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"Et alors," continua la voix de Dumbledore, encore plus basse, presque comme s'il se parlait à lui-même, "puisque c'est moi qui l'avais fait tomber, ils m'ont obéi lorsque j'ai dit qu'il ne devrait pas mourir, même s'ils étaient des milliers à réclamer son sang. Il fut donc emprisonné à Nurmengard, dans la prison qu'il avait construite, et c'est là qu'il y endure sa peine aujourd'hui encore. Je suis allé le combattre sans avoir l'intention de le tuer, Harry. Parce que vois-tu, j'avais déjà essayé de tuer Grindelwald une fois auparavant, il y a longtemps, et ça... ça s'était... avéré être... une erreur, Harry." Le vieux sorcier regardait maintenant sa longue baguette gris-noir qu'il tenait à deux mains comme si c'était une boule de cristal sortie d'un fantasme moldu, une source divinatoire où des réponses pouvaient être trouvées. "Et j'ai alors songé... j'ai songé que je ne devrais jamais tuer. Et Voldemort est arrivé."

Le vieux sorcier releva les yeux vers Harry et dit d'une voix enrouée : "Il n'est pas comme Grindelwald, Harry. Il n'y a plus rien d'humain en lui. Lui, tu dois le détruire. Tu ne dois pas hésiter quand le moment viendra. Envers lui seul, de toutes les créatures de ce monde, tu ne dois montrer aucune pitié ; et lorsque tu en auras fini tu dois l'oublier, oublier que tu as jamais commis cet acte et te remettre à vivre. Garde ta furie pour cela et pour cela seulement."

Il n'y avait plus que du silence dans le bureau.

Il dura quelques longues secondes et fut enfin brisé par une unique question.

"Y a-t-il des Détraqueurs à Nurmengard ?"

"Quoi ?" dit le vieux sorcier. "Non ! Je ne lui aurais pas fait ça, même à lui."

Le vieux sorcier regarda le jeune garçon qui s'était raidi et dont le visage avait changé.

"En d'autres termes," dit le garçon, comme s'il se parlait à lui-même dans une pièce vide, "on sait déjà comment garder de puissants mages noirs en prison sans utiliser de Détraqueurs. Les gens savent qu'on le sait."

"Harry...?"

"Non," dit le garçon. Il releva les yeux, et ses yeux brillaient d'un feu vert. "Je n'accepte pas votre réponse, M. le directeur. Fumseck m'a donné une mission, et je sais maintenant pourquoi il l'a donnée à moi et pas à vous. Vous êtes prêt à accepter un équilibre des pouvoirs dans lequel les méchants sont vainqueurs. Pas moi."

"Ce n'est pas non plus un réponse," dit le vieux sorcier ; son visage ne révélait rien de sa souffrance car il avait longuement pratiqué la dissimulation de celle-ci. "On ne change pas quelque chose en refusant de l'accepter. Je me demande maintenant si tu n'es pas simplement trop jeune pour comprendre cela, Harry, en dépit de ton apparence ; ce n'est que dans les fantasmes d'enfants que toutes batailles peuvent être gagnées et qu'aucun mal n'a à être toléré."

"Et c'est pour cela que je peux détruire les Détraqueurs et pas vous," dit le garçon. "Parce que je pense que les ténèbres peuvent être brisées."

Le vieux sorcier eut le souffle coupé.

"Le prix du phénix n'est pas inévitable," dit le garçon. "Il ne fait pas partie d'un équilibre profondément ancré dans l'univers. C'est juste une partie du problème où vous n'avez pas encore découvert comment tricher."

Les lèvres du vieux sorcier s'ouvrirent mais aucun mot ne sortit.

Une lumière argentée tombait sur les baguettes brisées.

"Fumseck m'a donné une mission," répéta le garçon, "et je la mènerai à bien même si je dois faire tomber tout le ministère pour cela. C'est la partie de la réponse qui vous manque. L'idée qu'on ne peut pas s'arrêter en disant oh, eh bien j'imagine que je ne pourrai jamais trouver un moyen d'arrêter les brutalités à Poudlard et en rester là. On continue juste de chercher jusqu'à avoir trouvé un moyen de le faire. Si ça signifie qu'il faut faire voler en éclats toute la conspiration de Lucius Malfoy, très bien."

"Et le véritable combat, celui contre Voldemort ?" dit le vieux sorcier d'une voix chancelante. "Que feras-tu pourquoi gagner cela, Harry ? Briseras-tu la terre entière ? Même si un jour tu obtenais un tel pouvoir, tu n'es pas encore au-delà des prix à payer, et peut-être ne le seras-tu jamais ! Car agir de la sorte maintenant n'est rien d'autre que de la folie !"

"J'ai demandé au professeur Quirrell pourquoi il avait ri," dit le garçon d'une voix neutre, "après avoir donné cent points à Hermione. Et il m'a répondu, ce n'étaient pas ses mots exacts, mais c'est plus ou moins ce qu'il a dit, qu'il avait trouvé particulièrement amusant de voir que le grand et bon Albus Dumbledore était resté assis là à ne rien faire pendant que cette pauvre fille innocente appelait à l'aide et que c'était lui qui l'avait défendue. Et il m'a alors dit que quand les gens bons et moraux avaient fini de s'embrouiller l'esprit, ils ne avaient généralement rien, ou s'ils agissaient, qu'on pouvait à peine les distinguer des méchants. Tandis que lui pouvait aider d'innocentes jeunes filles quand ça lui chantait parce qu'il n'était pas l'un des gentils. Et que je devrais m'en souvenir à chaque fois que j'envisageais de devenir un gentil."

Le vieux sorcier ne révéla pas la force du choc. Si vous l'aviez regardé très attentivement, seul un léger écarquillement de ses yeux l'aurait trahi.

"Ne vous en faites pas, M. le directeur," dit le garçon. "Je ne me suis pas emmêlé les pinceaux. Je sais que je suis censé apprendre ce qui est bon auprès de Hermione et de Fumseck, pas du professeur Quirrell et de vous. Ce qui m'amène à la véritable raison de ma venue. Le temps de Hermione est trop précieux pour être gâché en retenues. Le professeur Rogue les annulera en prétendant que je l'ai fait chanter."

Après une hésitation, le vieux sorcier hocha la tête, faisant légèrement onduler sa barbe d'argent. "Ce ne serait pas idéal pour elle, Harry," dit le vieux sorcier. "Mais on peut écrire que la retenue sera surveillée par le professeur Binns et vous pourrez ainsi étudier ensemble dans sa salle de cours."

"Très bien," dit le garçon. "Je pense que c'est tout ce que nous avions à régler. La prochaine fois que vous semblez travailler avec les méchants ou que vous les laissez gagnez, attendez-vous à ce que je fasse toute ce que je pense que Fumseck me laisserait faire, peu importe les problèmes que cela causera. J'espère que nous nous sommes bien compris."

Sans un mot de plus, le garçon se retourna et quitta la pièce par la porte de métal noir, le mot "Lumos !" et la lumière de sa baguette jaillissant un instant plus tard.

Le vieux sorcier se tint là, silencieux, entre les ruines des vies que la sienne avait laissées en arrière. Sa main ridée s'éleva, tremblante, pour venir toucher ses lunettes en demi-lune -

Le garçon refit passer sa tête à l'intérieur. "Ça vous embêterait de rallumer les escaliers, M. le directeur ? Je préférerais ne pas refaire tout le travail que j'ai dû faire pour venir."

"Vas, Harry Potter," dit le vieux sorcier. "Les escaliers te recevront."

(Quelques temps plus tard, une version antérieure de Harry qui avait attendu invisible à côté des gargouilles depuis neuf heures du soir, suivit la directrice adjointe à travers l'ouverture qui s'était formée pour elle, se plaça en silence derrière celle-ci sur les escaliers tournants jusqu'à ce qu'ils arrivent à destination, puis, toujours sous la Cape, fit pivoter son Retourneur de Temps par trois fois.)

Après-coup : Professeur Quirrell et...

Dans la clairière ombragée où le professeur de Défense attendait, le dos négligemment appuyé contre l'écorce grise et rugueuse d'un immense hêtre encore privé de ses feuilles en cette fin de mars et dont le tronc et les branches ressemblaient à un bras pâle jaillit du sol qui aurait explosé en un millier de doigts. Autour du professeur de Défense et au-dessus de lui, les branches étaient si denses que même en ce début de printemps, alors que si peu d'arbres commençaient à peine à bourgeonner, on pouvait à peine voir le ciel depuis le sol. Les fils du maillage boisé se croisaient et proliféraient tant que si vous aviez été sur un balais, à la recherche de quelqu'un, vous auriez trouvé plus simple de vous guider à l'ouïe qu'à la vue. La nuit qui s'approchait de ces bois interdits ne vous aurait pas aidé, pas plus que le soleil presque couché et déjà invisible dont seules quelques lueurs mourantes illuminaient encore le sommet des arbres les plus hauts.