Le consensus avait été qu'avec des chances aussi mauvaises, il était quasiment impossible qu'ils perdent. Après tout, le général Chaos allait forcément inventer quelque chose de vraiment spectaculaire, face à des chance pareilles.
Il y avait quelque chose de presque cauchemardesque dans la façon dont tout le monde semblait maintenant attendre de Harry qu'il fasse sortir des miracles de son chapeau sur demande à chaque fois que le besoin s'en faisait sentir. Ça voulait dire que s'il ne pouvait pas accomplir l'impossible, alors il décevait ses amis et il n'était pas à la hauteur de son potentiel...
Harry n'avait pas pris la peine de se plaindre après de professeur Quirrell que la 'pression était trop forte'. Le modèle mental du professeur Quirrell qu'avait Harry avait prédit qu'il aurait l'air particulièrement agacé, dirait des choses comme Vous êtes parfaitement capable de résoudre ce problème, M. Potter, avez-vous au moins essayé ? et lui enlèverait ensuite plusieurs centaines de points Quirrell.
Venue d'au-dessus, où deux balais surveillaient l'avancée de l'armée, la jeune voix haute perchée de Tess Walsh cria "Ami !" et un instant plus tard : "Croquignolle !"
Une poignée de secondes plus tard, la soldate qui s'était elle-même affublé du nom de code Croquignolle revint les mains chargées de glands, suant légèrement d'avoir trotté par ce temps frais mais humide jusqu'au chêne que Neville avait repéré. Croquignolle s'approcha de Shannon, qui portait un T-shirt d'uniforme dont le cou avait été noué afin de ne pas avoir à métamorphoser un sac. Lorsque Croquignolle avança ses mains et essaya de laisser tomber les glands dans le T-shirt-sac, Shannon du Chaos décala le vêtement à gauche en gloussant, puis à droite lorsque Croquignolle fit une autre tentative pour déposer les glands, jusqu'à ce qu'un "Mlle Friedman !" tranchant venu du lieutenant Nott ne fasse soupirer Shannon avant qu'elle ne stabilise le T-shirt. Croquignolle versa les glands par-dessus ceux qui avaient déjà été accumulés puis repartit en chercher d'autres.
Quelque part à l'arrière-plan, Ellie Knight chantait sa version personnelle de la marche de la légion du Chaos et près de la moitié des autres soldats essayaient de la suivre sans pour autant en connaître l'air. Non loin, Nita Berdine, qui avait de bonnes notes de métamorphose, acheva de créer une autre paire de lunettes de soleil vertes et les tendit à Adam Beringer qui les plia avant de les ranger dans sa poche d'uniforme. D'autres soldats portaient déjà leurs propres lunettes vertes malgré le ciel nuageux.
Vous auriez pu soupçonner qu'un explication incroyablement compliquée et fascinante se cachait derrière tout cela, et vous auriez eu raison.
Deux jours plus tôt, assis dans sa bibliothèque, dans la chaise à bascule qu'il avait dégotée pour le niveau caverne de son coffre, lors du moment calme entre les cours et le dîner, Harry avait silencieusement médité sur la notion de pouvoir.
Pour que seize chaotiques battent vingt-huit soleils et vingt-huit dragons, ils auraient besoin d'un amplificateur de force. Il y avait des limites à ce que les manœuvres permettaient d'accomplir. Il fallait avoir une arme secrète, et elle devait être invincible, ou du moins modérément inarrêtable.
Les objets moldus étaient maintenant interdits lors des fausses batailles de Poudlard, bannis par un décret du ministère. Et le problème qu'il y avait à chercher un sortilège malin et peu courant c'était qu'une armée deux fois plus puissante que la vôtre pouvait Finite de force à peu près tout ce que vous auriez essayé. Le régiment Soleil avait peut-être raté cette tactique face à la cotte de maille métamorphosée, mais plus personne ne la manquerait maintenant que le professeur Quirrell l'avait clairement mise en évidence. Et Finite Incantatem était un contre-sort qui marchait à la force pure et demandait au moins autant de magie que le sortilège à annuler... ce qui, si vous étiez sérieusement surpassés en nombre, devenait un défi militaire d'une toute autre dimension. L'ennemi pouvait Finite tout ce que vous essayiez et avoir encore assez de magie en réserve pour des boucliers et des volées de sortilèges de sommeil.
À moins de parvenir à faire appel à des forces supérieures à celles des élèves de Poudlard en première année, à quelque chose de trop fort pour qu'un ennemi puisse le Finite.
Harry avait donc demandé à Neville s'il avait jamais entendu parler de rituels sacrificiels mineurs et sûrs -
Puis lorsque les cris et les hurlements s'étaient apaisés, que Harry avait arrêté d'essayer de discuter vœux indéfaisables et qu'il avait entièrement abandonné le projet, clairement impossible en termes de relations publiques, il s'était rendu compte qu'il n'avait même pas eu besoin d'aller jusque là. On apprenait à faire appel à des forces bien supérieures à la sienne à Poudlard même, en cours.
Parfois, même quand on regardait directement quelque chose, il fallait attendre d'avoir posé exactement la bonne question pour savoir ce qu'on avait sous les yeux.
Défense. Charmes. Métamorphose. Potions. Histoire de la magie. Astronomie. Vol sur balais. Botanique...
"Ennemi !" s'écria une voix au-dessus d'eux.
Il était heureux que Neville Londubat ignore entièrement que sa grand-mère le regardait, sans quoi il aurait été plus gêné à l'idée de hurler des cris de guerre de toutes ses forces tout en lançant Luminos toutes les trois secondes et en fonçant comme une fusée à travers une dense forêt d'arbres à la poursuite de Gregory Goyle.
("Mais -" dit Augusta Londubat, avec une expression qui montrait presque autant de stupéfaction que d'inquiétude. "Mais Neville a peur du vide !")
("Toutes les peurs ne durent pas," dit Amelia Bones. La vieille sorcière scrutait le plus grand écran d'un regard calculateur. "Ou peut-être a-t-il trouvé du courage. C'est en fin de compte la même chose").
Une lueur rouge -
Neville évita et faillit percuter un arbre mais il évita, et il parvint alors à éviter aussi presque toutes les branches avant qu'elles ne le fouettent en plein visage.
Le balais de M. Goyle s'éloignait à présent de plus en plus - alors qu'ils étaient tous les deux juchés sur le même modèle de balais et que M. Goyle pesait plus lourd, Neville se faisait quand même distancer. Il ralentit donc, vira de bord, monta au-dessus de la forêt et commença à accélérer vers la légion du Chaos qui progressait toujours.
Vingt secondes plus tard – la course poursuite n'avait pas été longue, seulement exaltante – Neville était de retour parmi ses compagnons chaotiques et descendait de son balais pour faire quelques pas.
"Neville -" dit le général Potter. La voix de Harry était un peu distante ; il traversait la forêt précautionneusement mais d'un pas ferme et sa baguette était toujours plaquée contre la forme presque achevée de l'objet qu'il métamorphosait lentement. À côté de lui, Blaise Zabini travaillait sur une version plus petite de la même métamorphose et trébucha soudain, ce qui le fit ressembler à un Inferi rampant. "Je te l'ai dit, Neville, tu n'as pas à..."
"Si," répondit Neville. Il baissa ses yeux vers ses doigts fraîchement arrachés au balais et vit que ce n'étaient pas seulement ses mains mais aussi ses bras qui tremblaient. Mais à moins qu'un autre chaotique n'ait pratiqué le duel une heure par jour avec M. Diggory avant de s'exercer à viser en privé pendant une heure de plus, Neville était probablement le meilleur tireur sur balais de leur armée, et ce même s'il ne volait pas très bien.
"Tu t'en es bien tiré, Neville," dit Théodore, en tête et à l'écart du groupe, menant la légion à travers la forêt uniquement vêtu de son maillot de corps.