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La seule source de deutérium contrôlée par les Nazis avait été une installation en Norvège occupée et avait été détruite à coups de bombes et de sabotages, ce qui avait occasionné la mort de vingt-quatre civils.

Les Nazis avaient voulu livrer le deutérium déjà raffiné vers l'Allemagne à bord d'un ferry civil Norvégien, le SS Hydro.

Knut Haukelid et ses assistant avaient été découverts par le gardien de nuit du ferry alors qu'ils montaient à bord pour le saboter. Haukelid avait dit au gardien qu'ils fuyaient la Gestapo et le gardien les avait laissés passer. Haukelid avait songé à prévenir le gardien de nuit mais cela aurait menacé la mission, si bien qu'il lui avait juste serré la main. Et le navire civil avait sombré dans la partie la plus profonde du lac avec huit Allemands morts, sept membres d'équipage morts et trois civils innocents morts. Certains des sauveteurs Norvégiens avaient songé que les soldats allemands présents auraient dû être laissés à leur noyade mais cette idée n'avait pas prévalu, et les survivants allemands avaient été sauvés. Et cela avait marqué la fin du programme d'armement nucléaire Nazi.

Ceci impliquait que Knut Haukelid avait tué des innocents, dont un, le gardien de nuit du navire, qui avait été quelqu'un de bien. Quelqu'un qui s'était efforcé d'aider Haukelid, qui avait pris des risques pour lui par bonté de cœur, pour de pures raisons morales, et on l'avait noyé. Plus tard, à la froide lumière de l'Histoire, il était apparu que les Nazis n'avaient après tout jamais été proches d'obtenir des armes nucléaires.

Et Harry n'avait jamais rien lu qui puisse suggérer que Haukelid avait mal agi.

C'était la guerre, dans le monde réel. En termes de dégâts totaux et de degré d'innocence des victimes, les actes de Haukelid avaient été considérablement pires que les agissements potentiels de Dumbledore envers Narcissa Malfoy ou que ce que Dumbledore avait peut-être fait afin que Voldemort ait vent de la prophétie et attaque les parents de Harry.

Si Haukelid avait été un héros de bandes dessinées, il aurait trouvé un moyen d'évacuer tous les civils du ferry puis il aurait directement attaqué les soldats allemands...

...plutôt que de laisser un seul innocent mourir...

...mais Haukelid n'avait pas été un superhéros.

Et Albus Dumbledore non plus.

Harry ferma les yeux et déglutit avec force, frappé par une soudaine sensation d'étouffement. Il était soudain très clair que, à côté d'un Harry désireux de vivre les idéaux des Lumières, Dumbledore avait vraiment participé à une guerre. Les idéaux non-violents étaient faciles si l'on était un scientifique et que l'on vivait dans la bulle de Protego lancée par les policiers et les soldats dont on avait le luxe de remettre les actes en question. Albus Dumbledore semblait avoir commencé avec des idéaux au moins aussi exigeants que ceux de Harry, si ce n'est encore plus ; et il n'avait pas traversé la guerre sans tuer d'ennemis et sacrifier d'alliés.

Es-tu tellement meilleur que Haukelid et Dumbledore, Harry Potter, que tu seras capable de combattre sans provoquer une seule perte ? Même dans le monde des super-héros, la seule raison pour laquelle un super-héros comme Batman a l'air de réussir, c'est que les lecteurs ne remarquent que la mort des Personnages Importants dont on connaît le Nom, pas quand le Joker tue un passant anonyme quelconque pour démontrer sa méchanceté. Batman n'est pas moins meurtier que le Joker si l'on prend en compte toutes les vies qu'il aurait pu sauver en le tuant. C'est ce que l'homme nommé Maugrey essayait de dire à Dumbledore, et Dumbledore a ensuite semblé regretter d'avoir mis si longtemps à changer d'avis. Vas-tu vraiment essayer de suivre la voie des super-héros, de ne jamais sacrifier un seul de tes pions ni de tuer un seul ennemi ?

Épuisé, Harry détourna son attention du dilemme présent l'espace d'un instant et rouvrit ses yeux pour admirer l'hémisphère de nuit qui n'attendait aucune décision de sa part.

Non loin des limites de son champ de vision, le pâle et blanc croissant de Lune dont cette lumière était partie il y a une seconde et quart, à une distance d'environ trois cent soixante-quinze mille kilomètres dans l'espace de simultanéité terrestre.

Au-dessus et sur le côté, Polaris, l'étoile du nord ; la première que Harry avait apprise à identifier en suivant la frontière de la Grande Ourse. C'était en fait un système à cinq étoiles avec une supergéante centrale située à 434 années-lumières de la terre. C'était la première 'étoile' que Harry avait apprise de son père, il y a si longtemps qu'il ne pouvait se souvenir de l'âge qu'il avait alors eu.

Le pâle brouillard était la voie lactée, tant de milliards de lointaines étoiles qu'elles devenaient une rivière indistincte, surface d'une galaxie de cent mille années lumières de diamètre. Si Harry avait ressenti le moindre émerveillement lorsqu'on lui avait dit cela pour la première fois, il avait été trop jeune pour pouvoir s'en souvenir, quelques années après.

Au centre de la constellation d'Andromède, son étoile, qui était plutôt une galaxie. La plus proche de la Voie Lactée, à 2,4 millions années lumières, et qu'on estimait abriter mille milliards d'étoiles.

Comparé à de tels nombres, " l'infini " pâlissait, parce que " l'infini " était indéfini, vide. Penser à des étoiles " infiniment " lointaines était bien moins effrayant que d'essayer de calculer combien de mètres il y avait dans 2,4 millions d'années-lumières. 2,4 millions d'années lumières fois 31 millions de secondes par an, fois un photon en déplacement à trois cent mille mètres par seconde...

Il était étrange de songer que de telles distances n'étaient peut-être pas assez lointaines pour être inatteignables. La magie avait été relâchée dans l'univers, et avec elle des choses telles que les Retourneurs de Temps et les balais volants. Un sorcier avait-il jamais essayé de mesurer la vitesse d'un Portoloin ou d'un phénix ?

Et la compréhension humaine de la magie n'avait certainement rien à voir avec ses lois sous-jacentes. Que pouvait-on faire avec la magie, une fois qu'on la comprenait réellement ?

Un an plus tôt, Papa était allé à l'université nationale d'Australie, à Canberra, en tant que conférencier invité, et il avait emmené Maman et Harry. Et ils avaient tous visités le musée national d'Australie car il s'était avéré qu'il n'y avait quasiment rien d'autre à faire à Canberra. Les présentoirs en verre avaient montré des lance-pierres fabriqués par les aborigènes Australiens – comme de grands chausses-pieds en bois, mais polis, creusés et ornés avec une attention minutieuse. Pendant les 40000 ans depuis que des humains anatomiquement modernes avaient émigrés de l'Asie vers l'Australie, personne n'avait inventé l'arc et la flèche. Cela permettait vraiment d'apprécier à quelle point l'idée de Progrès n'était pas évidente. Pourquoi songeriez-vous même que l'idée d'Invention était importante si tous vos contes héroïques parlaient de guerriers ou de grands défenseurs et ne parlaient pas de Thomas Edison ? Comment quiconque aurait pu soupçonner, en creusant son lance-pierre avec une minutieuse attention, qu'un jour les humains inventeraient des fusées et l'énergie nucléaire ?