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L'air avait été fredonné sans variation, encore et encore, pendant sept minutes, pour établir le motif sous-jacent.

Puis commencèrent les élaborations sur le thème principal. Des vers fredonnées trop lentement, entrecoupés de longues pauses, afin que l'esprit de celui qui écoutait attende désespérément la note suivante, le vers suivant. Puis, lorsque le prochain vers venait, il était tellement faux, incroyablement, atrocement faux, pas seulement faux par rapport aux vers précédents mais chanté sur une ton qui ne correspondait à aucune note, si bien qu'on pouvait croire que cette personne avait délibérément pratiqué ce fredonnement uniquement afin d'acquérir une anti-musicalité parfaite.

La chanson était à la musique ce que l'horrible voix morte d'un Détraqueur était à la voix humaine.

Et cet horrible, horrible fredonnement est impossible à ignorer. Il est similaire à une berceuse connue mais s'en éloigne de façon imprévisible. Il créé des attente et les trahi, mais jamais selon un motif qui lui permettrait de se fondre dans l'arrière-plan. Le cerveau de celui qui écoute ne peut s'empêcher de s'attendre à ce que les vers anti-musicaux se complètent ni à s'empêcher d'être surpris.

La seule explication possible à l'existence de ce type de fredonnement est qu'il a été délibérément inventé par quelque génie ineffablement cruel qui se serait un jour réveillé ennuyé par la torture ordinaire et qui aurait décidé de se donner un handicap et de voir s'il pouvait détruire la santé mentale de quelqu'un juste en lui fredonnant une chanson.

L'Auror avait écouté cet épouvantable, cet inimaginable fredonnement pendant quatre heures tout en subissant le regard de cette immense présence froide et mortelle qui était tout aussi horrible qu'on la regarde directement ou du coin de l'œil...

Le fredonnement s'arrêta.

Il y eut une longue attente. Assez pour qu'un espoir monte puis soit écrasé par le souvenir des déceptions précédentes. Puis, à mesure que l'intervalle s'allongeait et s'allongeait encore, cet espoir s'éleva de nouveau, inarrêtable...

Le fredonnement recommença.

L'Auror craqua.

Il saisit un miroir à sa ceinture, le toucha une fois puis dit : "C'est l'Auror Junior Arjun Altunay, je déclare un code RJ-L20 en cellule trois."

"Code RJ-L20 ?" répondit le miroir d'un ton surpris. Il y eut le son de pages que l'on tournait, puis : "Vous voulez être relevé parce que le prisonnier a entamé une guerre psychologique contre vous et qu'il gagne ?"

(Amélia Bones est vraiment très intelligente).

"Qu'est-ce que le prisonnier vous a dit ?" demanda le miroir.

(Cette question ne fait pas partie de la procédure RJ-L20, mais Amélia Bones a malheureusement oublié d'inclure l'instruction explicite de ne pas la poser.)

"Il -" dit l'Auror, et il jeta un regard dans la cellule. Le professeur de Défense était maintenant appuyé dans sa chaise et avait l'air assez détendu. "Il me regardait fixement !Et il fredonnait !"

Il y eut un silence.

Le miroir parla de nouveau : "Et vous déclarez un RJ-L20 pour ça ? Vous êtes sûr de ne pas être en train d'essayer d'être soulagé de votre tour de garde ?"

(Amélia Bones est entourée d'idiots)

"Vous ne comprenez pas !" s'écria l'Auror Altunay. "C'est vraiment un fredonnement atroce !"

Le miroir transmit le son d'un rire étouffé dans l'arrière-plan, comme s'il était venu de plus d'une personne. Puis il parla de nouveau : "M. Altunay, si vous ne voulez pas être rétrogradé à Auror seconde classe, je vous suggère de serrer les dents et de vous remettre au travail..."

"Ignorez ça," dit une voix sèche qui semblait assez éloignée parce qu'elle était plus loin du miroir.

(C'est pourquoi Amélia Bones s'assoit souvent au centre de coordination du département de justice magique lorsqu'elle remplit sa paperasse ministérielle.)

"Auror Altunay," dit la voix sèche tout en semblant s'approcher du miroir, "vous serez bientôt remplacé. Auror Ben Gutierrez, la procédure RJ-L20 ne dit pas de demander pourquoi. Elle dit que l'on relève l'Auror qui l'a déclarée. Si je découvre que les Aurors semblent en abuser, je la modifierai afin d'empêcher les abus..." le miroir se tut brutalement.

L'Auror se retourna pour lancer un regard triomphant en direction de l'actuel professeur de Défense de Poudlard qui était confortablement assis dans son fauteuil rembourré.

Cet homme prononça alors les premiers mots à avoir quitté ses lèvres depuis qu'il était entré dans la cellule.

"Au revoir, M. Altunay," dit le professeur de Défense.

Quelques minutes plus tard, la porte de la cellule s'ouvrit et une femme aux cheveux gris entra, habillée des robes pourpres des Aurors, sans insigne indiquant son rang, sans ornement, avec sous son bras gauche un dossier en cuir noir. "Vous pouvez disposer," dit la vieille femme d'un ton abrupt.

Il y eut un bref délai pendant lequel l'Auror Altunay essaya d'expliquer ce qui s'était passé. Un hochement de tête et un doigt sévère simplement pointé vers la porte y coupèrent court.

"Bonsoir, madame la directrice," dit le professeur de Défense.

Amélia Bones ne répondit en rien mais s'assit soudain dans la chaise laissée vide. La vieille sorcière ouvrit le dossier de cuir et son regard s'abaissa vers les parchemins qui s'y trouvaient. "Possibles indices quant à l'identité de l'actuel professeur de Défense de Poudlard tels qu'établis par l'Auror Robards". Le page de titre fut retournée et mise à l'écart. "Le professeur de Défense dit avoir été réparti à Serpentard. Prétend que sa famille a été tuée par Voldemort. Dit avoir étudié dans un centre d'arts martiaux situé en Asie moldue qui a été détruit par Voldemort. Une requête soumise au département de la coopération magique internationale identifie cet incident comme l'affaire Oni de 1969." Un autre parchemin fut mis de côté. "Il semble aussi que le professeur de Défense a donné un discours des plus enthousiasmants à ses élèves juste avant Yule dernier lors duquel il a blâmé la génération précédente pour leur manque d'unité face aux Mangemorts." La vieille sorcière releva les yeux du dossier de cuir. "Madame Londubat était tombée sous le charme du discours et a insisté pour que je le lise en entier. Je fus frappé par la familiarité des arguments mais je ne pus alors les reconnaître. Mais après tout, je vous avais cru mort."

Le plus haut officier de police d'Angleterre magique regardait maintenant l'actuel professeur de Défense de Poudlard avec des yeux perçants à travers le panneau de verre magiquement renforcé qui les séparait. L'homme dans la cellule lui rendit son regard calmement, sans sembler être alarmé.

"Je ne prononcerai aucun nom," dit la vieille sorcière. "Mais je raconterai une histoire et vous verrez si elle vous semble familière." Amélia Bones rabaissa les yeux et retourna un parchemin. "Né en 1927, entré à Poudlard en 1938, réparti à Serpentard, a obtenu son diplôme en 1945. Parti à l'étranger pour un voyage post-remise de diplômes et disparu alors qu'il était en Albanie. Présumé mort jusqu'en 1970 date à laquelle il est tout aussi soudainement rentré en Angleterre magique sans explication aucune pour les vingt-cinq années d'absence. Il est resté séparé de sa famille et de ses amis et a vécu dans l'isolement. En 1971, alors qu'il se trouvait au Chemin de Traverse, il a repoussé la tentative de Bellatrix Black de kidnapper la fille du ministre de la Magie et a utilisé le sortilège de la Mort pour abattre deux des trois Mangemorts qui l'accompagnaient. Toute l'Angleterre connaît le reste de l'histoire. Devrais-je la poursuivre ?" La vieille sorcière leva à nouveau les yeux de son dossier. "Très bien. Il y eut un procès au Magenmagot durant lequel ce jeune homme fut exonéré de son utilisation du sortilège de la Mort, en grande partie grâce aux efforts de sa grand mère, la Dame de sa maison. Il se réconcilia avec sa famille et ils organisèrent une grande réunion pour lui souhaiter la bienvenue. L'invité d'honneur arriva à cette réunion pour découvrir toute sa famille tuée par des Mangemorts, elfes de maison compris, et que lui, de la lignée cadette, était maintenant le dernier héritier d'une maison Noble."