Ses souvenirs remontaient à nouveau, des souvenirs qu'il ne pouvait jamais oublier très longtemps. Même si les pierres sous ses pieds n'étaient pas lisse comme du métal, même si le ciel éclairé par la Lune s'étendait au-dessus de lui, il lui était pourtant très simple de s'imaginer pris au piège dans un long couloir de métal éclairé d'une orange lueur.
La nuit était calme, assez calme pour que les souvenirs deviennent clairement audibles.
" Non, je ne voulais pas, ne meurs pas s'il te plaît ! "
" Non, je ne voulais pas, ne meurs pas s'il te plaît ! "
" Ne l'emmène pas, non non non - "
Les mots se brouillèrent et Harry s'essuya les yeux du revers de sa manche.
Si cela avait été Hermione derrière porte -
Si Hermione avait été placée à Azkaban, Harry aurait appelé le phénix, s'y serait rendu, et aurait brûlé jusqu'au dernier des Détraqueurs, peu importe à quel point cela aurait été fou, peu importe ce qu'il aurait voulu accomplir d'autre dans sa vie. C'était juste... c'était... c'était juste ainsi.
Et la femme qui était derrière la porte – n'y avait-il pas quelqu'un, quelque part, pour qui elle aussi était précieuse ? N'était-ce que la distance entre Harry et elle qui empêchait son cerveau de ressentir le besoin d'aller à Azkaban et de la sauver peu importe les conséquences ? Qu'aurait-il fallu, pour qu'il s'y sente contraint ? Aurait-il fallu qu'il connaisse son visage ? Son nom ? Sa couleur préférée ? Aurait-il ressenti le besoin d'aller à Azkaban sauver Tracey Davis ? Aurait-il été contraint de s'y rendre pour sauver le professeur McGonagall ? Maman et Papa... la question ne se posait même pas. Et cette femme avait dit être une mère. Combien de personnes avaient souhaité avoir le pouvoir de briser Azkaban ? Combien de prisonniers d'Azkaban rêvaient chaque nuit d'un sauvetage miraculeux ?
Aucun. C'est une pensée heureuse.
Peut-être devait-il raser Azkaban. Tout ce qu'il avait à faire c'était de trouver Fumseck et de lui dire que le temps était venu. Visualiser le centre de la fosse des Détraqueurs comme il l'avait vue de son balais volant et laisser le phénix l'y emmener. Lancer le Véritable Patronus à bout portant et au diable ce qui se passerait ensuite.
Il n'avait qu'à aller trouver Fumseck.
C'était peut-être aussi simple que de penser à la flamme, que de faire appel à l'oiseau de feu en son cœur...
Une étoile brilla dans la nuit.
Le temps que les yeux de Harry se réorientent vers ce point, mûs par un réflexe entraîné par des pluies de météores, une autre partie de lui se voyait surprise que le phénomène astronomique soit encore présent ; un faible étoile dont la la lueur croissait lentement. Il y eut un autre moment surpris pendant lequel Harry se demanda ce qu'il voyait, pas un météore, mais une nova ou une supernova – pouvait-on les voir briller comme ça ? La première étape d'une nova était-elle censée avoir cette couleur jaune-orange ?
Puis la nouvelle étoile bougea de nouveau, elle sembla grandir et s'intensifier. Elle semblait soudain plus proche au lieu d'être si lointaine que la distance en devenait sans importance. Comme lorsque ce que vous croyiez être une étoile se révélait être un avion, une forme éclairée dont on pouvait réellement voir la forme...
...non, pas un avion...
La compréhension sembla se répandre depuis la poitrine de Harry par vagues de picotements et de sueur prête à émerger.
...un oiseau.
Un cri perçant fendit la nuit et fit écho sur les toits de Poudlard.
La créature approchante formait une traînée de feu à la suite de son vol, elle versait de ses plumes des flammes dorées aux mouvements d'étincelles à chaque battement de ses puissantes ailes. Et alors qu'elle décrivait une large courbe pour venir flotter à quelques pas de Harry, alors même que les flammes entourant son passage diminuaient, la créature ne sembla pas plus obscure, pas moins brillante, comme si quelque invisible Soleil l'illuminait de ses rayons.
De grandes ailes étincelantes comme un crépuscule, des yeux tels de perles incandescentes, éclatantes d'un feu d'or et de détermination.
Le bec du phénix s'ouvrit et laissa jaillir un grand croassement que Harry comprit comme s'il s'était agit d'un mot :
VIENS !
Sans même s'en rendre compte, le garçon s'éloigna en chancelant du rebord, les yeux toujours braqués sur le phénix, tout son corps tremblant et tendu, ses poings serrés puis relâchés, il reculait, il s'éloignait.
Le phénix croassa à nouveau, un son désespéré, plaintif. Il ne fut pas compris comme un mot, cette fois, mais comme une émotion, un écho de tout ce que Harry avait ressentit au sujet d'Azkaban, de chaque tentation d'agir, de juste faire quelque chose, du besoin de désespéré de faire quelque chose maintenant, de ne plus repousser, tout cela dans le cri d'un oiseau.
Allons-y. Il est temps. La voix qui parlait venait de l'intérieur de Harry, pas du phénix ; de si profond en lui qu'il ne pouvait lui donner un nom comme 'Gryffondor'.
Tout ce qu'il avait à faire était d'avancer, de toucher les serres du phénix, il serait alors là où il devait être, là où il ne cessait de songer devoir être, au fond de la fosse centrale d'Azkaban. Harry pouvait voir l'image dans son esprit, brillante d'un insoutenable clarté, l'image de lui-même souriant d'un soulagement soudain alors qu'il rejetait toutes ses peurs et choisissait -
" Mais je...", murmura Harry, sans même se rendre compte de ce qu'il disait. Il leva ses mains tremblantes pour essuyer les larmes qui avaient jailli de ses yeux, face au phénix qui flottait devant lui à grands battements d'ailes. " Mais je... j'ai d'autres personnes que je dois aussi sauver, d'autres choses que je dois faire... "
L'oiseau de feu laissa échapper un cri perçant et le garçon fléchit comme s'il avait reçu un coup. Ce n'était pas un ordre, ce n'était pas une objection, c'était le savoir...
Les couloirs éclairés par la faible lueur orange.
Il sentait comme un désir étouffant dans sa poitrine, celui de juste agir et d'en avoir fini. Il mourrait peut-être, mais s'il ne mourrait pas il se sentirait à nouveau propre. Il aurait des principes qui seraient autres chose que des excuses pour l'inaction. C'était sa vie. Son choix d'en faire usage, s'il le souhaitait. Il pourrait le faire le faire quand il le voudrait...
...s'il n'était pas quelqu'un de bien.
Le garçon demeura sur le toit, ses yeux braqués sur deux points de feu. Les étoiles avaient peut-être eu le temps de changer de constellation pendant qu'il était resté ici, tourmenté par cette décision...
…qui ne voulait pas...
...changer.
Les yeux passèrent un instant sur les étoiles au-dessus de lui puis il regarda le phénix.
" Pas encore, " dit le garçon d'une voix à peine audible. " Pas encore. J'ai encore trop à faire. Reviens plus tard, s'il te plaît, lorsque j'en aurai trouvé d'autres capables de lancer le Véritable Patronus – dans six mois, peut-être... "
Sans un mot, sans un son, une sphère de feu entoura la forme de l'oiseau, dans des craquements et des éclats de veines blanches et pourpres, comme si ce qui se trouvait en son centre devait être consumé, et lorsque le feu se dissipa dans une fumée grise, il n'y avait plus de phénix.
Il n'y eut plus que du silence au sommet de la tour Serdaigle. Le garçon rabaissa ses mains de ses oreilles, ne s'arrêtant que pour essuyer ses joues humides.
Lentement, il se retourna...
Puis s'écria et fit un bon tel qu'il tomba presque de la tour, bien que ce faux pas aurait été sans conséquence avec un tel sorcier présent.