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Dominant ma répulsion, j’arrache le bas. Je lui mets bas le masque en mettant bas le bas.

Bien sûr que je reconnais !

Il a laissé son apparente sénilité au vestiaire, ou dans les mailles de son Le Bourget, et il pèse des années de moins que lors de notre première entrevue où il chiquait les vieux débris.

Bref, l’individu en question n’est autre que L’Avoine, le faux crucifié rencontré chez Duplessis et qui réclamait son dû à Fernande.

C’est choc, hein ?

CHAPITRE LMNOPQRSTUVWXY

— Comment est-il, docteur ?

— Très souriant, répond le patricien. Et il a toutes les raisons de sourire. Sa forme est belle, ses analyses portent à l’optimisme. Une tension d’athlète, un cœur de champion cycliste, et tout le reste à l’unisson. Pas le moindre germe ou virus. C’est du buis. Vous savez qu’il vivra cent ans, ce type.

— Eh ben, on n’a pas fini de se tirer la bourre, moi et lui, clame, déclame et réclame Bérurier qui m’escorte à la clinique où Pinuche vient de subir ce que le gros appelle son « Tomato Catchup ».

Le médecin l’enveloppe (il n’a pas peur des volumes) d’un regard professionnel.

— Hum, à première vue, je ne puis vous promettre de l’escorter, fait-il. Car pour devenir centenaire, il faut avoir une certaine morphologie dont la vôtre est très éloignée.

Un rien de détresse embue les globes du Valeureux.

— Ct’à-dire, doc ? balbutie-t-il.

— La graisse est l’ennemi public numéro 1 de l’individu, déclare le toubib. Pour avancer dans le temps, il convient d’être pointu, comme l’extrémité d’une lame. Manger peu et boire de même. Respecter également une certaine sobriété sexuelle. Bref, vivre raisonnablement.

Il appuie un index méprisant sur la bedaine du Mastar.

— Regardez-vous : vous ne pouvez plus fermer votre veste. Vous êtes caparaçonné de lard, mon cher monsieur. Le teint rougeaud. L’œil injecté. C’est vous qui devriez plutôt occuper cette chambre.

Pépère s’enrogue, tout soudain, contre la Faculté.

— Ecoutez, Doc, éclate le Mammouth. Si je peux pas fermer ma veste, c’est parce que j’ai une bouteille de beaujolais-villages dans chaque poche. Mon lard que vous causez, c’est pas une infirmité, mais un capital. Y m’ sert des intérêts d’énergie que si vous me verriez au labeur vous n’en reviendriez pas. Je fais mes cinq repas par jour sans estravaguer. J’sus pas un crevard à la Pinaud, mais un fils de la terre, moi. Pas plus tard qu’hier je m’ai envoyé en l’air trois fois dans la même journée, dont une avec ma propre femme, même que le dernier coup a été pour elle, ce qui vous dénote les possibilités du Môssieur. Je bois pas plus que trois autres, mais pas moins. Et tout ça m’empêchera pas de me faire centenaire, je vous en fous mon bifton ; et si vous ne me croyez pas, vous avez qu’à envoyer vos petits-enfants contrôler quand la date sera venue. On éclusera un gorgeon en évoquant votre mémoire.

Sur cette diatribe qui sidère passablement l’éminent chef de clinique, le gros actionne le loquet de la chambre pinaudine avec tant de fougue qu’il lui reste dans la main.

Insouciant, le Gros l’enfouit dans la poche de son futal.

— Alors, la Baderne ! tonitrue-t-il en pénétrant chez son collègue et néanmoins amis, on tisse sa p’tite toile d’araignée comme Ferdinand Pénélope ?

Il a belle mine, c’est exact, l’Emincé. Entends par là qu’il est un peu moins verdâtre que d’habitude. Il tirerait plutôt sur le gris-jouvence-de-la-belle-souris. Il trône dans un pyjama rouge à rayures marron.

Il est coiffé à la démocrate chrétien : la raie basse, la mèche arrondie et plaquée sur le front.

— T’es beau comme une gravure du catalogue de la Redoute, rayons pyjamas, affirme Béru en congratulant le bonhomme. Tiens, Césarin, je t’ai apporté une gâterie pour tes muqueuses. Dans ces véroleries d’hosto elles sont toujours en rade de carburant.

Il arrache les deux boutanches de ses vagues, les fourre d’autor dans les bras du fossile, puis continue d’explorer ses profondes en maugréant.

— Dedieu de dedieu, grogne La Rogne, j’avais encore un p’tit autre chose, où t’est-ce que j’y ai foutu !

Ses gestes deviennent fébriles. Mais brusquement il se rassérène.

— Ah, je me rappelle, bouge pas…

Il sort son mouchoir avec d’infinies précautions. Un tire-gomme affreux, immontrable, inracontable, béruréen, quoi !

Le dépose sur la table blanche où l’objet, par opposition, devient plus tragique encore.

Le déplie à petits gestes de prestidigitateur et découvre une espèce de bouillie plus infâme que le reste.

— Ça s’est un peu endolori dans ma fouille, et naturliche, ça a moins bonne mine, mais tu vas voir comment que c’est succulent, mon vieux froineton : deux aspics de foie gras qui nous restaient de midi, Berthe et moi. Ils viennent de chez Beaurouston, le charcutier du carrefour Georges-Pont-Pie-XII. Briffe-moi ça séance tenante, je te veux voir le palais en extase…

Le Débris pose un œil sur « la chose » mélasseuse, déjectée, pas franche, qui lui est proposée. Elle le terrifie.

— Tu es gentil, mais j’ai déjà mangé, refuse-t-il.

— Tu te fous de moi, non ? tonne le Tentaculaire. T’appelles du manger le rata qu’on te sert dans un hosto. Du jus de chasse d’eau, ouais, allez, allez, déguste, Auguste, pendant que je vais décoiffer la première quille de rouquin, s’agit de te refaire un palais.

César se tourne vers moi. Toute sa frite est un muet S.O.S.

— Mais oui, mange, glissé-je perfidement, sinon tu feras de la peine à Alexandre-Benoît.

La Guenille opine.

— D’accord, mais alors la moitié avec toi, San-A., je ne pourrais jamais tout seul.

Il est passionné par la conclusion de l’affaire, Pinuchet. Guilleret, il demande :

— Et alors, le faux comte ?

— Eh bien imagine-toi qu’en réalité il s’agissait d’un vrai marquis, César. Il attendait paisiblement à la résidence le résultat de la « transaction ». Quand il m’a vu revenir, en chair, en os et escorté de perdreaux, il est devenu blême et s’est empoisonné à l’aide d’une ampoule de cyanure. Bon sang bleu ne peut longtemps mentir.

— Du coup, tu ne sais rien de précis à propos des activités de cette société secrète ?

— Si, grâce à deux des trois fuyards du terrain vague que les bourdilles, alertés par mes coups de pétard, ont pu heureusement sauter au déboulé. Cette société secrète, en réalité, n’avait d’autres vocations religieuses que celle consistant à piller les œuvres d’art des églises. La bande a mis à sac une quantité folle de lieux saints, tant en France qu’à l’étranger, et Monte-Carlo était à la tête d’un énorme trafic international. Parmi ses fournisseurs, figurait un malfrat du nom de l’Avoine qui écumait l’Italie à la tête d’une escouade de pieds-nickelés. Quand ces pirates de cathédrales et autres abbayes ou collégiales avaient rassemblé un certain butin, ils en photographiaient les pièces principales et postaient les clichés au comte de Monte-Carlo qui faisait son choix. Un jour, en forçant une chapelle romane des Pouilles, les voleurs de Dieu, entre autres choses intéressantes, firent main basse sur un coffre d’acier contenant deux plaques d’or et un anneau garni d’une améthyste.

— La bague de Duplessis et ses plaques d’or gravées ?

— Exact. Ils en prirent des photos, comme à l’accoutumée, et les postèrent au faux comte. Or, ce dernier séjournait aux States lorsque ces documents arrivèrent à son domicile, si bien qu’il n’en prit connaissance qu’un mois plus tard. Intéressé, il fit décrypter le texte des plaques et bondit alors au téléphone pour déclarer à l’Avoine qu’il était preneur. Seulement, dans l’intervalle, ne recevant pas de réponse, le chef de gang avait fourgué le contenu du coffre à un vieux brocanteur parisien, de passage à Rome, qui acheta le tout pour le poids de l’or et de la pierre…