Peut-être que Voldemort avait des idées plus créatives, répondit Serdaigle Trois, mais qu'il ne voulait pas révéler sa main aux gouvernements des autres pays, qu'il ne voulait pas qu'eux découvrent à quel point ils étaient vulnérables et installent des Cascades du Voleur dans leur Ministère. Pas avant d'avoir l'Angleterre comme base et assez de serviteurs pour subvertir tous les autres gouvernements importants en même temps.
Tu pars du principe qu'il voulait conquérir le monde, remarqua Serdaigle Deux.
Trelawney a prophétisé qu'il serait notre égal, entonna Serdaigle Trois d'un ton solennel. Par conséquent, il voulait conquérir le monde.
Et s'il est ton égal, et que tu dois le combattre...
L'espace d'un instant l'esprit de Harry tenta d'imaginer le spectre de deux sorciers créatifs engagés dans une guerre sans merci l'un contre l'autre.
Harry avait remarqué que tous les sortilèges et toutes les potions de son livre de première année pouvaient être utilisés de façon créative dans le but de tuer des gens. Il n'avait pas pu s'en empêcher. Au sens propre. Il avait essayé d'empêcher son cerveau de le faire à chaque fois mais ça avait été comme de regarder un poisson et d'essayer d'empêcher son cerveau de remarquer que c'était un poisson. Ce qu'il était possible de faire avec de la créativité et un niveau de septième année, ou un niveau d'Auror, ou d'anciennes magies perdues telles que celles que Lord Voldemort avait possédées... rien qu'y penser était insupportable. Un psychopathe génial, créatif et doté de pouvoirs magiques n'était pas une 'menace', c'était la fin d'une espèce.
Puis Harry secoua la tête et rejeta la lugubre trajectoire le long de laquelle son raisonnement l'avait menée. La question était de savoir s'il avait de fortes chances de faire face à la terreur que serait un Rationaliste Obscur.
La probabilité à priori qu'une personne s'essayant à un rituel d'immortalité y parvienne vraiment...
Estimables à une chance sur mille, et c'était une estimation généreuse ; un sorcier sur mille ne survivait d'ailleurs pas à sa mort, même si Harry se devait d'admettre qu'il n'avait aucune information sur la proportion qui s'était essayée à des rituels d'immortalité.
Et si le Seigneur des Ténèbres est aussi intelligent que nous ? Dit Serdaigle Trois. Tu sais, notre égal comme Trelawney l'a prophétisé. Dans ce cas il se débrouillerait pour que son rituel fonctionne. P.S. N'oublie pas la partie '...détruire l'autre, n'en laissant presque rien'.
Nécessiter ce niveau d'intelligence constituait un détail de poids : la probabilité à priori qu'un membre de la population choisi au hasard soit intelligent était basse...
Mais Lord Voldemort n'était pas un sorcier choisi au hasard, c'était un sorcier en particulier, que tout le monde avait remarqué. Le puzzle de la Marque des Ténèbres requérait un niveau d'intelligence minimal, même en ayant (hypothétiquement) mis longtemps à l'inventer. Mais quand même, dans le monde moldu, toutes les personnes extrêmement intelligentes que Harry connaissait par l'Histoire n'étaient pas devenues de méchants dictateurs ou des terroristes. Ceux qui s'en approchait le plus, dans le monde moldu, étaient les gestionnaires de fonds spéculatifs, et aucun d'eux n'avait essayé de s'emparer ne serait-ce que d'un pays du tiers monde, ce qui imposait une borne supérieure autant à leur méchanceté qu'à leur bonté maximales.
Sous certaines hypothèses, le Seigneur des Ténèbres était intelligent et l'Ordre du Phénix n'était pas mort instantanément, mais ces hypothèses étaient plus complexes et se devaient de recevoir une pénalité de complexité. Après que ces pénalités et autres excuses aient été intégrées, on se retrouvait avec un écart très élevés entre la vraisemblance des hypothèses 'Le Seigneur des Ténèbres est intelligent' et 'Le Seigneur des Ténèbres est stupide' vis à vis de l'observation 'Le Seigneur des Ténèbres n'a pas instantanément gagné la guerre'. Probablement un rapport de vraisemblance de 10 contre 1 en faveur de la stupidité du Seigneur des Ténèbres... mais peut-être pas 100 contre 1. On ne pouvait tout à fait dire que 'Le Seigneur des Ténèbres gagne instantanément' avait une probabilité supérieure à 99% en présupposant son intelligence ; la somme de toutes les excuses possibles dépassait 0,01.
Et il y avait la prophétie... qui avait peut-être initialement contenu un passage disant que le Seigneur des Ténèbres mourrait immédiatement s'il se confrontait aux Potters. Qu'Albus Dumbledore aurait ensuite ôté de la mémoire de McGonagall afin de mener le Seigneur des Ténèbres à sa perte. Si un tel passage n'existait pas, la prophétie avait plus ou moins l'air de dire que Vous-Savez-Qui et le Survivant étaient destinés à avoir quelque confrontation ultérieure. Mais dans ce cas, il était moins probable que Dumbledore ait inventé une excuse plausible pour ne pas avoir à emmener Harry à la salle des prophéties.
Harry se demandait s'il était possible de tirer des calculs Bayésiens de tout ceci. Bien sûr, l'objectif d'un calcul Bayésien subjectif n'était pas, après avoir inventé plein de nombres et de les avoir multipliés, d'obtenir exactement la bonne réponse. Le véritable objectif était l'acte d'inventer les nombres, de se forcer à prendre en compte tous les faits importants et de soupeser toutes les probabilités entre elles. C'était par exemple de se rendre compte, juste après avoir vraiment pensé à la probabilité de voir la Marque ne pas s'effacer après la mort de Vous-Savez-Qui, que cette probabilité n'était pas assez basse pour constituer un indice important. L'une des versions du procédé consistait à analyser toutes les hypothèses, à faire la liste des indices, à inventer tous les nombres, à faire les calculs, puis à jeter la réponse par la fenêtre et à suivre son instinct maintenant que l'on s'était forcé à vraiment tout prendre en compte. Le problème était que les probabilités des indices n'étaient pas indépendantes entre elles et que plusieurs éléments sous-jacents interagissaient les uns avec les autres...
...enfin, au moins, une chose était certaine.
Si les calculs étaient faisables, il lui faudrait du papier et un crayon.
Dans le feu situé sur un mur du bureau du directeur, les flammes s'embrasèrent soudain et passèrent de l'orange à un vert vif bilieux.
"Ah !" dit le professeur McGonagall au milieu de ce non-silence gêné. "Je crois que c'est Maugrey Fol Œil."
"Laissons ce problème reposer pour le moment," dit le directeur avec quelque soulagement alors qu'il se tournait pour regarder la cheminée. "Je crois aussi que nous sommes sur le point d'apprendre des nouvelles le concernant."
Hypothèse : Hermione Granger
(8 avril 1992, 18h53)
Pendant ce temps, dans la grande salle de Poudlard, alors que les élèves n'ayant pas de réunion secrète avec le directeur s'occupaient de dîner, assis à quatre énormes tables...
"C'est drôle," dit Dean Thomas d'un ton pensif. "Je n'ai pas cru le général quand il nous a dit que ce que nous avions appris nous changerait pour toujours, que nous ne pourrions jamais revenir à une vie normale. Maintenant que nous savions. Maintenant que nous pouvions voir ce qu'il pouvait voir."