À propos de Vous-Savez-Qui. Il a dit que son « aptitude à semer la discorde et la haine est considérable. Nous ne pourrons le combattre qu’en montrant une détermination tout aussi puissante, fondée sur l’amitié et la confiance… »
– Comment tu fais pour te rappeler des trucs comme ça ? s’étonna Ron, le regard admiratif.
– Moi, j’écoute, répondit Hermione avec une certaine âpreté.
– Moi aussi, mais je serais quand même incapable de répéter exactement…
– Il se trouve, poursuivit Hermione d’une voix forte, que nous sommes précisément dans la situation dont parlait Dumbledore. Il y a deux mois seulement que Vous-Savez-Qui est de retour et nous commençons déjà à nous diviser. L’avertissement du Choixpeau magique était le même : restez ensemble, soyez unis…
– Et Harry avait raison hier soir, répliqua Ron. Si ça veut dire qu’on doit devenir amis avec Serpentard, on peut toujours rêver.
– Je pense qu’il serait dommage de ne pas tenter un rapprochement entre les maisons, dit Hermione avec mauvaise humeur.
Ils étaient arrivés au pied de l’escalier de marbre. Une file d’élèves de quatrième année de Serdaigle traversait le hall. Lorsqu’ils aperçurent Harry, ils resserrèrent aussitôt les rangs, comme s’ils avaient peur qu’il attaque les retardataires.
– Oui, il faudrait vraiment essayer de devenir amis avec ces gens-là, dit Harry d’un ton sarcastique.
Ils suivirent les Serdaigle dans la Grande Salle et se tournèrent instinctivement vers la table des enseignants. Le professeur Gobe-Planche bavardait avec le professeur Sinistra, qui enseignait l’astronomie, mais, cette fois encore, Hagrid se faisait remarquer par son absence. Le plafond enchanté, au-dessus de leurs têtes, reflétait bien l’humeur de Harry : il était d’une grisaille navrante.
– Dumbledore n’a même pas précisé combien de temps cette Gobe-Planche allait rester, dit-il tandis qu’ils s’avançaient vers la table de Gryffondor.
– Peut-être…, commença Hermione d’un air songeur.
– Quoi ? demandèrent Harry et Ron d’une même voix.
– Peut-être qu’il ne voulait pas attirer l’attention sur l’absence de Hagrid ?
– Qu’est-ce que tu veux dire, ne pas attirer l’attention ? s’étonna Ron en riant à moitié. Comment pouvait-on ne rien remarquer ?
Avant qu’Hermione ait pu répondre, une grande fille noire avec de longues tresses s’était ruée vers Harry.
– Salut, Angelina.
– Salut, dit-elle d’un ton brusque. Passé de bonnes vacances ?
Et, sans attendre la réponse, elle ajouta :
– J’ai été nommée capitaine de l’équipe de Quidditch de Gryffondor.
– Ça, c’est bien, répondit Harry avec un sourire.
Il présageait que les discours d’encouragement d’Angelina ne seraient pas aussi longs et laborieux que ceux d’Olivier Dubois, ce qui constituerait un progrès.
– Maintenant qu’Olivier est parti, nous avons besoin d’un nouveau gardien. On fera des essais vendredi à cinq heures et je veux que l’équipe soit là au complet, d’accord ? Comme ça, on cherchera quelqu’un avec qui tout le monde puisse s’entendre.
– O.K., dit Harry.
Angelina lui sourit et s’éloigna.
– J’avais oublié que Dubois était parti, dit Hermione d’un air absent.
Elle s’assit à côté de Ron et prit une assiette remplie de toasts.
– J’imagine que ça va changer beaucoup de choses dans l’équipe ?
– Sans doute, répondit Harry en s’asseyant face à elle. C’était un bon gardien.
– Ça ne fera quand même pas de mal d’avoir un peu de sang neuf, tu ne trouves pas ? dit Ron.
À cet instant, dans une bourrasque de battements d’ailes, des centaines de hiboux surgirent par les fenêtres et se répandirent dans toute la Grande Salle. Ils étaient chargés de lettres et de paquets qu’ils apportaient à leurs destinataires en aspergeant de gouttelettes d’eau les élèves attablés. De toute évidence, la pluie tombait dru au-dehors. Hedwige n’était pas là mais Harry n’en fut guère surpris. Son seul correspondant était Sirius et il y avait peu de chances qu’il eût quelque chose de nouveau à lui dire vingt-quatre heures seulement après son départ. Hermione, en revanche, dut écarter son jus d’orange pour laisser la place à une grande chouette effraie aux plumes mouillées qui tenait dans son bec un exemplaire détrempé de La Gazette du sorcier.
– Pourquoi tu continues à te faire livrer ça ? lança Harry d’un ton agacé.
Il songea à Seamus tandis qu’Hermione déposait une Noise dans la bourse de cuir attachée à la patte de la chouette qui repartit aussitôt.
– À ta place, je ne prendrais pas la peine de lire ce tissu d’âneries…
– Il vaut mieux savoir ce que dit l’ennemi, fit remarquer Hermione avec gravité.
Elle déplia le journal, disparut derrière et ne se montra plus jusqu’à ce que Harry et Ron aient fini leur petit déjeuner.
– Il n’y a rien, dit-elle alors en roulant le journal qu’elle posa à côté de son assiette. Rien sur toi, rien sur Dumbledore ni sur quoi que ce soit d’autre.
Le professeur McGonagall circulait à présent entre les tables pour distribuer les emplois du temps.
– Regarde ce qu’on a aujourd’hui ! grogna Ron. Histoire de la magie, double cours de potions, divination et encore un double cours de défense contre les forces du Mal… Binns, Rogue, Trelawney et cette Ombrage, tout ça dans la même journée ! J’aimerais bien que Fred et George se dépêchent de mettre au point leurs boîtes à Flemme…
– Mes oreilles m’abuseraient-elles ? dit Fred qui arrivait en compagnie de George.
Tous deux se glissèrent sur le banc à côté de Harry.
– Un préfet de Poudlard ne chercherait quand même pas à sécher ses cours ?