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Le silence s'étira dans le froid et la nuit.

"En toute honnêteté," dit le professeur Quirrell en relevant la tête vers les étoiles, "je ne comprends toujours pas. Ils auraient dû savoir que leurs vies dépendaient du succès de cet homme. Et pourtant c'était comme s'ils essayaient de faire leur possible pour rendre sa vie déplaisante. Pour placer tous les obstacles possibles sur son chemin. Je n'étais pas naïf, Mlle Granger, je ne m'attendais pas à ce que les puissants se rallient à moi aussi vite – pas sans qu'ils aient quelque chose à y gagner. Mais leur pouvoir à eux aussi était menacé, et j'étais donc choqué de voir comme ils semblaient heureux de s'écarter et de laisser à cet hommes tous les fardeaux de la responsabilité. Ils se gaussaient de ses réussites, se faisaient remarquer l'un à l'autre à quel point ils auraient fait mieux à sa place, même s'ils ne s'abaissaient pas à le faire." Le professeur Quirrell secoua la tête comme avec perplexité. "Et c'était la chose la plus étrange... le mage noir, la terrible Némésis de cet homme – eh bien, ceux qui le servaient remplissaient leurs tâches avec zèle. Le mage noir devenait plus cruel envers ses adeptes et ils le suivaient d'autant plus. Les gens se battaient pour avoir la chance de le servir tandis que ceux dont la vie dépendait de cet autre homme se sentaient libre de rendre la sienne difficile... je ne parvenais pas à comprendre, Mlle Granger." Le visage du professeur Quirrell était dans l'ombre, les yeux levés. "Peut-être en prenant sur lui le fardeau de l'action l'avait-il ôté des épaules de tous les autres ? Était-ce pour cela qu'ils se sentaient libre de nuire à sa bataille contre le mage noir qui les aurait tous mis en esclavage ? Il s'avère que ce n'était pas du cynisme mais de l'optimisme absolu que de croire que les hommes agiraient pour leur intérêt personnel. En réalité, les hommes ne s'élèvent pas jusque là. Et il finit donc par se rendre compte qu'il ferait mieux de combattre le mage noir seul qu'avec de tels adeptes sur son dos."

"Donc..." dans la nuit, la voix de Hermione était étrange. "Vous avez laissé vos amis derrière, en sécurité, et avez essayé d'attaquer le mage noir tout seul ?"

"Allons, pas du tout," dit le professeur Quirrell. "J'ai arrêté d'essayer d'être un héros et je suis parti faire quelque chose de plus plaisant."

"Quoi ?" dit Hermione sans même réfléchir. "C'est horrible !"

Le professeur de Défense abaissa la tête, se détourna du ciel, et elle vit dans la lumière de la porte qu'il souriait – ou du moins que la moitié de son visage souriait. "Mlle Granger, allez-vous me dire que je suis quelqu'un d'horrible ? Eh bien peut-être. Mais alors les gens qui n'essaient même pas de devenir des héros sont-ils encore pires ? Si je n'avais jamais essayé de faire quoi que ce soit, auriez-vous eu une meilleure opinion de moi ?"

Hermione ouvrit la bouche et découvrit à nouveau qu'une fois de plus, elle n'avait rien à dire. Ce n'était pas bien se désister de la tâche de héros, on ne pouvait tout simplement pas faire ça, mais elle ne voulait pas dire que tous ceux qui n'étaient pas un héros ne valaient rien, ça aurait été penser comme Quirrell...

Le sourire ou demi-sourire avait disparu. "Vous étiez idiote," dit doucement le professeur de Défense, "de vous attendre à la moindre gratitude de la part de ceux que vous aviez essayé de protéger après vous être désignée comme héroïne. Tout comme attendez de cet homme qu'il continue d'être un héros et l'avez qualifié d'horrible parce qu'il s'est arrêté, alors que mille autres n'ont jamais levé un doigt. Il était attendu que vous combattiez les brutes. C'était une taxe due et ils l'ont acceptée comme des princes, avec une moue moqueuse pour le retard de votre paiement. Et je gage que vous avez déjà été témoin de leur affection, disparaissant comme la poussière sous le vent une fois qu'il n'était plus dans leur intérêt de s'associer à vous..."

Le professeur de Défense se raidit lentement sur le balcon, se tint presque droit et se tourna pour lui faire pleinement face.

"Mais vous n'avez pas à être une héroïne, Mlle Granger, dit le professeur Quirrell. "Vous pouvez vous arrêter quand bon vous semble."

Cette idée...

...lui était déjà venue plusieurs fois lors des deux derniers jours.

Les gens deviennent ce qu'ils sont censés devenir en faisant ce qui est juste, lui avait dit le directeur. Le problème était qu'il y avait deux choses justes à faire. Il y avait la partie d'elle qui disait que la bonne chose à faire était de continuer d'être une héroïne et de rester à Poudlard, car même si elle ne comprenait pas ce qui se passait, une héroïne ne se contenterait pas de fuir.

Et il y avait aussi la voix du bon sens qui lui disait que les jeunes enfants ne devraient jamais rester proche du danger, que c'était à cela que les adultes servaient ; la voix de toutes les affiches à l'école qui disaient de ne pas prendre les bonbons des inconnus. Cette voix aussi avait raison.

Hermione se tenait sur le balcon et regardait la silhouette du professeur Quirrell découpée par les étoiles qui émergeaient et elle ne comprenait pas, elle ne comprenait pas comment le professeur de Défense pouvait la regarder d'un air aussi inquiet, elle ne comprenait pas les notes de douleur qu'elle avait remarquées dans la voix du professeur, elle ne comprenait même pas pourquoi on lui disait tout cela.

"Vous ne m'appréciez même pas, professeur," dit-elle.

Un léger sourire vacilla sur le visage du professeur Quirrell. "J'imagine que je pourrais m'étaler sur ma colère contre cette affaire qui a empiété sur mon temps précieux et a perturbé mes cours de Défense. Mais avant tout, Mlle Granger, vous êtes mon élève et quelles qu'aient été mes professions passées, je pense avoir été un bon enseignant à Poudlard, n'est-ce pas ?" Les yeux du professeur de Défense semblèrent soudain très fatigués. "Alors, en tant qu'enseignant, je vous signale que vous avez d'autres plans de carrière possibles. Je n'aimerais voir personne suivre la voie que j'ai suivi."

Hermione déglutit. C'était là un aspect du professeur Quirrell qu'elle n'avait jamais vu ni imaginé, et cet aspect dévorait ses préjugés au sujet de celui-ci.

Le professeur Quirrell la regarda pendant un moment puis détourna les yeux d'elle, les releva vers les étoiles. Lorsqu'il reparla, sa voix était plus basse. "Quelqu'un ici vous prend pour cible, Mlle Granger, et je ne peux vous protéger comme j'ai protégé M. Malfoy. Le directeur l'empêche pour des raisons qu'il juge être bonnes. Il est facile de s'attacher à Poudlard, je le sais, car j'y suis moi aussi attaché. Mais en France ils ne voient pas les Anciennes Maisons comme en Angleterre ; et je ne pense pas que Beauxbâtons vous maltraiterait. Quoi que vous pensiez de moi par ailleurs, je vous jure que si vous me demandez de vous conduire de façon sûre à Beauxbâtons, je ferai tout ce qui est en mon pouvoir pour vous y amener."

"Je ne peux pas juste..." dit Hermione.

"Mais vous le pouvez, Mlle Granger." Les pâles yeux bleus la regardaient à présent avec intensité. "Quoi que vous souhaitiez faire de votre vie, vous ne pourrez plus l'atteindre à Poudlard, plus maintenant. Ce lieu est mort pour vous, même en ignorant les autres menaces. Demandez simplement à Harry Potter de vous ordonner d'aller à Beauxbâtons et vivez le reste de votre vie en paix. Si vous demeurez ici, il sera votre maître aux yeux de l'Angleterre et de ses lois !"

Elle n'y avait même pas réfléchi tant c'était insignifiant face à l'idée d'être mangée par des Détraqueurs. Cela avait auparavant été important pour elle et cela semblait maintenant puéril, sans importance, vide. Mais alors pourquoi ses yeux la brûlaient-elle ?