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Étendu sur son lit, il laissa son esprit divaguer.

Tout revenait à Stéphanie. Il se mit à penser à elle en des termes si précis que son ventre lui faisait mal. Comme si elle avait été la seule femme sur terre. Les fantasmes de son cerveau auraient fourni à des metteurs en scène scandinaves le sujet d’une bonne douzaine de films « modernes ».

Lorsque Otto se releva à minuit moins le quart, il était en plein délire érotique. Pris par ses rêves, il ne s’était pas demandé une seule fois ce que faisait Stéphanie avec le jeune Danois, tandis qu’il divaguait, solitaire.

Il ouvrit sa fenêtre, inspecta l’obscurité au-dessous de lui. Il se trouvait au premier étage, sur la façade de derrière donnant sur un petit jardin. À cette heure tardive pour Skagen, il ne risquait rien. Et c’était plus discret que de passer par l’entrée. Toujours à cause de Boris. Il se laissa glisser silencieusement, son sang-froid et ses qualités physiques retrouvés miraculeusement.

* * *

La nuit était très claire. Otto Wiegand ne croisa personne sur le chemin de l’annexe. Une douzaine de voitures appartenant à des clients étaient garées devant. Il contourna la façade et commença à compter les fenêtres. Stéphanie avait désigné la quatrième…

C’était la seule à être éclairée. Son estomac se tordit d’impatience et de joie. Il ne voyait plus que ce rectangle de lumière à quelques mètres de lui, sa Voie lactée, son Graal. Il trébucha et jura. Brusquement, il sentit une présence dans l’obscurité à côté de lui. Une ombre mouvante… Il n’eut pas le temps de crier. On lui asséna un coup violent sur la nuque et il plongea le nez en avant dans l’humus.

Lorsqu’il revint à lui, il était presque au même endroit. Il voulut bouger et s’aperçut qu’il était étroitement ligoté sur un lourd fauteuil de bois ressemblant à une chaise électrique. Un mouchoir enfoncé dans sa bouche, tenu par un foulard, l’empêchait de crier ou de parler fort. Le siège était placé exactement devant la quatrième fenêtre. La pièce était toujours éclairée et il en distinguait chaque détail. C’était une chambre presque comme la sienne, peu meublée, avec deux chaises et un grand lit, juste en face de la fenêtre.

Personne ne s’y trouvait. Une silhouette se pencha sur Otto et, dans la pénombre, il reconnut les cheveux neigeux de Boris Sevchenko.

— Mon cher camarade, fit le Russe d’une voix douce, vous avez tort de ne pas vous rendre à mes raisons. Ou vous reviendrez avec moi de votre plein gré, ou je vous ferai devenir fou.

— Salaud ! cracha Otto.

Il était trop hors de lui pour avoir peur. La seule chose qui comptait, c’est qu’il ne verrait pas Stéphanie.

La voix se fit encore plus douce :

— Pourquoi n’êtes-vous pas raisonnable ? Vous pourriez vivre heureux avec votre femme, sans souci, au lieu de vous exposer à ce genre d’expérience désagréable…

— Quelle expérience ?

Otto regardait le vide. Ça lui rappelait les interrogatoires. Il se retrouvait en pays de connaissance. Ni contracté, ni détendu, simplement prêt à tout.

Boris ne répondit pas à la question, mais demanda simplement :

— Acceptez-vous de revenir avec nous dès que possible ?

Après une longue hésitation, Otto secoua la tête. Il savait que c’était un piège, que de cette façon aussi il perdait Stéphanie.

— Bien, fit Boris, dans ce cas, je vous conseille de ne pas quitter la fenêtre de vue. Ce qui va se passer dans cette chambre va certainement vous intéresser.

Otto Wiegand se raidit. Il avait compris. Malgré lui, il fixa la chambre déserte brillamment éclairée. Son regard se vida de toute expression. Comme un athlète avant un effort physique considérable. Il se concentra sur les minutes qui allaient suivre. Ayant déjà été torturé, il savait que les pires tortures ont une fin. Mais cela, c’était nouveau.

La porte de la chambre s’ouvrit.

Stéphanie entra, suivie du grand Danois blond. Il referma aussitôt la porte sur eux et donna un tour de clé. Stéphanie attendait, debout au milieu de la pièce.

Avec sa robe de dentelle noire, ses longues jambes un peu fortes, son visage parfait, elle était l’incarnation même de la femelle. Le Danois vint vers elle et l’enlaça. Aussitôt elle se colla contre lui, passa ses bras autour de son cou et l’embrassa fougueusement. Puis, la bouche de l’homme glissa jusqu’au cou, mordillant l’oreille au passage, s’enfouit à la naissance de l’épaule.

Le visage renversé, vers la fenêtre, les yeux fermés, Stéphanie gémit.

Et soudain, Otto Wiegand poussa un grognement étouffé. Il l’avait entendue gémir ! Il réalisa qu’il avait aussi entendu la porte s’ouvrir, mais il n’avait pas prêté attention à ce bruit familier. Il baissa les yeux et vit un objet collé par du plastique au bras du fauteuil. Un petit poste récepteur. L’émetteur était dans la chambre… Boris était encore plus diabolique qu’il ne l’avait pensé…

Ivre de rage, Otto chercha à faire basculer le fauteuil en avant. Aussitôt, l’extrémité froide d’un canon de pistolet se vissa dans son oreille, le cran de mire l’écorchant au passage.

— Ne faites pas l’imbécile, Ossip Werhun. Sinon, je vous tire une balle dans la tête.

Otto respira profondément. Certes, il pouvait fermer les yeux mais Boris connaissait bien la nature humaine. L’Allemand ne perdait pas une miette de ce qui se passait à l’intérieur de la chambre.

Stéphanie s’était allongée sur le lit, sur le dos, la robe remontée à mi-cuisses. Le Danois passa timidement la main sur les bas gris fumée, puis l’embrassa à en perdre la respiration.

Elle le tira en arrière par les cheveux et demanda :

— Je te plais ?

— Oh ! oui.

Ils parlaient allemand tous les deux. Lui, avec un accent effroyable. Il semblait timide et emprunté. Ce n’est pas tous les jours qu’on rencontre à Skagen une fille comme Stéphanie… Elle l’attira contre lui et Otto vit ses hanches remuer contre celles du jeune homme.

Brusquement, Stéphanie s’écarta, se mit debout et en un clin d’oeil se débarrassa de sa robe. Soigneuse malgré tout… Otto se mordit les lèvres : ils avaient acheté à Leipzig, ensemble, les dessous noirs qu’elle portait.

Sous les doigts fébriles du jeune Danois, le soutien-gorge vola à travers la pièce.

Maintenant le jeune homme étreignait les deux seins de sa partenaire avec des grognements inarticulés, couvrant son cou et sa poitrine de baisers. Il s’interrompit pour tendre le bras vers le commutateur électrique.

Stéphanie arrêta son geste.

— Non, laisse la lumière, veux-tu. J’aime te voir.

Lui ne pouvait voir l’extérieur, évidemment. Le spectacle d’Otto sur son fauteuil lui aurait peut-être un peu gâché son plaisir…

Fouetté par tant de luxure, il reprit ses caresses avec un entrain décuplé. La main droite de Stéphanie glissa vers la ceinture de l’homme et commença à la défaire, à petits gestes précis.

Otto Wiegand poussa un gémissement. Il ne savait pas jusqu’où allait se prolonger ce spectacle. Il aurait voulu croire à un trucage, impossible. Mais la femme de l’autre côté de la fenêtre était sa femme. Sans aucun doute.

Le Danois était en train d’arracher le dernier rempart de la pudeur de Stéphanie. Elle cambra ses reins pour l’aider, secoua ses jambes pour s’en débarrasser.

Quand Otto vit de nouveau les longues cuisses auxquelles il rêvait depuis une semaine, il pensa devenir fou. Stéphanie s’était allongée tout contre l’homme, vêtue de son seul parfum. Il pouvait voir sa langue s’animer et explorer la bouche et le visage de l’homme. Il entendait ses grognements de plaisir. Il voyait les mains du Danois pétrir ses reins.