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Il n’y avait rien de plus à en tirer. Sharjah et Malko ressortirent du palais Zaki.

— Vous êtes rassuré ? demanda le sheikh. Étant donné ses opinions, cela ne m’étonne pas qu’il ait quitté la ville aujourd’hui. Sinon, il aurait été obligé d’assister à la réception de notre oncle l’émir.

Malko remonta dans la Buick.

— Je serai rassuré quand je saurai ce qu’il fait et où il est. Pouvez-vous trouver le numéro de téléphone de sa voiture ?

— Certainement.

— Alors, faites vite. Cela pourra éviter une très mauvaise surprise.

Ils repartirent vers le ministère de l’Intérieur. Tout en conduisant, Sharjah tapait frénétiquement sur ses touches, aboyant vers d’invisibles interlocuteurs, menaçant, cajolant, vitupérant, remerciant… Au moment où ils pénétraient dans la cour du ministère, son téléphone sonna. C’était le renseignement qu’il avait demandé.

— Que voulez-vous en faire ? demanda-t-il à Malko.

— Vous allez l’appeler. Lui dire que l’émir tient à ce qu’il assiste à la réception en l’honneur de Kissinger. S’il y va, il n’y a plus de problème. S’il se défile, il faudra qu’il dise où il se trouve.

Le sheikh Sharjah était déjà en train de promener son index boudiné sur ses touches. La sonnerie se déclencha. Sonna longtemps. Le sheikh écarta le récepteur de son oreille.

— Il ne répond pas.

— Essayez encore.

Sharjah recommença : sans plus de résultat. Il raccrocha et regarda Malko. Avec une certaine anxiété.

Malko réfléchissait. Que pouvait bien tenter un homme comme Zaki ? Soudain, une bribe d’information le concernant lui revint à l’esprit. Un souvenir qui lui fit froid dans le dos.

— Pouvez-vous avoir un hélicoptère rapidement ? demanda-t-il au Koweiti.

Sharjah le regarda avec surprise.

— Oui, sûrement. Pourquoi ?

— Je vous expliquerai.

Malko regarda sa montre. 11 h 40.

* * *

— Bon sang ! Qu’est-ce qu’il fait ?

Malko trépignait. Depuis vingt minutes, ils attendaient le pilote de l’hélicoptère, dans l’enceinte d’un petit camp militaire, à mi-chemin entre Koweit City et l’aéroport. Le plein était fait, le sheikh Sharjah et ses deux Yéménites ficelés sur la banquette arrière du Bell.

Midi 45. Il avait fallu plus longtemps que prévu pour obtenir un hélicoptère.

Une jeep entra en trombe dans l’enceinte. Un homme en combinaison de vol en sauta en voltige et se précipita vers l’hélicoptère. Un Égyptien aux yeux clairs.

Houspillé par le sheikh Sharjah, le pilote effectua son check-up à toute vitesse, et l’appareil s’arracha enfin au sol.

Vue d’en l’air, Koweit City n’était pas appétissante avec ses terrains vagues comme des taches lépreuses et les blocs de béton des maisons bourgeoises. Une brume ocre flottait sur la ville. L’hélicoptère fonça vers l’est. Ils arrivèrent au-dessus de l’aéroport, entrèrent en contact avec la tour de contrôle, signalant leur position.

— Où voulez-vous aller ? demanda le pilote.

— Suivez le prolongement de la piste d’atterrissage, dit Malko. Dans la direction où les appareils se posent. Le plus bas possible. Et pas trop vite.

Le pilote fit descendre la machine jusqu’à deux cents pieds et ils filèrent au-dessus du désert, parsemé de cabanes, de petites maisons, de rares bouquets de verdure.

Au bout de dix milles, Malko cria au pilote.

— Demi-tour. Montez un peu. Visez l’extrémité de la piste.

Ils continuèrent jusqu’à mi-chemin de la piste en ciment. Malko aperçut les chars et les véhicules militaires cernant l’aéroport. Ce n’était pas la peine d’aller si loin.

— Refaites le même itinéraire, dit-il au pilote. Et immobilisez-vous au-dessus de chaque construction située dans un rayon de cinq cents mètres autour de notre axe de vol.

— Mais qu’est-ce que vous cherchez donc ? hurla Sharjah.

— Abdul Zaki !

Le pilote commença à zigzaguer docilement. Le grondement de l’hélicoptère faisait sortir les gens de leurs cabanes en torchis. Malko commençait à se dire qu’il s’était trompé.

1 h 15 – Le « 707 » de Henry Kissinger arriverait dans un quart d’heure.

Ils arrivaient au-dessus d’une petite ferme, close de murs. Toujours rien. Par acquit de conscience, Malko se retourna. Et aperçut la forme d’une voiture, dissimulée sous un toit de chaume.

— Revenez, ordonna-t-il au pilote.

Ce dernier obéit. Le nez en avant, le Bell revint vers la construction en torchis, semblable à toutes celles qui parsemaient le désert. Il s’immobilisa juste au-dessus.

Pendant quelques secondes, il ne se passa rien. Malko se retourna :

— Regardez, c’est la Mercedes d’Abdul Zaki !

Le sheikh se pencha, jura en arabe.

— Mais qu’est-ce qu’il fait là ?

Des hommes surgirent dans la cour, en bas. Malko en vit un prendre un tube d’environ deux mètres de long dans la voiture, le placer sur un trépied.

— Éloignez-vous, hurla-t-il au pilote de l’hélicoptère.

La machine s’éleva diagonalement. Malko, le cœur dans les talons, ne quittait pas la ferme des yeux.

Il y eut une flamme claire et un nuage de poussière autour du trépied. On venait de tirer un missile sur eux, probablement un Sam 7 « strella ».

Malko sentit une sueur glacée couler dans son dos. Le sheikh Sharjah poussa un grognement étranglé.

Inexorablement, le missile invisible filait vers eux à quatre cents mètres seconde, propulsant une mortelle charge explosive, attiré par la chaleur du moteur de l’hélicoptère, grâce à son système de guidage par infrarouges.

Chapitre XIX

Le cerveau de Malko était bloqué sur cette Mort invisible qui venait vers eux. Tout semblait immobile : l’hélicoptère, la poussière qui retombait en bas, les passagers à l’intérieur du bulbe de plexiglas. Puis, tout se remit en marche. Un brutal vertige lui jeta le sang à la tête : l’hélicoptère tombait comme une pierre vers le sol.

Les deux Yéménites hurlèrent de terreur, essayant de se mettre debout, en dépit des ceintures de sécurité. Malko s’accrocha à la poignée devant lui. Le désert ocre montait vers eux avec une vitesse terrifiante. Au dernier moment, la turbine hurla, la chute sembla se ralentir, mais le choc fut terrifiant. L’hélicoptère rebondit à plusieurs mètres, retomba sur le côté, brisant une des pales de son rotor, bascula au creux d’une dépression caillouteuse. Attachés sur leurs durs sièges métalliques les passagers, ballottés, terrifiés, cognés dans tous les sens, étaient muets. Enfin, l’appareil s’immobilisa dans un énorme nuage de poussière ocre. Une odeur de kérosène et de brûlé piqua aussitôt les narines de Malko. Il y eut une petite explosion à l’arrière.

— Out ! hurla le pilote égyptien.

Malko poussa d’un coup d’épaule la porte de plexiglas qui se trouvait maintenant au-dessus de sa tête, se hissa dehors, tendit la main au sheikh Sharjah, empêtré dans sa longue dichdacha. Les deux Yéménites roulant des yeux terrifiés, se bousculèrent à travers l’étroite porte. Enfin le pilote s’arracha le dernier. Tous, plus ou moins contusionnés, mais pas sérieusement blessés. Ils s’éloignèrent en courant au moment où une grande flamme enveloppait le moteur et le centre de l’hélicoptère. Quelques secondes plus tard, le plexiglas explosa avec un bruit sec.

Instinctivement Malko se jeta à plat ventre dans les cailloux, imité par ses compagnons.

Une explosion beaucoup plus forte projeta une pluie de débris enflammés et un souffle brûlant balaya les cinq hommes : l’hélicoptère n’était plus qu’une boule de feu. Ils se hissèrent hors de la dépression, se regardèrent, étonnés d’être encore vivants. Plus aucune trace du missile. Le mécanisme d’autodestruction avait dû fonctionner au bout de quinze secondes. Pendant qu’ils tombaient.