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— Si nous devons mourir demain, dit-elle, ce soir, dansons, buvons et faisons l’amour.

* * *

Le bureau de Richard Green disparaissait sous les gorilles. Tous entre 1 m 85 et 1 m 95, les yeux durs, vêtus de costumes sobres et sombres, les cheveux courts, l’air tendu, arborant au revers du veston, une épingle de couleur mauve. Amenées avec eux pour éviter les contrefaçons.

L’un d’eux avait démonté son colt sur le bureau du chef de station de la CIA et le nettoyait, une boîte de cartouches ouverte à côté de lui. D’autres buvaient du café dans des gobelets en carton. Quatre gardaient la porte du rez-de-chaussée, équipés de talkie-walkie glissés dans la ceinture… Ce n’était qu’une partie des hommes qui allaient défendre Henry Kissinger. Une vingtaine déjà étaient en place sur différents points du parcours, dans des voitures ou des appartements, certains armés de « shot-guns ». Par autorisation spéciale de l’émir.

Malko se fraya un passage jusqu’à Richard Green, en train d’expliquer le dispositif de sécurité sur une grande carte épinglée au mur :

— … Dès que le « 707 » du Secrétaire d’État se sera posé, il sera dirigé par la tour de contrôle vers le hangar d’entretien des Koweit Airways, expliqua-t-il. À environ un demi-mille avant l’aérogare. Personne ne le sait, à part une poignée d’officiels… Nous avons même fait préparer un salon d’honneur dans l’aérogare.

— En descendant de l’avion, Henry Kissinger montera dans la Lincoln blindée qui a été débarquée hier et se rendra directement à la résidence de l’émir Sabah al Salem, à vingt kilomètres au sud de Koweit. Le convoi comprendra…

Il s’interrompit en voyant Malko, lui serra vigoureusement la main et l’attira à l’écart :

— Alors ?

— Je pense que tout marchera bien, dit Malko.

Un grand brun, avec des lunettes d’écaille, s’approcha d’eux. Richard Green le présenta à Malko.

— George C. Smith, du Secret Service. Responsable de la sécurité du Secrétaire d’État durant ce voyage. Voici le prince Malko Linge, en mission pour la « Company ».

George C. Smith écrasa les phalanges de Malko. Il ne pesait pas plus de deux cents livres. Tout en muscles.

— Il paraît que vous avez fait du bon boulot, dit-il.

— Tant que Mr. Kissinger ne sera pas reparti d’ici, sain et sauf, nous avons des raisons d’être inquiets, dit Malko.

George C. Smith eut un sourire froid et peu rassurant.

— J’ai donné l’ordre à mes gars de ne prendre aucun risque. Nous sommes en train de checker le parcours avec des détecteurs électroniques. J’ai plusieurs hommes avec des fusils à lunette sur le toit du hangar. Les Koweitis me donnent trois hélicoptères avec un équipage mixte. Parlez-moi de ce que VOUS avez fait ?

— Mes moyens sont plus modestes, dit Malko.

Il résuma son voyage en Inde. Les deux Américains l’écoutaient attentivement.

— Donc, conclut George C. Smith, ces types vont se pointer à l’aéroport chercher leurs armes. Dans la partie où Henry Kissinger ne se trouvera pas.

— Exact, dit Malko. J’espère néanmoins que votre changement d’itinéraire n’est pas le secret de polichinelle.

— Nous aurons quand même des hommes dans l’aérogare, affirma George C. Smith. Que faites-vous d’ici 1 h 30 ?

Il restait trois heures avant l’atterrissage du « 707 » amenant Henry Kissinger. Malko tenait à reprendre contact avec Winnie Zaki. Tant de choses avaient pu se passer en trois jours.

— Je vais aux nouvelles, dit-il.

— Prenez ça déjà, offrit George C. Smith.

Il lui tendit une épingle mauve que Malko dissimula sous le revers de son costume d’alpaga noir. La cour de l’ambassade grouillait de voitures. Dont la « Continental » blindée amenée par avion de Washington… Si on leur en avait laissé le temps, le Secret Service aurait creusé un tunnel jusqu’à la résidence de l’émir.

Malko monta dans une des Chevrolet équipées du téléphone, conduite par un chauffeur de la sécurité koweïtienne, mises à la disposition de l’ambassade U.S. et se fit conduire au ministère de l’Intérieur.

* * *

Le sheikh Sharjah se leva pour venir serrer Malko dans ses bras. Il eut l’impression d’être étreint par une motte de beurre… En plus des deux Yéménites, le bureau grouillait de civils du Mahabet. Les téléphones sonnaient sans arrêt.

— Où étiez-vous passé ? demanda le Koweiti. Vous êtes bronzé !

— J’ai été faire une cure de repos, dit Malko. Vous avez retrouvé les Palestiniens ?

Les bons gros yeux de Sharjah prirent une expression chagrine.

— Non, mais ce n’est pas grave. Personne ne pourra pénétrer dans l’aérogare avec une arme. Nous fouillons tout le monde. Même les diplomates. C’est l’ordre de l’émir. Il m’a dit que je perdrais mon poste si quelque chose arrivait à Henry Kissinger qui est son hôte.

— Pas de nouvelles d’Abdul Zaki ?

Le visage du sheikh se tordit en une grimace malicieuse.

— Si, mais rien qui vous intéresse. Il y a eu un drame avec Winnie.

Malko dressa l’oreille.

— Avec Winnie ! Qu’est-il arrivé ?

Sharjah baissa la voix.

— Il paraît qu’elle l’a trompé avec un Saoudien et qu’il l’a appris. Cela s’est passé le lendemain de votre départ. Il l’a aux trois quarts tuée et, depuis, elle est enfermée dans son palais de la zone neutre. Je m’étais toujours dit qu’elle était trop belle pour appartenir à un seul homme.

Visiblement, le sheikh bedonnant regrettait de ne pas s’être mis sur les rangs. Sans remarquer l’inquiétude de Malko.

— Où est Abdul Zaki aujourd’hui ? demanda Malko.

— Je ne sais pas, pourquoi ?

Malko le regarda bien en face :

— Parce que ce n’est pas à cause d’un Saoudien qu’il a battu sa femme. Il faut le trouver. Coûte que coûte.

— Que voulez-vous dire ?

Malko comprit qu’il devait révéler une partie de la vérité au sheikh s’il voulait sa collaboration.

— Avant mon départ, la femme de Zaki m’a fait des révélations : il a dû l’apprendre et s’est vengé. Je veux être sûr qu’il ne prépare pas une mauvaise surprise. Sachant maintenant que nous avons contré ses plans.

— J’ai fait cerner l’aéroport par des chars, objecta Sharjah. Nous avons raccompagné à la frontière irakienne une cinquantaine d’activistes palestiniens. D’autres sont gardés à vue.

— C’est parfait, dit Malko. Mais je veux que l’on trouve Zaki et que vos hommes ne le lâchent plus d’une semelle.

— Très bien, admit Sharjah, nous allons aller chez lui.

Malko consulta sa montre : 11 heures et quart. Henry Kissinger arrivait cent trente-cinq minutes plus tard. Il faillit appeler Richard Green, puis se ravisa : il ne voulait pas affoler l’Américain inutilement. Winnie Zaki avait peut-être tenu sa langue.

* * *

Les mains jointes sur son estomac, cassé en deux, dégoulinant de respect, le majordome d’Abdul Zaki répondait avec un enthousiasme abject aux questions du sheikh Sharjah.

… Non, son maître n’était pas là… Il avait dit qu’il partait chasser au faucon dans le désert… Sa maîtresse se reposait dans la zone neutre… Non, il n’avait rien vu d’anormal… Son maître était parti à l’aube. Comme toujours lorsqu’il chassait… Avec sa Mercedes.