Toutes les recettes de Breuvages et Potions Magiques utilisaient au moins un ingrédient venu d'une plante ou d'un animal magique. Ce qui était dommage car toutes les plantes et les animaux magiques se trouvaient dans la Forêt Interdite, pas dans les bois plus petits et plus sûrs où se déroulaient les batailles.
Arrivé là, un autre aurait pu abandonner.
Harry avait tourné les pages des recettes l'une après l'autre, les survolant de plus en plus vite, se rendant progressivement compte de quelque chose, confirmant ce qu'il avait déjà lu mais qu'il voyait pour la première fois.
Chaque potion incluait au moins un ingrédient magique, mais pourquoi aurait-il dû en être ainsi ?
Les sortilèges ne requéraient aucun composant matériel ; il suffisait de prononcer la formule et d'agiter sa baguette. Harry avait jusque là considéré la préparation de potions comme essentiellement similaire : plutôt que de voir des syllabes prononcées déclencher un effet magique sans raison apparente, on réunissait un tas d'ingrédients dégoûtants, on remuait quatre fois dans le sens des aiguilles d'une montre, et cela déclenchait un effet magique arbitraire.
Auquel cas, étant donné que la plupart des potions utilisaient des composants ordinaires comme des aiguilles de porcs-épics ou du ragoût de limace, on aurait pu s'attendre à voir quelques potions n'utilisant que des ingrédients ordinaires.
Mais au lieu de cela, toutes les recettes de Breuvages et Potions Magiques nécessitaient au moins un ingrédient issu d'une plante ou d'un animal magique – comme de la soie d'Acromantule ou des pétaux de piège de feu de vénus.
Parfois, même quand on regardait directement quelque chose, il fallait attendre d'avoir posé exactement la bonne question pour savoir ce qu'on avait sous les yeux...
Si préparer une potion, c'est comme de lancer un sortilège, pourquoi est-ce que je ne m'effondre pas de fatigue après avoir préparé un breuvage aussi puissant que le remède contre les furoncles ?
Deux vendredis plus tôt, Harry et sa classe avaient préparé un remède contre les furoncles en double cours de potions... alors que le plus trivial des sortilèges de soin à la baguette et à la formule étaient au moins des sorts de quatrième année. Et ils s'étaient ensuite sentis exactement comme d'habitude après un cours de potions, à savoir pas du tout épuisés magiquement ; du moins pas qu'ils puissent le percevoir.
Harry avait brutalement refermé son exemplaire de Breuvages et Potions Magiques et avait foncé vers la salle commune de Serdaigle. Il y avait trouvé un Serdaigle en septième année qui préparait ses devoirs de potions pour ses ASPICs et l'avait payé une Mornille pour emprunter Maxima Potente Potions pendant cinq minutes parce qu'il n'avait pas eu envie de courir jusqu'à la bibliothèque pour avoir sa confirmation.
Après avoir survolé cinq recettes du livre de septième année, Harry avait lu la sixième recette, une potion de souffle de feu, qui nécessitait des œufs de Serpencendre... et le livre prévenait que le feu qui résulterait de la préparation ne pourrait pas être plus chaud que le feu magique à l'origine du Serpencendre qui avait pondu les œufs.
Harry s'était écrié "Eurêka !" au milieu de la salle commune de Serdaigle et avait été sévèrement réprimandé par un préfet qui se trouvait dans les parages et qui avait cru que M. Potter essayait de lancer un sortilège. Personne chez les sorciers ne connaissait ni ne se souciait d'un ancien Moldu nommé Archimède, ni ne la prise de conscience soudaine chez le protoscientifique que l'eau déplacée dans une baignoire serait égale au volume de l'objet qui était entré dans celle-ci.
Les lois de conservations. Elles avait été l'élément clé de plus de découvertes moldues que Harry n'aurait pu en dénombrer facilement. Dans le domaine de la technologie moldue, on ne pouvait pas soulever une plume un mètre au-dessus du sol sans que l'énergie ne vienne de quelque part. Si, face à de la lave en fusion jaillissant d'un volcan, vous demandiez d'où venait la chaleur, un physicien vous parlerait des métaux lourds radioactifs au centre du cœur en fusion de la terre. Si vous lui demandiez d'où venait l'énergie qui alimentait cette radioactivité, le physicien vous parlerait d'une époque avant la formation de la terre et d'une supernova primordiale aux débuts de la galaxie qui avait mijoté des noyaux atomique plus lourds que la limite naturelle en compressant des protons et des neutrons jusqu'à former un paquet serré et instable qui libérait une partie de l'énergie de la supernova à chaque fois qu'il se scindait. Une ampoule était alimentée par l'électricité, qui était alimentée par une centrale nucléaire, qui était alimentée par une supernova... on pouvait remonter jusqu'au Big Bang en jouant à ce jeu.
La magie ne semblait pas fonctionner ainsi, et c'était un euphémisme. L'attitude de la magie face à des lois telles que la conservation de l'énergie était quelque part entre un majeur géant dressé et un haussement d'épaule d'indifférence absolue. Aguamenti créait de l'eau à partir de rien pour autant qu'on le savait ; il n'était fait mention d'aucun lac dont le niveau descendait à chaque fois que le sortilège était lancé. C'était un simple sortilège de cinquième année et qu'aucun sorcier ne trouvait impressionnait, parce que la création d'un simple verre d'eau ne leur semblait pas digne d'émerveillement. Ils n'avaient pas l'idée folle que la masse devait être conservée ou que créer un gramme de masse correspondait en définitive à la création de .000 joules d'énergie. Il existait un sortilège de section supérieure sur lequel Harry était tombé dont la formule était exactement Arresto Momentum !, et lorsque Harry avait demandé si le mouvement allait ailleurs, il n'avait eu droit qu'à des regards perplexes. Il était donc resté aux aguets pour le moindre signe d'un principe de conservation en magie, n'importe quel signe...
...et pendant tout ce temps, la réponse avait été devant lui, en cours de potions. La fabrication de potions ne créait pas de magie, elle préservait la magie, et c'était pour cela que chaque potion avait besoin d'au moins un ingrédient magique. Et en suivant des instructions comme 'remuez quatre fois dans le sens inverse des aiguilles d'une montre et une fois dans le sens des aiguilles d'une montre', on jetait un genre de sortilège qui – Harry en avait fait l'hypothèse – remodelait la magie des ingrédients (et déliait leur forme physique afin que des ingrédients tels que les aiguilles de porc-épic se dissolvent en un liquide buvable. Harry soupçonnait fort qu'un Moldu n'obtiendrait rien d'autre qu'un fatras épineux en suivant exactement la même recette). Voilà ce qu'était vraiment la préparation de potions : l'art de transformer des essences magiques préexistantes. C'était pour ça qu'on était un peu fatigué après le cours de potions, mais pas trop : parce qu'on ne donnait pas soi-même de pouvoir aux potions, on ne faisait que remodeler la magie déjà présente. Et c'était pour cela qu'une sorcière de deuxième année pouvait préparer du Polynectar, ou presque.
Harry avait continué de survoler Maxima Potente Potions à la recherche de quelque chose qui falsifierait sa belle théorie. Au bout de cinq minutes il avait jeté une autre Mornille au garçon plus âgé pour faire taire ses protestations et avait continué.
La potion de force gigantesque requérait qu'un Re'em ait piétiné les Fangieux incorporés à la potion. Harry se rendit compte au bout d'un moment que c'était étrange car les Fangieux écrasés n'étaient pas très forts eux-mêmes, ils étaient seulement... très, très écrasés après que le Re'em en ait fini avec eux.