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Vraiment?

Dhonneur.

Prenez le mien.

Je ne demande pas mieux.

Il est votre service, comtesse.

Et au mien aussi, prince?

Et au vtre aussi, duc.

Comment sappelle-t-il?

Le comte de Fnix.

Madame du Barry et le duc se regardrent tous deux en plissant.

Voil qui est bizarre! dirent-ils ensemble.

Est-ce que vous le connaissez? demanda le prince.

Non. Et vous le tenez pour sorcier?

Plutt deux fois quune.

Vous lui avez parl?

Sans doute.

Et vous lavez trouv?

Parfait.

quelle occasion?

Mais

Le cardinal hsita.

loccasion de ma bonne aventure, que je me suis fait dire par lui.

Et a-t-il devin juste?

Cest--dire quil ma racont des choses de lautre monde.

Il na point un autre nom que celui de comte de Fnix?

Si fait: je lai entendu appeler encore

Dites, monseigneur, fit la comtesse avec impatience.

Joseph Balsamo, madame.

La comtesse joignit les mains en regardant Richelieu. Richelieu se gratta le bout du nez en regardant la comtesse.

Est-ce bien noir, le diable? demanda tout coup madame du Barry.

Le diable, comtesse? Mais je ne lai pas vu.

Que lui dites-vous donc l, comtesse? scria Richelieu. Voil, pardieu! une belle socit pour un cardinal.

Est-ce que lon vous dit la bonne aventure sans vous montrer le diable? demanda la comtesse.

Oh! certainement, dit le cardinal; on ne montre le diable quaux gens de peu; pour nous, on sen passe.

Enfin, dites ce que vous voudrez, prince, continua madame du Barry; il y a toujours un peu de diablerie l-dessous.

Dame! je le crois.

Des feux verts, nest-ce pas? des spectres, des casseroles infernales qui puent le brl abominablement?

Mais non, mais non; mon sorcier a dexcellentes manires; cest un fort galant homme, et qui reoit trs bien, au contraire.

Est-ce que vous ne vous ferez pas tirer votre horoscope par ce sorcier-l, comtesse? demanda Richelieu.

Jen meurs denvie, je lavoue.

Faites, madame.

Mais o cela se passe-t-il, demanda madame du Barry esprant que le cardinal allait lui donner ladresse quelle cherchait.

Dans une belle chambre fort coquettement meuble.

La comtesse avait peine cacher son impatience.

Bon! dit-elle; mais la maison?

Maison dcente, quoique darchitecture singulire.

La comtesse trpignait de dpit dtre si peu comprise.

Richelieu vint son secours.

Mais vous ne voyez donc pas, monseigneur, dit-il, que madame enrage de ne point savoir encore o demeure votre sorcier?

O il demeure, avez-vous dit?

Oui.

Ah! fort bien, rpliqua le cardinal. Eh! ma foi, attendez donc non si non Cest au Marais, presque au coin du boulevard, rue Saint-Franois, Saint-Anastase non. Cest un nom de saint, toujours.

Mais quel saint, voyons, vous qui devez les connatre tous?

Non, ma foi! au contraire; je les connais fort peu, dit le cardinal; mais attendez donc, mon drle de laquais doit savoir cela, lui.

Justement, dit le duc, on la pris derrire. Arrtez, Champagne, arrtez.

Et le duc tira le cordon qui correspondait au petit doigt du cocher.

Le cocher arrta court sur leurs jarrets nerveux les chevaux frmissants.

Olive, dit le cardinal, es-tu l, drle?

Oui, monseigneur.

O donc ai-je t un soir, au Marais, bien loin?

Le laquais avait parfaitement entendu la conversation, mais il neut garde de paratre instruit.

Au Marais? dit-il ayant lair de chercher.

Oui, prs du boulevard.

Quel jour, monseigneur?

Un jour que je revenais de Saint-Denis.

De Saint-Denis? reprit Olive, pour se faire valoir et se donner un air plus naturel.

Eh! oui, de Saint-Denis; la voiture mattendit au boulevard, je crois.

Fort bien, monseigneur, fort bien, dit Olive; un homme vint mme jeter dans la voiture un paquet fort lourd, je me rappelle maintenant.

Cest possible, rpondit le cardinal; mais qui te parle de cela, animal?

Que dsire donc monseigneur?

Savoir le nom de la rue.

Rue Saint-Claude, monseigneur.

Claude, cest cela! scria le cardinal. Jeusse pari pour un nom de saint.

Rue Saint-Claude! rpta la comtesse en lanant Richelieu un regard si expressif, que le marchal, craignant toujours de laisser approfondir ses secrets, surtout lorsquil sagissait de conspiration, interrompit madame du Barry par ces mots:

Eh! comtesse, le roi.

O?

L-bas.

Le roi, le roi! scria la comtesse. gauche, Champagne, gauche, que Sa Majest ne nous voie pas.

Et pourquoi cela, comtesse? dit le cardinal effar. Je croyais, au contraire, que vous me conduisiez prs de Sa Majest.

Ah! cest vrai, vous avez envie de voir le roi, vous.

Je ne viens que pour cela, madame.

Eh bien, lon va vous conduire au roi.

Mais vous?

Nous, nous restons ici.

Cependant, comtesse

Pas de gne, prince, je vous en supplie; chacun son affaire. Le roi est l-bas, sous ce bosquet de chtaigniers, vous avez affaire au roi, merveille. Champagne!

Champagne arrta court.

Champagne, laissez-nous descendre, et menez Son minence au roi.

Quoi! seul, comtesse?

Vous demandiez loreille du roi, monsieur le cardinal.

Cest vrai.

Eh bien, vous laurez tout entire.

Ah! cette bont me comble.

Et le prlat baisa galamment la main de madame du Barry.

Mais vous-mme, o vous retirez-vous, madame? demanda-t-il.

Ici, sous ces glandes.

Le roi vous cherchera.

Tant mieux.

Il sera fort inquiet de ne pas vous voir.

Et cela le tourmentera, cest ce que je dsire.

Vous tes adorable, comtesse.

Cest justement ce que me dit le roi quand je lai tourment. Champagne, quand vous aurez conduit Son minence, vous reviendrez au galop.

Oui, madame la comtesse.

Adieu, duc, fit le cardinal.

Au revoir, monseigneur, rpondit le duc.

Et le valet ayant abaiss le marchepied, le duc mit pied terre avec la comtesse, lgre comme une chappe de couvent, tandis que le carrosse voiturait rapidement Son minence vers le tertre o Sa Majest Trs Chrtienne cherchait, avec ses mauvais yeux, cette mchante comtesse que tout le monde avait vue, except lui.

Madame du Barry ne perdit pas de temps. Elle prit le bras du duc, et, lentranant dans le taillis:

Savez-vous, dit-elle, que cest Dieu qui nous la envoy, ce cher cardinal!

Pour se dbarrasser un instant de lui, je comprends cela, rpondit le duc.

Non, pour nous mettre sur la trace de notre homme.

Alors nous allons chez lui?

Je le crois bien. Seulement

Quoi, comtesse?

Jai peur, je lavoue.

De qui?

Du sorcier, donc. Oh! je suis fort crdule, moi.

Diable!

Et vous, croyez-vous aux sorciers?

Dame! je ne dis pas non, comtesse.

Mon histoire de la prdiction

Cest un fait. Et moi-mme, dit le vieux marchal en se frottant loreille.

Eh bien! vous?

Moi-mme, jai connu certain sorcier

Bah!

Qui ma rendu un jour un trs grand service.

Quel service, duc?

Il ma ressuscit.

Ressuscit! vous?

Certainement, jtais mort, rien que cela.

Contez-moi la chose, duc.

Cachons-nous, alors.

Duc, vous tes horriblement poltron.

Mais non. Je suis prudent, voil tout.

Sommes-nous bien ici?

Je le crois.

Eh bien, lhistoire, lhistoire.

Voil. Jtais Vienne. Ctait du temps de mon ambassade. Je reus le soir, sous un rverbre, un grand coup dpe tout au travers du corps. Ctait une pe de mari, chose malsaine en diable. Je tombai. On me ramassa, jtais mort.