Выбрать главу

"Tu n'as pas le choix," dit une voix dure.

Les yeux se déplacèrent et le champ de vision sauta jusqu'à un homme que Harry ne reconnut pas, porteur d'une veste teintée du cramoisi Auror mais faite d'un cuir solide et dotée de nombreuses poches.

Son œil droit était surdimensionné et avait une pupille d'un bleu électrique qui se déplaçait en permanence.

"Tu ne peux pas me demander ça, Alastor !" la voix de Dumbledore devenait folle. "Pas ça ! Tout sauf ça !"

"Je ne te le demande pas," gronda l'homme. "C'est Voldy qui le demande, et tu vas lui dire non."

"Pour de l'argent, Alastor ?" la voix de Dumbledore était suppliante. "Seulement pour de l'argent ?"

"Tu paies la rançon d'Aberforth, tu perds la guerre," dit sèchement l'homme. "C'est aussi simple que ça. Cent mille Gallions, presque tout ce que nous avons dans notre trésor de guerre, et si tu l'utilises comme ça, on n'ira pas le remplir à nouveau. Qu'est-ce que tu vas faire, essayer de convaincre les Potter de vider leur coffre comme les Londubat l'ont déjà fait ? Voldy va juste kidnapper quelqu'un d'autre et exiger autre chose. Alice, Minerva, tous ceux auxquels tu tiens, ils seront tous des cibles si tu paies les Mangemorts. Ce n'est pas la leçon que tu devrais essayer de leur faire apprendre."

"Si je fais ça, je n'aurais plus personne. Plus personne." La voix de Dumbledore se brisa, le monde s'inclina, la tête d'où émanait le champ de vision tomba entre les vieilles mains et de terribles sons émergèrent de la gorge, qui n'était pas celle de Harry, lorsque Dumbledore commença à sangloter comme un enfant.

"Devrais-je dire non au messager de Voldy ?" dit la voix d'Alastor, cette fois avec une étrange douceur. "Tu n'as pas à le faire toi-même, mon vieil ami."

"Non... Je le dirai moi-même... Je dois..."

Le souvenir prit fin d'un coup brusque et Harry arracha sa tête de l'eau lumineuse en haletant comme s'il avait été privé d'air.

La transition entre les scènes, entre la réalité vieille de dix ans et l'instant présent, fut une secousse pour l'esprit de Harry ; d'une certaine façon, son immersion dans le passé l'avait décoincé : le vieil homme brisé qui pleurnichait dans son bureau avait été quelqu'un d'autre, d'un autre temps ; cela, Harry l'avait compris ; quelqu'un de plus doux...

Avant que tout ne disparaisse comme de la fumée qui se dissipe, que tout ne revienne à maintenant, à aujourd'hui.

Terrible et sévère, le vieux sorcier, comme creusé dans la pierre ; sa barbe tressée de fils qu'on aurait cru faits d'acier, ses lunettes en demi-lune, comme des miroirs, et les pupilles derrière, aussi acérées et inflexibles que du diamant noir.

"Souhaites-tu aussi voir mon frère lorsqu'il a péri par Doloris ?" demanda Albus Dumbledore. "Voldemort m'a aussi envoyé ce souvenir !"

"Et c'est..." Harry avait du mal à donner de la voix à cause de la nausée qui montait dans sa poitrine. "C'est que..." les mots semblaient brûler sa gorge à mesure que le terrible savoir apparaissait en lui, la compréhension atroce. "C'est là que vous avez brûlée vive Narcissa Malfoy dans sa propre chambre."

Le regard d'Albus Dumbledore fut froid lorsqu'il répondit. "À cette question seul un idiot répondrait pas l'affirmative ou la négative. Ce qui compte, c'est que les Mangemorts croient que je l'ai tuée, et cette croyance a maintenu les familles de tous ceux qui servaient l'Ordre du Phénix en vie – jusqu'à ce jour. Comprends-tu maintenant ce que tu as fait ? Ce que tu as fait à tes amis, Harry Potter, et à tous ceux qui se tiennent à tes côtés ?" Le vieux sorcier sembla devenir encore plus grand, encore plus terrible, et sa voix devint plus forte. "Tu as fait d'eux des cibles, et ils le resteront ! Jusqu'à ce que tu prouves, de la seule façon qu'on puisse le prouver, que tu ne désires plus payer de tels prix !"

"Et est-ce vrai ?" dit Harry. Il était saisi d'une sorte de bourdonnement, comme si son corps s'éloignait de plus en plus. "Ce que Draco a dit, que Narcissa Malfoy ne s'est jamais salie les mains, qu'elle n'était que la femme de Lucius ? C'était une acolyte, je comprends ça, mais je ne peux pas soutenir l'idée que cela mérite d'être brûlé vif."

"Rien de moindre ne les aurait convaincus que j'en avais fini avec l'hésitation." La voix du vieux sorcier ne tolérait aucune question, aucun refus. "J'avais toujours été trop réticent à faire ce que je devais et les autres avaient toujours payé le prix de ma pitié. C'est ce qu'Alastor m'avait dit depuis le début mais je ne l'avais pas écouté. Toi, je m'attends à ce que tu t'avères meilleur que moi pour ce genre de décisions."

"Je suis surpris," dit Harry, émerveillé que sa voix soit aussi stable. "Je me serais attendu à ce qu'à moins de tous les avoir du premier coup, les Mangemorts s'en prennent à une autre famille du camp des gentils et commencent un cycle de représailles toujours plus intenses."

"Si mon adversaire avait été Lucius, peut-être." Les yeux de Dumbledore ressemblaient à des pierres. "J'ai entendu dire que Voldemort avait rit à l'annonce de la nouvelle et qu'il avait proclamé à ses Mangemorts que j'avais enfin grandi, que j'étais enfin un adversaire valable. Peut-être avait-il raison. Suite au jour où j'ai condamné mon frère à sa mort, j'ai commencé à soupeser ceux qui me suivaient, à comparer le poids de l'un à celui de l'autre, à me demander qui je risquerais, qui je sacrifierais et dans quel but. Il fut étrange de constater à quel point j'ai perdu moins de pièces une fois que j'ai su ce qu'elles valaient."

La mâchoire de Harry semblait bloquée, comme s'il avait besoin d'un effort colossal pour faire bouger ses lèvres. "Mais là ce n'est pas comme si Lucius avait délibérément rançonné Hermione," dit-il d'une voix faible. "Du point de vue de Lucius, quelqu'un d'autre a brisé la trêve. En gardant cela à l'esprit, combien de Gallions Hermione vaut-elle exactement ? En laissant la question du Danegeld de côté, si c'était juste une menace de mort ordinaire, combien devrais-je avoir payé pour la sauver ? Dix mille Gallions ? Cinq mille ?"

Le vieux sorcier ne répondit pas.

"C'est drôle," dit Harry d'une voix vacillante comme l'image d'un objet immergé. "Vous savez, le jour où j'ai fait face au Détraqueur, vous savez ce qu'a été mon pire souvenir ? C'était la mort de mes parents. J'entendais leurs voix et tout."

Les yeux du vieux sorcier s'écarquillèrent derrière les lunettes en demi-lune.

"Et voilà le truc," dit Harry, "le truc auquel j'ai pensé et repensé. Le Seigneur des Ténèbres a donné à Lily Potter une chance de partir. Il lui a dit qu'elle pouvait fuir. Il lui a dit que mourir devant le berceau ne sauverait pas son bébé : 'Écarte-toi, femme imbécile, si tu as le moindre bon sens...'" Un terrible frisson parcourut Harry lorsqu'il prononça ces mots de ses propres lèvres, mais il s'en débarrassa et continua. "Et après j'ai continué de me dire, je ne pouvais pas m'empêcher de me dire : est-ce que le Seigneur des Ténèbres n'avait pas raison ? Si seulement Mère s'était écartée. Elle a essayé de lancer un sortilège au Seigneur des Ténèbres, mais c'était du suicide, et elle devait le savoir. Son choix n'était pas entre sa vie et la mienne, son choix était entre sa vie ou aucune des deux vies ! Si seulement elle avait agit de façon logique et qu'elle s'était écartée, je veux dire, j'aime aussi Maman, mais Lily Potter serait en vie et elle serait ma mère !" Des larmes brouillaient les yeux de Harry. "Ce n'est que maintenant que je comprends, que je sais ce que Mère doit avoir ressentit. Elle ne pouvait pas s'écarter du berceau. Elle ne pouvait pas ! L'amour ne s'écarte pas !"