– Qu’y a-t-il, cette fois, Miss Granger ?
– J’ai déjà lu le chapitre deux, répondit Hermione.
– Dans ce cas, passez donc au chapitre trois.
– Celui-là aussi, je l’ai lu. En fait, j’ai lu tout le livre.
Le professeur Ombrage cligna des yeux mais elle reprit aussitôt contenance.
– Très bien, dans ce cas, vous devriez pouvoir me répéter ce qu’Eskivdur dit des contre-maléfices au chapitre quinze.
– Il dit que le terme de contre-maléfice est impropre, répondit immédiatement Hermione. Et que les gens donnent le nom de « contre-maléfice » à leurs propres maléfices pour les rendre plus acceptables.
Le professeur Ombrage haussa les sourcils et Harry vit qu’elle ne pouvait s’empêcher d’être impressionnée.
– Mais moi, je ne suis pas d’accord, poursuivit Hermione.
Les sourcils du professeur Ombrage se levèrent un peu plus et son regard devint nettement plus froid.
– Vous n’êtes pas d’accord ?
– Non, dit Hermione qui, à l’inverse d’Ombrage, ne murmurait pas mais parlait d’une voix claire et forte qui avait attiré l’attention de toute la classe. Mr Eskivdur n’aime pas les maléfices, mais moi, je pense qu’ils peuvent se révéler très utiles lorsqu’on les utilise pour se défendre.
– Ah vraiment, voyez-vous cela ? répliqua le professeur Ombrage.
Elle avait oublié de murmurer et s’était redressée.
– Eh bien, je crains que ce soit l’opinion de Mr Eskivdur et non la vôtre qui importe dans cette classe, Miss Granger.
– Mais…, commença Hermione.
– Ça suffit, coupa le professeur Ombrage.
Elle revint vers son bureau et se tourna face aux élèves. L’enjouement dont elle avait fait étalage jusqu’à présent avait totalement disparu.
– Miss Granger, dit-elle, j’enlève cinq points à la maison Gryffondor.
Des marmonnements s’élevèrent aussitôt dans toute la classe.
– Et pourquoi ? demanda Harry avec colère.
– Ne t’en mêle pas ! lui murmura précipitamment Hermione.
– Pour avoir perturbé mon cours avec des interruptions intempestives, répondit le professeur Ombrage de sa voix doucereuse. Je suis ici pour vous apprendre à utiliser une méthode approuvée par le ministère et qui ne nécessite aucunement que les élèves donnent leur opinion sur des sujets auxquels ils ne comprennent pas grand-chose. Vos professeurs précédents vous ont peut-être accordé une plus grande licence mais comme aucun d’entre eux n’aurait passé avec succès l’épreuve de l’inspection – à part le professeur Quirrell qui, au moins, s’était limité à l’étude de sujets adaptés à l’âge de ses élèves…
– Ah oui, ça, c’était un grand professeur, Quirrell, l’interrompit Harry à voix haute. Son seul petit défaut, c’est qu’il avait Lord Voldemort collé à l’arrière de la tête.
Cette déclaration fut suivie d’un des silences les plus assourdissants que Harry ait jamais entendus. Puis…
– Je crois qu’une autre semaine de retenue vous ferait le plus grand bien, Mr Potter, dit Ombrage d’une voix onctueuse.
La coupure sur la main de Harry avait à peine eu le temps de guérir que le lendemain matin elle saignait à nouveau. Il ne s’était pas plaint pendant la retenue du soir, toujours décidé à ne pas donner cette satisfaction à Ombrage. Inlassablement, il avait écrit : « Je ne dois pas dire de mensonges » sans qu’aucun son ne s’échappe de ses lèvres bien que sa blessure devienne de plus en plus profonde à chaque lettre qu’il traçait.
La plus terrible conséquence de cette deuxième semaine de retenue fut, comme George l’avait prédit, la réaction d’Angelina. Elle l’intercepta au moment où il arrivait à la table de Gryffondor pour le petit déjeuner du mardi et se mit à crier si fort que le professeur McGonagall quitta la table des enseignants pour se précipiter vers eux.
– Miss Johnson, comment osez-vous faire un tel vacarme dans la Grande Salle ? Cinq points de moins pour Gryffondor !
– Mais, professeur… il s’est encore arrangé pour avoir une retenue…
– Qu’est-ce que c’est que ça, Potter ? demanda sèchement le professeur McGonagall. Qui vous a donné une retenue ?
– Le professeur Ombrage, marmonna Harry qui évitait soigneusement les yeux perçants du professeur McGonagall, encadrés de leurs lunettes carrées.
– Êtes-vous en train de me dire, répondit-elle, en baissant la voix pour que les curieux assis derrière eux à la table des Serdaigle ne puissent l’entendre, que malgré mon avertissement de lundi dernier, vous avez de nouveau perdu votre calme dans la classe du professeur Ombrage ?
– Oui, grommela Harry, les yeux fixés sur le sol.
– Potter, vous devez vous ressaisir ! Vous vous exposez à de sérieux ennuis ! Encore cinq points de moins pour Gryffondor !
– Mais… que… ? Non, professeur ! s’exclama Harry, furieux de cette injustice. J’ai déjà été puni par elle, pourquoi en plus nous enlever des points ?
– Parce que les retenues ne semblent avoir aucun effet sur vous ! répliqua le professeur McGonagall d’une voix tranchante. Non, plus un mot de protestation, Potter ! Quant à vous, Miss Johnson, vous êtes priée à l’avenir de limiter vos performances vocales au terrain de Quidditch si vous ne voulez pas courir le risque de perdre votre poste de capitaine de l’équipe !
Le professeur McGonagall retourna à grands pas à sa table. Angelina lança à Harry un regard de profond dégoût puis s’éloigna tandis qu’il se laissait tomber sur le banc à côté de Ron. Il était furieux.
– Elle nous enlève des points parce que je me fais charcuter la main tous les soirs ! C’est juste, ça, hein ? C’est juste ?
– Je sais, mon vieux, je sais, répondit Ron d’un ton compatissant en servant à Harry quelques tranches de bacon. Elle est complètement à côté de la plaque.
Hermione, elle, se contentait de feuilleter La Gazette du sorcier sans dire un mot.
– Toi, tu penses que McGonagall a raison, c’est ça ? dit Harry avec colère en s’adressant à la photo de Cornelius Fudge étalée à la une derrière laquelle se cachait Hermione.
– J’aurais mieux aimé qu’elle ne t’enlève pas de points, mais je crois qu’elle a raison de t’inciter à garder ton calme avec Ombrage, répondit la voix d’Hermione, tandis que Fudge gesticulait avec force comme s’il prononçait un discours.
Harry n’adressa plus la parole à Hermione pendant tout le cours de sortilèges mais, lorsqu’ils entrèrent dans la classe de métamorphose, il oublia qu’il était fâché avec elle. Le professeur Ombrage était assise avec son bloc-notes dans un coin de la salle et cette vision chassa aussitôt de son esprit le souvenir du petit déjeuner.
– Parfait, murmura Ron tandis qu’ils s’asseyaient à leurs places habituelles. Ombrage va enfin avoir ce qu’elle mérite.
Le professeur McGonagall s’avança dans la classe sans manifester le moindre signe indiquant qu’elle avait remarqué la présence du professeur Ombrage.
– Bien, ça suffit, dit-elle et le silence se fit aussitôt. Mr Finnigan, ayez la gentillesse de venir prendre les devoirs corrigés que vous distribuerez à vos camarades… Miss Brown, s’il vous plaît, prenez cette boîte de souris… Allons, ne soyez pas stupide, elles ne vous feront aucun mal… Vous en donnerez une à chaque élève…
– Hum, hum, dit le professeur Ombrage, avec cette même petite toux stupide qui avait interrompu Dumbledore le soir de la rentrée.