"Je ne suis pas exclue ?" chuchota la fille. "Pour ce que j'ai fait ?"
"Non," dit le professeur McGonagall. "Mlle Granger... vous avez sûrement entendu... j'espère que vous avez entendu M. Potter lorsqu'il a dit que vous étiez innocente ?"
"Il disait juste ça comme ça," dit-elle d'une voix morne. "Pour me faire libérer, je veux dire."
La vieille sorcière secoua la tête avec fermeté. "Non, Mlle Granger. M. Potter croit que vous avez reçu un sortilège de faux souvenirs, que le duel n'a jamais eu lieu. Le directeur soupçonne la participation de magies encore plus sombres – que votre main a peut-être lancé le sort, mais que ce n'était pas de votre fait. Même le professeur Rogue trouve cette affaire impossible à croire, bien qu'il ne puisse pas forcément le dire en public. Il se demandait si des drogues moldues auraient pu êtres utilisées contre vous."
Les yeux de Hermione continuèrent de regarder distraitement le professeur de Métamorphose ; elle savait qu'elle venait d'entendre quelque chose d'important mais elle n'arrivait pas à trouver l'énergie nécessaire pour propager ces changements dans son esprit.
"Vous n'y croyez certainement pas ?" dit le professeur McGonagall. "Mlle Granger, vous ne pouvez pas vous croire capable de devenir une meurtrière !"
"Mais j'ai..." son excellente mémoire lui repassa le souvenir avec obligeance pour la millième fois : Draco Malfoy lui disant avec un sourire méprisant qu'elle ne le battrait jamais s'il était en pleine forme et prouvant immédiatement cette affirmation en dansant comme un duelliste entre les trophées sous bonne garde tandis qu'elle courait frénétiquement en tous sens puis en lui assénant le coup final d'un sortilège qui l'avait envoyée s'écraser contre le mur et avait fait jaillir du sang de sa joue... Et alors... Alors elle avait..."
"Mais vous vous souvenez l'avoir fait," dit la sorcière plus âgée en la regardant avec compréhension et gentillesse. "Mlle Granger, une fillette de douze ans n'a pas besoin de supporter des souvenirs aussi affreux. Demandez-le moi et je serais heureuse de les enfermer pour vous."
C'était comme si on lui avait jeté un verre d'eau en plein visage. "Quoi ?"
Le professeur McGonagall sortit sa baguette, un geste si expert et rapide qu'on aurait dit qu'elle avait simplement pointé quelque chose du doigt. "Je ne peux pas vous offrir de vous débarrasser entièrement de ces souvenirs, Mlle Granger," dit le professeur McGonagall avec sa précision habituelle. "D'importants faits pourraient s'y trouver enfouis. Mais il existe une forme d'Oubliettes qui est réversible et je serais heureuse de le lancer sur vous."
Hermione regarda la baguette et sentit l'éclosion d'un espoir pour la première fois en presque deux jours.
Faites que ça n'ait jamais eu lieu...elle l'avait souhaité, encore et encore, souhaité que les aiguilles du temps se retournent et effacent l'horrible choix qui ne pourrait jamais, jamais être défait. Et même si l'effacement du souvenir n'allait pas jusque là, ce serait tout de même une forme de libération...
Elle revint au doux visage du professeur McGonagall.
"Vous ne pensez vraiment pas que je l'ai fait ?" dit Hermione d'une voix tremblante.
"Je suis tout à fait certaine que vous ne feriez pas une chose pareille de votre plein gré."
Sous les couvertures, les mains de Hermione serraient les draps. "Harry pense que je ne l'ai pas fait ?"
"M. Potter considère que vos souvenirs ont été entièrement manufacturés. Je comprends parfaitement son point de vue."
Les mains agrippées de Hermione laissèrent filer les draps et elle s'affaissa de nouveau dans le lit, où elle s'était en partie assise.
Non.
Elle n'avait rien dit.
Elle s'était réveillée, elle s'était souvenu de ce que s'était passé la nuit précédente, et ça avait été comme... Comme... Elle ne pouvait pas trouver les mots, même en pensée, pour décrire ce qu'elle avait ressenti. Mais elle avait su que Draco Malfoy était déjà mort et elle n'avait rien dit, elle n'avait pas été voir le professeur Flitwick pour avouer. Elle s'était juste habillée et elle était allée prendre son petit déjeuner en essayant de se comporter normalement pour que personne ne soit jamais au courant, et elle avait su que c'était mal, mal, Mal et atrocement atrocement MAL mais elle avait eu... Tellement peur...
Même si Harry Potter avait raison, même si le duel contre Draco Malfoy était un mensonge, elle avait fait ce choix toute seule. Elle ne méritait pas d'oublier cela ni qu'on la pardonne de l'avoir fait.
Et si elle avait bien agi, si elle était allée directement voir le professeur Flitwick, peut-être que cela aurait... Aidé, d'une façon ou d'une autre, peut-être que tout le monde aurait vu qu'elle regrettait, et Harry n'aurait pas eu à perdre tout son argent pour la sauver...
Hermione ferma les yeux, les serra très fort, car elle ne pouvait pas supporter l'idée de se remettre à pleurer. "Je suis quelqu'un d'horrible," dit-elle d'une voix chancelante. "Je suis horrible et pas héroïque du tout..."
La voix du professeur McGonagall fut très tranchante, comme si Hermione venait de faire une terrible erreur dans ses devoirs de Métamorphose. "Cessez de vous comporter comme une idiote, Mlle Granger ! La personne horrible est celle qui vous a fait cela; Quand à l'héroïsme... Eh bien, Mlle Granger, vous avez déjà entendu mon opinion au sujet des jeunes filles qui s'essaient ce genre de choses avant même d'avoir quatorze ans, aussi je ne vous ferai pas d'autre leçon à ce sujet. Je dirai seulement que vous venez de subir une expérience absolument atroce et à laquelle vous avez survécu aussi bien qu'il aurait été possible pour une sorcière de votre année. Aujourd'hui, vous avez le droit de pleurer autant qu'il vous plaira. Demain, vous retournez en cours."
C'est alors que Hermione sut le professeur McGonagall ne pouvait pas l'aider. Elle avait besoin qu'on la gronde car elle ne pourrait pas être absoute avant d'avoir été blâmée, et le professeur McGonagall ne ferait jamais cela pour elle car elle n'en demanderait jamais autant à une petite Serdaigle.
C'était une chose pour laquelle Harry Potter ne l'aiderait pas non plus.
Hermione se retourna dans son lit et se recroquevilla contre elle-même, loin du professeur McGonagall. "S'il vous plaît," murmura-t-elle. "Je veux parler... Au directeur..."
"Hermione."
Lorsque Hermione Granger ouvrit les yeux une seconde fois, elle vit le visage ridé de soucis d'Albus Dumbledore, penché au-dessus de son lit avec l'air d'avoir pleuré, même si c'était bien sûr impossible ; et Hermione ressentit un pincement déchirant de culpabilité à l'idée de l'avoir autant dérangé.
"Minerva dit que tu souhaitais me parler," dit le vieux sorcier.
"Je..;" Hermione ne savait soudain plus quoi dire. Sa gorge se referma et elle ne put que bégayer : "Je – je suis..."
Son ton devait être parvenu à communiquer l'autre mot, celui qu'elle ne parvenait même plus à prononcer.
"Désolée ?" dit Dumbledore. "Pourquoi, pourquoi devrais-tu être désolée ?"
Elle dut se forcer à faire sortir les mots de sa bouche. "Vous avez dit à Harry... Qu'il ne devrait pas payer... donc je n'aurais pas... Dû faire ce que le professeur McGonagall a dit, je n'aurais pas dû toucher sa baguette..."
"Ma chérie," dit Dumbledore, "si tu ne t'étais pas engagée auprès de la maison Potter, Harry aurait attaqué Azkaban seul et aurait peut-être gagné. Ce garçon choisit peut-être ses mots avec soin, mais je ne l'ai encore jamais vu mentir, et chez le Survivant se trouve un pouvoir que le Seigneur des Ténèbres n'a jamais connu. Il aurait bel et bien essayé de briser Azkaban, même au prix de sa vie." La voix du vieux sorcier devint plus douce et plus amicale. "Non, Hermione, tu n'as rien fait qui justifie que tu t'en veuilles à toi même."