Puisqu'il était exclu qu'il le fasse haut et fort, Draco avait soupiré intérieurement. Mais le conseil était bon et Draco l'avait suivi, assis au bureau de sa chambre muni d'une plume et d'un parchemin, listant tout ce qui pourrait s'avérer constituer un avantage relatif.
Et, presque à sa propre surprise, il avait eu une idée, une vraie. En fait, il en avait eu deux.
Le son creux de la cloche sonna à travers la forêt, parvenant à être encore plus menaçante que jamais. À cet instant, deux pilotes s'écrièrent "Debout !" et bondirent sur leur balais en direction du ciel gris.
M. et Mme Davis étaient maintenant affalés l'un sur l'autre, plus par fatigue musculaire qu'à cause d'une diminution de leur état de tension. Devant eux, l'immense parchemin blanc et vierge affichait trois immenses fenêtres comme si des trous menant à la forêt y avaient été découpés. Elles montraient trois armées en marche. De plus petites fenêtres montraient six élèves juchés sur leur balais et le coin du parchemin révélait une vue globale de la forêt, avec des points lumineux pour indiquer les armées et les éclaireurs.
La fenêtre qui donnait sur Soleil montrait le général Granger et ses capitaines, marchant au centre du régiment Soleil et protégés par des écrans de Contego ainsi que par nombre de jeunes sorcières. Le professeur de Défense avait fait remarquer que le régiment Soleil savait fort bien qu'il venait d'acquérir un grand avantage sous la forme de soldats expérimentés et comptait bien protéger ces derniers d'une attaque surprise. Mis à part ça, les soldats Soleil continuaient d'avancer et conservaient leurs forces.
Les soldats de l'armée du général Malfoy, ou du moins ceux qui avaient les meilleures notes de métamorphose, ramassaient des feuilles et les métamorphosaient en... eh bien, si on regardait Padma Patil, qui en avait presque fini avec la sienne, il semblait que sa feuille devenait un gant gauche doté d'une sangle encore pendante (la fenêtre venait de faire un zoom pour le montrer).
Lord Jugson regardait l'écran sans montrer le moindre intérêt ; sa voix, lorsqu'il parla, sembla suinter, ruisseler de dédain : "Que fait donc votre fils, Lucius ?"
La sorcière venue de l'étranger qui se tenait à droite de Malfoy venait de finir de métamorphoser son gant et le portait à présent au général Dragon comme elle lui aurait fait offrande d'un sacrifice.
"Je l'ignore," dit Lucius Malfoy d'un ton aussi calme qu'aristocratique, "mais il me faut croire qu'il a de bonnes raisons de le faire."
Toute l'armée Dragon s'arrêta un instant lorsque Padma fit glisser le gant sur sa main gauche, attacha la sangle et le présenta à Draco Malfoy qui s'arrêta lui aussi, prit quelques profondes inspirations, leva sa baguette, exécuta huit mouvements précis et mugit : "Collaporta !"
La guerrière Dragon leva alors sa main, fit jouer ses articulations et offrit un petit salut à Draco Malfoy qui lui en rendit un encore plus léger tout en chancelant un peu. Padma retourna alors au côté de Draco et les dragons se remirent en marche.
"Alors," dit Augusta Londubat, "j'imagine que personne ne voudrait expliquer... ?" Amelia Bones fronçait légèrement les sourcils en regardant l'écran.
"Pour une raison ou une autre," dit la voix amusée du professeur Quirrell, "il semble que l'héritier des Malfoys est capable de manier une magie étonnamment puissante pour un élève de première année. À cause de la pureté de son sang, bien sûr. Lord Malfoy n'aurait certainement pas bafoué les lois sur la magie des mineurs en s'arrangeant pour que son fils reçoive une baguette avant d'être admis à Poudlard."
"Je vous suggère de faire attention à ce que vous sous-entendez, Quirrell," dit Lucius Malfoy avec froideur.
"Oh, mais c'est ce que je fais," dit le professeur Quirrell. "Un Collaporta ne peut être défait par un Finite Incantatem ; il nécessite un Alohomora de force égale. Sans cela, un gant ainsi ensorcelé résistera à des forces physique faibles et défléchira le sortilège de sommeil ainsi que celui d'étourdissement. Et comme ni M. Potter ni Mlle Granger ne sont capables de lancer un contre-sort assez puissant, ce charme est donc invincible sur ce champ de bataille. Ce n'est pas son but originel ni l'intention qu'avait la personne qui a enseigné à M. Malfoy un sortilège d'urgence destiné à lui permettre d'échapper à ses ennemis. Mais il semblerait que M. Malfoy a reçu des leçons de créativité."
Lucius Malfoy s'était raidit dans son siège à mesure que le professeur de Défense avait parlé, et il se tenait maintenant droit sur son banc rembourré, sa tête tenue sensiblement plus haut qu'avant, et lorsqu'il parla, ce fut avec une fierté contenue : "Il sera le plus grand Lord Malfoy à avoir jamais vécu."
"Bien médiocre éloge," marmonna Augusta Londubat ; Amelia Bones gloussa, tout comme le fit M. Davis pendant une fraction de seconde fatale avant de s'arrêter dans un gargouillement étranglé.
"Je suis tout à fait d'accord," dit le professeur Quirrell, bien qu'on ne sache pas bien à qui il s'adressait. "Malheureusement pour M. Malfoy, il est encore débutant en matière de créativité et a donc commis une classique erreur de Serdaigle."
"Et quelle est-elle ?" demanda Lucius Malfoy d'une voix redevenue fraîche.
Le professeur Quirrell s'enfonça dans son siège et les pâles yeux bleus perdirent brièvement leur mise au point lorsque l'une des fenêtres changea de point de vue et zooma pour montrer la sueur qui se trouvait à présent sur le front de Draco. "C'est une idée si belle que M. Malfoy a négligé sa difficulté pratique."
"Quelqu'un pourrait-il m'expliquer cela ?" dit Lady Greengrass. "Nous ne sommes pas tous experts en... ce domaine."
Amelia Bones répondit, et la voix de la vieille sorcière était plutôt sèche. "Ils seront tentés d'attraper des sortilèges qu'il aurait été plus simple d'éviter. Encore plus s'ils ont un peu pratiquer l'attrapage auparavant. Et lancer tant de sortilèges fatiguerait leur guerrier le plus fort."
Le professeur Quirrell donna un demi hochement de tête de reconnaissance à la directrice du département de justice magique. "Comme vous dites, Mme Bones. M. Malfoy est débutant en nouvelles idées, et il devient donc fier de lui lorsqu'il en a une. Il n'a pas encore eu assez d'idées pour se débarrasser sans hésitation de celles qui sont en partie belles et en partie irréalisables ; il n'a pas encore acquis assez de confiance dans sa capacité à trouver de nouvelles idées à mesure que le besoin s'en fait sentir. Ce que nous voyons la n'est pas la meilleure idée de M. Malfoy, j'en ai peur, mais plutôt sa seule idée."
Lord Malfoy se détourna tout simplement et regarda les écrans comme si le professeur de Défense venait d'épuiser son droit à exister.
"Mais -" dit Lord Greengrass. "Mais par Merlin, que fait Harry Potter ?"
Les seize soldats restants de l'armée du Chaos - ou plutôt les quinze soldats restants accompagnés de Blaise Zabini - avançaient avec confiance dans la forêt, leurs chaussures battant le sol encore sec. Leurs uniformes de camouflage se fondaient encore plus dans la forêt que d'habitude car leurs couleurs étaient délavées par la lumière d'un ciel nuageux.
Seize légionnaires du Chaos contre vingt-huit guerriers Dragon et vingt-huit soldats Soleil.