Il y eut un autre moment de silence figé. Le général Soleil vacillait et donnait l'impression de risquer de s'évanouir.
Puis les guerriers dragons hurlèrent à pleins poumons et chargèrent pour venger leur commandant tombé.
M. et Mme Davis tremblaient en se levant des confortables chaises de la loge professorale du stade de Quidditch ; ils ne pouvaient pas vraiment s'agripper l'un à l'autre en marchant mais ils se tenaient la main fermement et prétendait être invisibles du plus fort qu'ils le pouvaient. S'ils avaient été des enfants assez jeunes pour générer de la magie accidentelle ils se seraient probablement désillusionnés eux-mêmes.
Le vieux Charles Nott ne dit rien en se levant de sa chaise. Le balafré Lord Jugson ne dit rien en se levant de sa chaise.
Lucius Malfoy ne dit rien en se levant.
Ils se détournèrent tous les trois sans s'arrêter et s'avancèrent rapidement vers l'escalier qui menait aux gradins surélevés, se déplaçant d'un concert inquiétant, comme un trio d'Aurors...
"Lord Malfoy," dit le professeur de Défense avec douceur. L'homme était toujours assis sur sa chaise et regardait ses écrans-parchemins, ses bras flasques le long de ses flancs, comme s'il n'avait pas particulièrement envie de bouger.
L'homme aux cheveux blancs s'arrêta juste avant d'atteindre l'arcade qui constituait la sortie, l'homme âgé et l'homme balafré s'arrêtèrent aussi, l'encadrant. La tête de Lord Malfoy se tourna, trop légèrement pour que le geste soit pris comme le moindre signe de réponse, mais toutefois vers le professeur de Défense.
"Votre fils a accompli une performance exceptionnelle aujourd'hui," dit le professeur Quirrell. "Je dois avouer que je l'ai sous-estimé. Et comme vous l'avez vu, il a gagné la loyauté de son armée." Toujours très douce, la voix du professeur de Défense. "En tant que professeur de votre fils, je suis de l'avis que votre fils ne bénéficiera pas d'une interférence de votre part dans cette -"
Lord Malfoy et ses comparses disparurent le long des escaliers.
"Un belle tentative Quirinus," dit doucement Dumbledore. Le visage du vieux sorcier révélait de petites rides d'inquiétude. Lui non plus ne s'était pas levé de son siège et regardait les écrans-parchemins comme s'ils étaient encore allumés. "Pensez-vous qu'il écoutera ?"
Les épaules du professeur de Défense eurent un bref haussement saccadé, seul mouvement du professeur depuis la fin de la bataille.
"Eh bien," dit Dame Greengrass en se levant, en se faisant craquer les doigts et en s'étirant, son mari silencieux à côté d'elle. "Je dois dire que c'était assez...intéressant..."
Amelia Bones s'était levée de son siège rembourré sans faire de manières. "Intéressant, en effet," dit-elle. "Je confesse être perturbée par l'habileté avec laquelle ces enfants se battaient."
"L'habileté ?" dit Lord Greengrass. "Leurs sortilèges ne me semblaient pas si impressionnants que ça. Sauf celui de Daphné, bien sûr."
La vieille sorcière ne détourna pas ses yeux du crâne dégarni du professeur Quirrell. "Le sortilège d'étourdissement n'est pas enseigné en première année, Lord Greengrass, mais ce n'est pas cette sorte d'habileté que j'avais à l'esprit. Ils se soutenaient les uns les autres grâce à des sorts simples, ils réagissaient rapidement aux surprises..." La directrice du département de justice magique s'interrompit comme si elle cherchait des mots qu'un simple civil pourrait comprendre. "Au cœur de la bataille," dit-elle enfin, "alors que des sortilèges volaient en tous sens... ces enfants se sentaient comme chez eux."
"Tout à fait, Mme la directrice," dit le professeur de Défense. "Certains arts gagnent à être pratiqués jeune."
Les yeux de la vieille sorcière se plissèrent. "Vous les préparez à devenir une force militaire, professeur. À quelle fin ?"
"Attendez !" s'interposa Lord Greengrass. "Il y a plein d'écoles où l'on enseigne l'art du duel en première année !"
"Le duel ?" dit le professeur de Défense. De derrière, on ne pouvait pas dire si le pâle visage souriait. "Cela n'est rien, Lord Greengrass, comparé à ce que mes élèves ont appris. Ils ont appris à ne pas hésiter face aux embuscades et à des ennemis plus puissants qu'eux. Ils ont appris à s'adapter lorsque les conditions de combat changent encore et encore. Ils ont appris à protéger leurs alliés, à protéger ceux qui ont le plus de valeur, à abandonner les pièces qui ne peuvent être sauvées. Ils ont appris que pour survivre, il leur faut suivre des ordres. Certains ont même appris un peu de créativité. Oh non, Lord Greengrass, ces sorciers ne se cacheront pas dans leur manoir en attendant qu'on les protège lorsque la prochaine menace viendra. Ils sauront qu'ils sont capables de se battre."
Par trois fois, Augusta Londubat applaudit bruyamment.
Nous avons gagné.
C'était la première chose que Draco avait entendue quand il s'était réveillé sur le champ de bataille : Padma qui lui racontait comment ses soldats s'étaient rassemblés après qu'il fut tombé. Comment, grâce à la prévoyance du général Dragon, M. Thomas avait mené son détachement jusqu'à une victoire contre Chaos. Comment le général Potter avait vaincu la partie du régiment Soleil qui l'avait affronté. Comment les guerriers dragons de M. Thomas avaient rejoint le corps principal des soldats, munis de leurs propres lunettes et de celles des chaotiques défaits. Comment, à peine quelques instants plus tard, ce qui restait du contingent du général Potter avait attaqué les deux autres armées avec une potion qui émettait une fulgurante lumière pourpre. Mais Dragon avait maintenu son avantage numérique à la fois contre Soleil et Chaos tout en ayant assez de lunettes pour ses guerriers, et ainsi Padma était parvenue à mener l'armée dont elle avait héritée jusqu'à la victoire.
À en voir la lumière dans les yeux de cette dernière et le sourire arrogant qui aurait rendu un Malfoy fier, elle s'attendait à des félicitations. Draco parvint à siffler quelque chose qui ressemblait à une éloge entre ses dents serrées, mais il n'aurait su dire ce qu'elle avait été un instant plus tard. Il semblait que la sorcière, née à l'étranger, ignorait entièrement ce qui venait de se produire ou ce que cela signifiait.
J'ai perdu.
Les Dragons traînaient les pieds jusqu'à Poudlard sous un ciel gris, de lourdes gouttes froides tombaient une à une sur la peau de Malfoy. Elle avait commencé pendant qu'il était étourdi, la pluie longtemps promise commençant enfin à tomber. Draco n'avait maintenant plus qu'une seule option. Un coup forcé, comme l'aurait appelé M. MacNair, qui avait enseigné les échecs à Draco. Harry Potter n'aimerait probablement pas ça s'il était vraiment amoureux de Hermione, comme tout le monde le disait. Mais le coup forcé, tel que M. MacNair l'avait définit, était un coup qu'on devait faire si l'on voulait que la partie puisse seulement continuer.
Il continua à se jouer en boucle dans l'esprit de Draco, encore et encore, alors que celui-ci franchissait en automate l'immense portail de Poudlard, renvoyait Vincent et Gregory de deux mots acerbes et s'isolait dans sa chambre privée, assis sur son lit, face au mur derrière son bureau. Il remplissait son esprit comme si un Détraqueur l'avait attaché à ce souvenir.
Le flash gris venu de son gant, le loquet qui émettait un cliquetis et tombait...
Draco savait, il savait où il s'était trompé. Il avait été tellement fatigué après avoir lancé vingt-sept sortilèges d'Emprisonnement pour tous les autres guerriers Dragon. Moins d'une minute ne suffisait pas à récupérer après chaque sortilège. Et il avait donc seulement lancé Collaporta sur son cadenas, il avait seulement lancé le sortilège mais il n'y avait pas mis toute sa force afin de le fermer assez solidement pour que ni Harry Potter ni Hermione Granger ne puissent le défaire.