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Le pilote leur avait sauvé la vie en se laissant tomber en auto-rotation. Lorsqu’il avait coupé sa turbine, il avait leurré le dispositif de guidage infrarouge du missile, car la chaleur émise par l’engin avait brusquement diminué. La perte d’altitude brutale de l’appareil l’avait mis également à l’abri de la fusée de proximité du Sam 7.

L’épaule cassée, l’Égyptien s’assit sur les cailloux avec une grimace de douleur. Un des Yéménites saignait de la bouche, les lèvres ouvertes. Un bruit dans le ciel fit lever la tête à Malko. Il poussa une exclamation et saisit Sharjah par le bras :

— Regardez !

Un point venait d’apparaître, encore assez haut dans le ciel, venant de l’ouest. Le Boeing « 707 » amenant Henry Kissinger. Dans quelques minutes, il allait se présenter à basse altitude et être à la portée des missiles d’Abdul Zaki.

Sharjah apostropha les Yéménites. L’un d’eux avait perdu sa mitraillette plaquée or dans le choc. Mais ils avaient encore leur cimeterre. Galvanisés, ils se mirent à courir à longues foulées souples vers la cabane d’où on avait tiré le missile, distante d’environ quatre cents mètres. Sharjah et Malko furent rapidement distancés.

Au moment où les deux Yéménites arrivaient à quelques mètres du bâtiment en torchis, une rafale d’arme automatique claqua. Le premier Yéménite tituba et tomba le visage en avant dans la poussière, lâchant sa mitraillette. Le second, uniquement armé de son cimeterre, s’aplatit sur les cailloux. Malko et le sheikh vinrent se coucher près de lui. Protégés par un petit repli de terrain, ils examinèrent le mur en torchis, et la porte de bois. Il faudrait au moins dix minutes aux renforts venant de l’aéroport pour parvenir jusqu’à eux. D’ici là, Zaki avait le temps d’abattre tranquillement le « 707 » lorsqu’il parviendrait au-dessus de la fermette.

— Il faut y aller, dit Malko.

Il rampa jusqu’au Yéménite mort, ramassa la mitraillette plaquée or, l’arma, se dressa et avança vers la ferme, courbé en deux. La porte de bois s’entrouvrit. Il eut le temps d’apercevoir le canon d’une arme. Aussitôt il arrosa la petite porte d’une courte rafale. Les lourdes baltes déchirèrent le bois. Son adversaire invisible riposta, mais gêné par son tir, ne put viser. Les balles s’éparpillèrent à sa gauche. Aussitôt, Malko bondit jusqu’à la porte, l’ouvrit d’un violent coup de pied, se jeta à l’intérieur. Avec un hurlement sauvage, le Yéménite survivant s’était rué à sa suite, cimeterre au poing.

Malko photographia la scène : installé dans la Mercedes décapotable, Abdul Zaki était en train de pointer vers le ciel un « Sam 7 ». Un pistolet-mitrailleur BRNO était posé sur le capot de la voiture.

Quelque chose bougea, à la droite de Malko. Il pivota, pressa sur la détente de la mitraillette et deux silhouettes rentrèrent précipitamment dans la ferme. Le sheikh Sharjah déboula à son tour et cria quelque chose.

Abdul Zaki tourna la tête vers les nouveaux arrivants, poussa un cri rauque. Malko vit quelque chose s’envoler de la Mercedes, foncer sur lui.

Le faucon !

L’oiseau de proie filait droit sur ses yeux. Pour les crever. Malko fit un moulinet avec son pistolet extraplat, se baissant. Le canon de l’arme frappa le faucon à la tête l’assommant à demi. Il voleta jusqu’au toit de la ferme, hésitant à attaquer à nouveau. Ceux qu’il poursuivait d’habitude ne se défendaient pas.

Sharjah hurla de nouveau et le Yéménite survivant, d’un bond prodigieux, sauta sur le capot de la Mercedes, Abdul Zaki lâcha précipitamment le Sam 7, attrapa le BRNO et lâcha une rafale, sans viser. Le Yéménite fût secoué par les impacts, tituba, se retint au pare-brise de la voiture. Malko crut qu’il allait tomber. Il levait déjà le pistolet extra-plat pour tirer sur Zaki quand le Yéménite se redressa d’un effort désespéré, tenant son cimeterre à deux mains. Déjà virtuellement mort.

D’un revers terrifiant, il abattit la lourde lame sur son adversaire.

Le cimeterre frappa Abdul Zaki horizontalement à la base du cou. Il n’eut même pas le temps de crier. Le cimeterre resta coincé entre sa tête et son torse, après lui avoir sectionné les carotides et pas mal d’autres choses utiles. Un flot de sang jaillit, inondant la Mercedes. Puis le Yéménite agonisant bascula sur l’homme qu’il venait de décapiter, l’écrasant contre le plancher de la voiture.

Un grondement puissant écrasa la ferme, Malko leva la tête. Juste à temps pour voir le dessous d’un Boeing « 707 », train sorti. Le souffle des réacteurs fit trembler le toit de chaume et s’envoler le faucon. Le sheikh Sharjah bondit jusqu’à la Mercedes, rafla le pistolet-mitrailleur BRNO et fonça vers la ferme en hurlant des imprécations et en tirant. Deux Arabes en costume européen se précipitèrent dehors les mains en l’air. Il les faucha d’une longue rafale jusqu’à ce que la culasse claque à vide. Alors il prit le pistolet-mitrailleur par le canon et fracassa la tête des mourants. Il se calma enfin et se tourna vers Malko, ses yeux globuleux encore plus saillants que d’habitude.

— Ces chiens ont trahi le pays qui les hébergeait !

Sa colère était sincère et terrifiante. Son regard s’adoucit devant le corps exsangue du Yéménite.

— Je vous avais dit, qu’ils se feraient tuer pour moi, dit-il doucement.

— Filons à l’aéroport, répliqua Malko. Dieu sait ce que Zaki a encore machiné. Prenons sa voiture.

Malko ouvrit la portière arrière et, surmontant son dégoût, tira dehors le corps du Yéménite, aidé par le sheikh Sharjah. Puis ils firent glisser à terre la dépouille d’Abdul Zaki. Dans le mouvement, la tête se détacha et resta au fond de la voiture.

Sans aucun dégoût, le sheikh Sharjah se pencha, la prit par les cheveux, l’éleva à la hauteur de son visage et cracha dans les yeux morts.

— Fils de truie engendré par deux hyènes !

Il jeta la tête sur le sol, près du corps. Malko et lui avaient l’air de bouchers sortant d’un abattoir. Ils essuyèrent tant bien que mal leurs mains au pantalon bouffant du Yéménite, et Malko se glissa derrière le volant. Le sheikh empoigna le téléphone. Mieux valait prévenir de leur arrivée, sinon, ils risquaient de se faire massacrer par les gorilles du « Secret Service »…

La piste partait vers le sud. Malko réalisa que cela signifiait un détour de plusieurs kilomètres s’il rejoignait la route goudronnée.

Il donna un brusque coup de volant pour sortir de la piste, fonçant vers l’extrémité du runway. Le sheikh Sharjah poussa un rugissement : l’écouteur du téléphone avait failli le priver de toutes ses dents en or. Déjà, la Mercedes roulait en plein désert, avalant les bosses, les cailloux, les déclivités. Il arriva trop vite sur un cassis, décolla, retomba, sentit les amortisseurs arrière lâcher. Cinquante mètres plus loin un pipe-line coupait le désert ! À trente centimètres du sol. Malko accéléra, les dents serrées, avec toute la puissance des trois cents chevaux à fond. Les mille six cents kilos de la Mercedes rompirent le pipe-line comme un fétu de paille.

Un geyser de liquide noir s’éleva derrière eux à vingt mètres de hauteur.

Le sheikh Sharjah éclata d’un rire de dément. Se détendant les nerfs.

Malko continua à rouler dans un vacarme effroyable. L’échappement avait été arraché à la sortie du moteur par le choc.

Heureusement, ils n’étaient plus qu’à trois ou quatre cents mètres de l’extrémité de la piste où venait de se poser le « 707 » transportant Henry Kissinger. Le moteur peinait, les cailloux jaillissaient, mais la Mercedes tenait bon. Malko faillit crier de joie en sentant le ciment du runway sous les roues de la voiture martyrisée. Une jeep militaire stationnée près d’une rampe de projecteurs démarra brusquement, venant droit sur eux. Malko voulut l’éviter, pour ne pas perdre de temps.