"C'est très grave ?" elle songea que sa voix aurait dû être un soupir ou un croassement, mais non.
"Eh bien..." dit Harry en hésitant visiblement. "Ce que tu dois comprendre, Hermione, c'est que tu avais beaucoup de gens pour te défendre au petit déjeuner d'aujourd'hui, mais que tous les gens de ton côté... inventaient n'importe quoi. Draco a essayé de te tuer en premier, des choses dans le genre. C'était Granger contre Malfoy, c'est comme ça que les gens l'ont vu, comme s'il y avait une scie et qu'appuyer de son côté ferait remonter le tien. Je leur ai dit que vous étiez probablement tous les deux innocents, que vous aviez tous les deux reçu un sortilège de faux souvenirs. Ils n'ont pas écouté, les deux camps m'ont traité comme un traître à la recherche d'un juste milieu. Puis des gens ont entendu que Draco avait attesté sous Veritaserum qu'il avait essayé de t'aider avant la bataille – arrête de faire cette tête, Hermione, tu ne lui as pas réellement fait du mal. Bref, tout le monde en a tiré que le camp pro-Malfoy avait eu raison et que le camp pro-Granger avait eut tort." Harry eut un bref soupir. "Je leur ai dit que quand la vérité éclaterait plus tard ils seraient honteux..."
"C'est très grave ?" demanda-t-elle à nouveau. Cette fois, sa voix fut plus faible.
"Tu te souviens de l'expérience de conformité de Asch ?" dit Harry en tournant la tête pour la regarder avec sérieux.
Son esprit mit longtemps à se rappeler, quelques secondes, ce qui l'effraya, puis la référence revint. En 1951, Solomon Asch avait pris des sujets expérimentaux et chacun avait été mis dans une ligne avec d'autres personnes qui leur ressemblaient et prétendaient être d'autres sujets expérimentaux tout en étant en réalité des complices de l'expérimentateur. Asch avait montré une ligne de référence sur un écran marquée X à côté de trois autres lignes marquées A, B et C. L'expérimentateur avait demandé quelle ligne avait la même longueur que X. La bonne réponse était C, de façon évidente. Les autres 'sujets', les complices, avaient l'un après l'autre dit que X était de la même longueur que B. Le vrai sujet avait été placé avant-dernier afin de n'éveiller aucun soupçon en le plaçant en dernier. Le test avait été de voir si le véritable sujet se 'conformerait' à la mauvaise réponse standard, B, ou dirait la réponse évidemment correcte, C.
75% des sujets avaient s'étaient 'conformés' au moins une fois. Un tiers des sujets s'étaient conformés plus de la moitié du temps. Certains avaient ensuite indiqué être réellement persuadés que X était de la même longueur que B. Et ça avait été dans un cas où les sujets ne connaissaient aucun des complices. Si on plaçait quelqu'un dans un groupe de gens qui lui ressemblaient, par exemple quelqu'un en fauteuil roulant au milieu de gens en fauteuil roulant, l'effet de conformité devenait encore plus puissant...
Hermione avait l'écœurante impression de savoir où cela allait. "Je me souviens," murmura-t-elle.
"Tu sais, j'ai donné un entraînement anti-conformité à la légion du Chaos. J'ai demandé à chaque Légionnaire de se placer au milieu du groupe et de dire 'Deux et deux font quatre !' ou 'L'herbe est verte !' pendant que tous les autres soldats de la Légion le traitaient d'idiot ou riaient de lui – les ricanements d'Allen Flint étaient vraiment bons – ou le regardaient d'un air atterré avant de tourner les talons et de s'en aller. Ce dont tu dois te rappeler c'est que seule la Légion du Chaos a déjà pratiqué quelque chose comme ça. Personne d'autre à Poudlard ne sait même ce qu'est la conformité."
"Harry !" sa voix vacillait. "Est-ce que c'est très grave ?"
Harry eut un autre haussement d'épaules triste. "Tout le monde en deuxième année et plus, puisqu'ils ne te connaissent pas. Tout le monde dans l'armée Dragon. Tout Serpentard bien sûr. Et, eh bien, presque tout le reste de l'Angleterre magique aussi, je pense. Rappelle toi que Lucius Malfoy contrôle la Gazette du Sorcier."
"Tout le monde ?" chuchota-t-elle. Ses membres commencèrent à devenir froid, comme si elle venait de sortir d'un piscine non chauffée.
"Ce que les gens croient vraiment ne leur semble pas être une croyance, ça leur semble être un état du monde. Toi et moi nous tenons dans cette petite sphère privée de l'univers où Hermione Granger a reçu un sortilège de faux souvenirs. Le reste du monde vit dans un monde où Hermione Granger a essayé de tuer Draco Malfoy. Si Ernie Macmillan..."
Hermione bloqua une inspiration à mi-parcours. Le capitaine Macmillan...
"...pense qu'il lui est maintenant éthiquement interdit d'être ton ami, enfin, il essaie de faire ce qui est juste en fonction de ce qu'il croit, dans le monde où il pense vivre." Les yeux de Harry étaient très sérieux. "Hermione, tu m'as souvent dit que je prends trop souvent les gens de haut. Mais si j'attendais trop d'eux – si j'attendais des gens qu'ils comprennent – alors je les haïrais vraiment. Idéalisme mis à part, les élèves de Poudlard ne connaissent pas assez de sciences cognitives pour être tenus pour responsables de la façon dont leurs esprits fonctionnent. Ce n'est pas leur faute s'ils sont fous." La voix de Harry était étrangement douce, presque comme celle d'un adulte. "Je sais que ça va être plus dur pour toi que ça le serait pour moi. Mais souviens toi, le vrai coupable finit par se fait avoir. Quand la vérité éclatera, tout ceux qui étaient confiants dans leur erreur seront honteux."
"Et si le vrai coupable ne se fait pas attraper ?" dit-elle d'une voix tremblante.
… Ou s'il s'avère que c'est moi après tout ?
"Alors tu pourras quitter Poudlard et aller à l'Institut des Sorcières de Salem, aux États-Unis."
"Quitter Poudlard ?" Elle n'avait jamais songé à cette possibilité autrement que comme à la punition ultime."
"Je... Hermione, je pense que tu pourrais vouloir faire ça de toute façon. Poudlard n'est pas un château, c'est de la folie emmurée. Tu as d'autres possibilités."
"Je..." bégaya-t-elle. "Je devrai... y réfléchir..."
Harry hocha la tête. "Au moins personne n'essaierai de te lancer un sortilège, pas après ce que le directeur a dit au dîner ce soir. Oh, et Ron Weasley est venu me voir avec un air très sérieux et m'a dit que si je te voyais en premier, je devrais te dire qu'il est désolé d'avoir pensé du mal de toi et qu'il ne dira plus jamais rien de méchant à ton égard."
"Ron croit que je suis innocente ?" dit Hermione.
"Eh bien... ce n'est pas qu'il croit que tu es innocente..."
Tout le dortoir de Serdaigle devint silencieux lorsqu'ils entrèrent.
Et les regarda.
La regarda.
(Elle avait eu ce genre de cauchemars)
Puis, un par un, les gens détournèrent leur regard.
Pénélope Deauclaire, la préfète de 5ème année responsable des première année, détourna lentement et délibérément le regard.
Su Li, Lisa Turpin et Michael Corner, tous assis à la même table, qu'elle avait tous aidés pour leurs devoirs, ils détournèrent tous les yeux, leurs visages devenus soudain nerveux lorsqu'elle avait essayé de saisir leur regard.
Une troisième année appelée Latisha Randle que la S.P.E.H.S avait sauvé de brutes Serpentardes par deux fois se pencha vivement sur son bureau et se remit à ses devoirs.
Mandy Brocklehurst détourna le regard.
Si Hermione n'éclata alors pas en sanglots, ce n'est que parce qu'elle s'y était attendu, qu'elle l'avait rejoué dans son esprit encore et encore. Au moins les gens ne lui hurlaient pas dessus, ne la poussaient pas et ne lui lançaient pas de maléfices. Ils détournaient seulement le regard...