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Je demande, monsieur, entrer dans un couvent; y vivre ignore, ensevelie. Je demande ce que ce couvent devienne une tombe, mais que ma tombe ne soit jamais viole par qui que ce soit au monde.

Ah! dit le magistrat, ce nest pas dune exigence bien grande. Vous aurez le couvent; parlez.

Ainsi, jai votre parole, monsieur?

Je crois vous lavoir donne, ce me semble.

Alors, dit Lorenza, prenez ce coffret; il renferme des mystres qui vous feront trembler pour la sret du roi et du royaume.

Ces mystres, vous les connaissez donc?

Superficiellement; mais je sais quils existent.

Et quils sont importants?

Quils sont terribles.

Des mystres politiques, dites-vous?

Navez-vous jamais entendu dire quil existait une socit secrte?

Ah! celle des maons?

Celle des invisibles.

Oui; mais je ny crois pas.

Quand vous aurez ouvert ce coffret, vous y croirez.

Ah! scria M. de Sartine vivement, voyons.

Et il prit le coffret des mains de Lorenza.

Mais tout coup, ayant rflchi, il le posa sur le bureau.

Non, dit-il avec dfiance, ouvrez le coffret vous-mme.

Mais, moi, je nen ai point la clef.

Comment nen avez-vous point la clef? Vous mapportez un coffret qui renferme le repos dun royaume et vous en oubliez la clef!

Est-il donc si difficile douvrir une serrure?

Non, quand on la connat.

Puis, aprs un instant:

Nous avons ici, continua-t-il, des clefs pour toutes les serrures; on va vous en donner un trousseau il regarda fixement Lorenza et vous ouvrirez vous-mme, continua-t-il.

Donnez, dit simplement Lorenza.

M. de Sartine tendit la jeune femme un trousseau de petites clefs ayant toutes les formes.

Elle le prit.

M. de Sartine toucha sa main, elle tait froide comme une main de marbre.

Mais, dit-il, pourquoi navez-vous pas apport la clef du coffre?

Parce que le matre du coffre ne sen spare jamais.

Et le matre du coffre, cet homme plus puissant quun roi, quel est-il?

Ce quil est, personne ne peut le dire; le temps quil a vcu, lternit seul le sait; les faits quil accomplit, nul ne les voit que Dieu.

Mais son nom, son nom?

Je len ai vu changer dix fois, de nom.

Enfin, celui sous lequel vous le connaissez, vous?

Acharat.

Et il demeure?

Rue Saint

Tout coup, Lorenza tressaillit, frissonna, laissa tomber le coffret quelle tenait dune main et les clefs quelle tenait de lautre; elle fit un effort pour rpondre, sa bouche se tordit dans une convulsion douloureuse; elle porta ses deux mains sa gorge, comme si les mots prs de sortir leussent trangle; puis, levant au ciel ses deux bras tremblants, sans avoir pu articuler un son, elle tomba de sa hauteur sur le tapis du cabinet.

Pauvre petite! murmura M. de Sartine; que diable lui arrive-t-il donc? Cest quelle est vraiment fort jolie. Allons, allons, il y a de lamour jaloux dans cette vengeance-l!

Il sonna aussitt et releva lui-mme la jeune femme qui, les yeux tonns, les lvres immobiles, semblait morte et dj dtache de ce monde.

Deux valets entrrent.

Enlevez avec prcaution cette jeune dame, dit le lieutenant de police, et portez-la dans la chambre voisine. Tachez quelle reprenne ses sens; surtout pas de violence. Allez.

Les valets obissants emportrent Lorenza.

Fin de la troisime partie.
1846 1848