Выбрать главу

Le jour du cinquième anniversaire de Dudley, la tante Marge avait donné des coups de canne dans les tibias de Harry pour l’empêcher de gagner au jeu des chaises musicales. Quelques années plus tard, elle avait apporté un robot électronique à Dudley et une boîte de biscuits pour chiens à Harry. Sa dernière visite avait eu lieu un an avant l’entrée de Harry au collège Poudlard. Ce jour-là, il avait marché par mégarde sur la patte de Molaire, son chien préféré. Le molosse s’était rué à la poursuite de Harry qui avait fui dans le jardin et n’était parvenu à lui échapper qu’en montant au sommet d’un arbre. À califourchon sur une branche, il avait dû attendre minuit pour que la tante Marge consente enfin à rappeler son chien. Aujourd’hui encore, il arrivait à Dudley de pleurer de rire au souvenir de cet incident.

– Marge restera une semaine, lança l’oncle Vernon, et puisqu’on en parle, ajouta-t-il en pointant sur Harry un index grassouillet et menaçant, c’est le moment de mettre quelques petites choses au point avant que j’aille la chercher.

Dudley ricana et détacha son regard de la télévision. Aucun spectacle ne l’enchantait davantage que de voir Harry rudoyé par l’oncle Vernon.

– Pour commencer, grogna celui-ci, je te conseille de surveiller ta langue quand tu t’adresseras à Marge.

– D’accord, répondit Harry d’un ton amer, à condition qu’elle en fasse autant quand elle s’adressera à moi.

– Deuxièmement, poursuivit l’oncle Vernon comme s’il n’avait pas entendu, étant donné que Marge ignore tout de ton anormalité, je ne veux surtout pas qu’il se passe quelque chose de… bizarre pendant qu’elle sera là. Tu vas te conduire convenablement, compris ?

– Oui, mais il faudra qu’elle aussi se conduise bien, répliqua Harry entre ses dents.

– Et troisièmement, reprit l’oncle Vernon en plissant ses petits yeux méchants qui n’étaient plus que deux fentes dans sa grosse face violacée, nous avons dit à Marge que tu étais pensionnaire au Centre d’éducation des jeunes délinquants récidivistes de St Brutus.

– Quoi ? s’exclama Harry.

– Et tu as intérêt à ne pas démentir cette version, sinon tu auras de sérieux ennuis, lança l’oncle Vernon.

Harry avait du mal à le croire. Le teint pâle, il resta immobile, fixant l’oncle Vernon d’un regard furieux. Une semaine avec la tante Marge, c’était le pire cadeau d’anniversaire que les Dursley lui avaient jamais fait.

– Pétunia, dit l’oncle Vernon en relevant sa grande carcasse, je pars à la gare. Tu veux venir avec moi, Duddy ?

– Non, répondit Dudley qui avait reporté son attention sur l’écran de la télévision.

– Duddinouchet doit se faire beau pour recevoir sa tante Marge, dit la tante Pétunia en caressant les épais cheveux blonds de son fils. Maman lui a acheté un ravissant nœud papillon.

L’oncle Vernon donna une tape affectueuse sur l’épaule grasse de Dudley.

– À tout à l’heure, dit-il avant de sortir de la cuisine.

Harry, qui était resté assis, comme figé d’horreur, eut une idée soudaine. Laissant son toast dans son assiette, il se leva d’un bond et rejoignit dans le vestibule l’oncle Vernon qui était en train de mettre sa veste.

– Ce n’est pas à toi que j’ai proposé de m’accompagner, gronda l’oncle Vernon en le voyant arriver.

– Comme si j’avais envie de venir, répliqua froidement Harry. Je voudrais simplement poser une question.

L’oncle Vernon le regarda d’un air méfiant.

– Les élèves de troisième année de Poud… de mon école peuvent aller se promener dans le village voisin certains jours, dit Harry.

– Et alors ? répliqua sèchement l’oncle Vernon en prenant ses clés suspendues à un crochet.

– Je dois faire signer un formulaire pour pouvoir sortir du collège, dit précipitamment Harry.

– Et pourquoi devrais-je signer ce papier ? demanda l’oncle Vernon d’un ton méprisant.

– Parce que… commença Harry en choisissant bien ses mots, parce que ça ne va pas être très facile pour moi de faire croire à la tante Marge que je suis pensionnaire dans ce centre St Machin…

– Centre d’éducation des jeunes délinquants récidivistes de St Brutus ! s’écria l’oncle Vernon.

Harry fut enchanté d’entendre sa voix trahir une soudaine panique.

– C’est ça, oui, dit Harry en contemplant d’un air tranquille le gros visage violacé de son oncle. Difficile à apprendre par cœur. Il faut que je paraisse convaincant. Qu’est-ce qui se passera si jamais je me trompe ?

– Tu prendras la plus belle correction de ta vie ! rugit l’oncle Vernon en s’avançant vers lui le poing levé.

Mais Harry ne recula pas d’un pouce.

– La plus belle correction de ma vie ne suffira pas à faire oublier à la tante Marge ce que je lui aurai dit, répondit-il d’un air sombre.

L’oncle Vernon s’immobilisa, le poing toujours brandi, le teint cramoisi.

– Une simple signature sur mon autorisation de sortie m’aiderait sûrement à me rappeler le nom de l’établissement où je suis censé être pensionnaire, reprit précipitamment Harry. Et je promets de me conduire comme un parfait Mol… je veux dire de faire semblant d’être normal…

De toute évidence, l’oncle Vernon réfléchissait intensément, malgré le rictus qui découvrait ses dents et la grosse veine qui battait à sa tempe.

– Très bien, dit-il enfin d’un ton sec. Je vais surveiller de près ton comportement pendant le séjour de la tante Marge. Si, à la fin, je juge que tu t’es bien tenu, je signerai ta fichue autorisation.

Il fit volte-face, ouvrit la porte et sortit en la claquant si fort que l’un des petits carreaux qui ornaient le haut du panneau se détacha et tomba par terre.

Harry monta directement dans sa chambre sans repasser par la cuisine. S’il devait vraiment se comporter comme un Moldu, autant commencer tout de suite. L’air triste, les gestes lents, il cacha ses cadeaux sous la lame de parquet branlante. Puis il s’approcha de la cage d’Hedwige. Errol semblait avoir retrouvé des forces. Tous deux s’étaient endormis. Harry poussa un soupir et se décida à les réveiller.

– Hedwige, dit-il d’un ton lugubre, il faut que tu t’en ailles pendant une semaine. Pars avec Errol, Ron s’occupera de vous. Je vais lui écrire un mot pour lui expliquer. Et ne me regarde pas comme ça, ajouta-t-il en voyant l’air de reproche dans les grands yeux couleur d’ambre de la chouette. Je n’y suis pour rien. C’est le seul moyen d’obtenir le droit d’aller à Pré-au-lard avec Ron et Hermione.

Dix minutes plus tard, Errol et Hedwige, un mot attaché à une patte, s’envolèrent par la fenêtre et disparurent au loin tandis que Harry, plus triste que jamais, rangeait la cage vide dans l’armoire.

Mais Harry n’eut guère le loisir de se morfondre. Quelques instants plus tard, il entendit la voix perçante de la tante Pétunia qui lui criait de descendre pour se tenir prêt à accueillir leur invitée.

– Tu aurais pu arranger tes cheveux ! lança-t-elle lorsqu’il arriva au bas de l’escalier.

Harry ne voyait pas pourquoi il aurait essayé de se coiffer. La tante Marge éprouvait un tel plaisir à le critiquer que plus il paraîtrait négligé, plus elle serait satisfaite.