Выбрать главу

Là où personne ne risquait de les ouvrir.

La Japonaise se sentait parfaitement calme. Elle observait avec amusement les trois cabines de fouille, à la sortie de la salle de transit, qui ne désemplissaient pas. Tous les passagers étaient fouillés et il fallait se battre pour garder un cure-dent.

Pourtant Chino-Bu ne cessait de penser à Jambo. Que lui était-il arrivé ? Comment ceux qu’elle devait rencontrer allaient-ils la reconnaître ?

Elle vit soudain un homme franchir le contrôle de police, en montrant une carte. Les policiers le palpèrent pour s’assurer qu’il n’avait pas d’arme avant de le laisser pénétrer dans la salle de transit. Pas l’air d’un voyageur. Élégant. Assez âgé, une moustache, l’air d’un intellectuel. Il commença à parcourir la salle comme s’il cherchait quelqu’un. Chino-Bu était sur des charbons ardents.

L’homme à la moustache passa devant elle, hésita, alla jusqu’au bar, s’y accouda, commanda un café. Puis, se retourna, examinant de nouveau les passagers en transit.

Chino-Bu avait envie de hurler. D’interminables minutes s’écoulèrent.

Puis l’homme paya son café et, d’un pas tranquille vint s’asseoir sur la banquette défoncée à côté d’elle.

— Chino-Bu ?

Les lèvres de son voisin avaient si peu bougé que la Japonaise se demanda si c’était bien lui qui avait parlé. Mois il avait tourné imperceptiblement le visage vers elle. Aussitôt, elle esquissa le geste de se relever. La voix sèche l’arrêta. L’homme continuait à parler sans la regarder, une voix presque inaudible.

— Ne bougez pas. On nous surveille peut-être. Nous avions peur que vous ne soyez pas au rendez-vous. Vous n’avez pas eu de problème ?

Elle hésita.

— Si. Jambo est tombé malade au moment de partir. C’est pour cela que je suis seule.

— Malade !

Son voisin paraissait soulagé.

— Où est la valise ?

— De l’autre côté. Avant la douane.

— Comment est-elle ?

— Marron. Avec deux courroies. Et le signe de la paix dessiné en blanc.

— Bravo, dit-il. Je vous remercie au nom de mes camarades.

Chino-Bu eut un sourire de fierté. C’était comme un jeu abstrait. Elle n’arrivait pas à se dire que les armes contenues dans la valise allaient semer la mort dans quelques minutes, qu’elle allait assister à cette apothéose de massacre.

Le « 707 » de la K.A.C. à destination de Dubai, mit ses réacteurs en route et commença à rouler. Des véhicules militaires passaient de temps en temps devant la salle de transit L’inconnu se leva.

— Au revoir, Chino-Bu. Je vous verrai à Beyrouth.

Il n’attendit pas sa réponse et elle le vit s’éloigner par où il était venu.

Elle essaya de se vider le cerveau, de ne pas compter les minutes. Un peu plus tard, un grondement de réacteurs sur l’aire de stationnement lui fit lever la tête. Elle aperçut, roulant lentement sur une des bretelles de piste, un Boeing « 707 » avec sur sa dérive un drapeau américain : l’avion de Henry Kissinger.

Il n’avait plus qu’une trentaine de mètres à parcourir avant de s’arrêter devant l’aérogare.

Chino-Bu retint son souffle.

Que faisait le commando « Jérusalem » ? Elle se dit avec horreur qu’ils n’avaient peut-être pas pu franchir les barrages.

* * *

Richard Green eut l’impression que ses deux cent cinquante livres se transformaient d’un coup en gélatine. En tournant la tête, il venait de voir déboucher devant l’aérogare, à un kilomètre et demi d’eux, le Boeing « 707 » de l’US Air Force ! Là où il n’y avait pratiquement pas de surveillance !

— Nom de Dieu, qu’est-ce qui lui prend ! hurla l’Américain.

Les policiers et les soldats grouillaient autour de lui. Sans parler des gorilles du « Secret Service », nerveux et aux aguets. C’était Iwo Jima avant l’attaque finale. Le tapis rouge était bordé d’une haie d’armes automatiques. L’immense hangar des Koweït Airways disparaissait sous les mitrailleuses.

À part un chien errant, tout le monde était sous contrôle. Richard Green se tourna vers l’adjoint du sheikh Sharjah, l’homme qui avait organisé l’arrivée, un Koweiti au visage fin et sympathique.

— Faites quelque chose ! rugit-il. Qui lui a donné l’ordre d’aller là-bas ?

— C’est sûrement la tour de contrôle, balbutia le Koweiti.

— Appelez-la, nom de Dieu, qu’il fasse demi-tour en vitesse.

Le Koweiti se rua vers sa voiture et décrocha son téléphone, tapa fébrilement sur ses touches… Écouta, refit le numéro, fiévreusement, tourna un visage défait vers Richard Green.

— La tour de contrôle ne répond pas.

Il y eut une seconde de silence horrifié. Puis les deux cent cinquante livres de Richard Green se jetèrent dans une jeep, conduite par un Marine de l’ambassade.

— Fonce, dit l’Américain.

Trois agents du « Secret Service » montèrent en voltige à l’arrière.

Un des gorilles tira un poste émetteur de sous sa veste et alerta les renforts qui se trouvaient un peu partout sur l’aéroport.

Mais la plupart se trouvaient beaucoup trop loin pour intervenir efficacement. Sombrement, les dents serrées, Richard Green regardait le « 707 » maintenant presque arrêté. Il lui fallait au moins quatre minutes pour le rejoindre. Une éternité.

Qu’allait-il se passer ?

* * *

L’accélérateur à fond, la Mercedes négocia le virage de la bretelle menant devant l’aérogare. Le sheikh Sharjah continuait à s’égosiller en vain dans le téléphone. Il régnait une telle pagaille à l’aéroport que personne ne savait plus qui écouter. Il restait environ trois cents mètres à parcourir avant de rejoindre le « 707 ». Plusieurs véhicules fonçaient vers le gros appareil, venant de l’endroit où se tenait le gros des forces de sécurité.

Mais ils arriveraient bien après Malko.

* * *

— Ouvrez, cria une voix énergique. Ouvrez immédiatement !

Les trois contrôleurs se regardèrent, atterrés. Les deux Palestiniens continuaient à les tenir sous la menace de leurs armes. Le « 707 » venait de déboucher de la bretelle, juste en dessous de la tour, suivant fidèlement les instructions des Palestiniens.

La radio grésilla :

— Koweit-Tower. Ici November 720 Fox-Trott. Je quitte la fréquence. Terminé.

Il y eut un claquement dans le haut-parleur. Les « parkers » dont les casques-radio étaient réglés sur la fréquence de la tour, dirigeaient l’avion de Henry Kissinger sur le point Tango 3. Jusqu’à l’ouverture des portes, le « 707 » n’était plus relié à l’extérieur.

On secoua la porte de la tour de contrôle, furieusement.

Un des Palestiniens cria en arabe :

— Ici, le commando « Jérusalem ». Si vous enfoncez la porte, nous tuons les contrôleurs.

Quelqu’un se lança de toutes ses forces contre le battant de bois qui vibra et se fendit. Aussitôt, un des deux Palestiniens vociféra :

— Nous exécutons le premier otage !

Il prit un des contrôleurs par les cheveux, le força à se mettre à genoux, appuya le canon du pistolet-mitrailleur sur sa nuque et ordonna :

— Dis-leur ce que je te fais !

Terrorisé, le contrôleur hurla à se faire péter les poumons.

— Ne faites rien ! Il va me tuer ! Il va me tuer !

Sa voix tournait à l’hystérie. Les deux autres contrôleurs étaient blêmes. Le plus âgé essaya de parlementer.

— Écoutez, nous sommes des Arabes comme vous !

— Vous êtes des salauds et des lâches, répliqua le Palestinien. Vous devriez être en train de vous battre à nos côtés.