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— Il m’a encore fait attaquer aujourd’hui, bougonna Otto.

— Non. Il voulait seulement te débarrasser de ton prince. Cet homme est un démon. Il avait déjà préparé ton enlèvement…

Elle avait réponse à tout, la douce Stéphanie…

— C’est trop dangereux de revenir en Allemagne, dit quand même Otto.

Stéphanie sentit qu’elle était en terrain glissant et s’en tira par un brillant coq-à-l’âne.

— J’ai tellement envie de te voir, roucoula-t-elle. Que tu me serres dans tes bras…

L’instinct de conservation de l’Allemand fondit comme neige au soleil. Chaque mot de Stéphanie effaçait une vision horrible. Brutalement, il éprouva un désir forcené pour elle.

— Viens, demanda-t-il d’une voix étranglée.

— Pas à l’hôtel, souffla Stéphanie. Retrouvons-nous au restaurant. J’y suis déjà. Au Krog, dans Gammel-Strand, en face du Palais de Christianborg. Mais je t’en supplie, viens seul. Je veux te parler.

Otto hésita le quart d’une seconde. Si Stéphanie lui avait donné rendez-vous dans un lieu discret, il se serait méfié, mais un restaurant élégant, au coeur de Copenhague…

— J’arrive, mon amour, dit-il avant de raccrocher.

Tout doucement, il s’approcha de la porte de communication et la ferma à clé. Il passa sa veste et ouvrit celle de la chambre. Le couloir était désert. Et en plus, Malko avait oublié ses clés sur la porte de sa chambre.

Cela fit un bruit léger lorsque l’Allemand donna un tour de clé, avant de s’enfuir en courant. Par chance, un ascenseur arrivait. Il s’y engouffra.

* * *

Malko devina plutôt qu’il n’entendit le bruit du tour de clé. En vingt secondes, il eut vérifié qu’il était enfermé. Il appuya sur les trois boutons près de son lit, appelant la femme de chambre, le valet et le sommelier.

D’habitude, le service était ultra-rapide au Royal. À tel point que l’on se demandait si le personnel n’attendait pas derrière les portes, au garde-à-vous.

Cette fois, cela prit quand même trois minutes. Il eut le temps d’appeler Krisantem et les gorilles qui ne répondaient ni les uns ni les autres, avant que la clé ne tournât dans la serrure.

Devant la femme de chambre éberluée, il fonça à son tour vers l’ascenseur.

Bien entendu, Otto avait disparu. En bas, Malko s’adressa au portier. Ce dernier se souvenait parfaitement du gentleman allemand parti en taxi. Mais où ? Malko lui glissa un billet de vingt couronnes et l’autre se découvrit sur-le-champ l’intelligence d’Einstein.

— Le taxi va revenir, monsieur, expliqua-t-il. Il est toujours en station ici.

Malko se mit à faire les cent pas devant l’hôtel. Mais il attendit près de vingt minutes avant que le portier ne lui fît signe. Entre-temps, le taxi avait effectué une autre course.

Il y eut un bref dialogue en danois entre les deux hommes et le portier annonça :

— Il a conduit ce monsieur chez Krog. C’est un très bon restaurant.

— Nous allons chez Krog, annonça Malko en s’installant dans l’Opel.

Cinq minutes plus tard, il était arrivé. Le restaurant se trouvait sous un petit canal tranquille, le Gammel-Strand, entre un antiquaire et une galerie de tableaux, avec en face la masse sombre de Christianborg. Toutes les maisons avaient au moins un siècle.

Malko monta les quelques marches conduisant au Krog. En quelques secondes, il eut inspecté la salle vieillotte et pleine de charme. Des chandeliers brûlaient sur chaque table.

Mais ni Stéphanie, ni Otto, n’étaient là. Le maître d’hôtel s’approcha de lui. Malko expliqua qu’il cherchait des amis.

— Il y a encore quelques personnes en haut, annonça le Danois.

L’escalier était dissimulé derrière une tenture. Malko le grimpa quatre à quatre et s’arrêta sur le seuil de la seconde salle. À la première table, Otto, la main posée sur celle de Stéphanie, la regardait mort d’amour.

Deux tables plus loin, Boris dînait seul. Il y avait encore deux autres tables occupées.

Boris et Otto aperçurent Malko en même temps. Ce dernier crut que l’Allemand allait lui sauter à la gorge. Il dit quelque chose à Stéphanie qui se retourna et jeta un regard glacial à Malko.

Le Russe ne broncha pas, mais ses traits se durcirent imperceptiblement. Malko n’était pas le bienvenu. Il alla s’asseoir derrière Boris, comme si de rien n’était.

Ce soir, suprême habileté, Stéphanie était belle, mais pas agressive. Ses cheveux blonds relevés en chignon lui donnaient l’air hautain et distingué et son corps admirable était chastement escamoté par une robe de jersey de soie imprimée.

Lorsque le garçon lui apporta la carte, Malko lui donna le numéro de téléphone de Lise, en lui demandant de l’appeler pour qu’elle vienne le rejoindre de toute urgence.

Puis il commanda une truite fumée et un sorbet à l’orange. Momentanément il avait repris l’avantage.

La jeune Danoise arriva au moment où Malko finissait sans joie sa truite pourtant délicieuse. Sa robe bleue ultra courte ne sembla pas impressionner le maître d’hôtel. Malko lui résuma les événements.

Maintenant, ils étaient seuls avec leurs adversaires. Les deux couples de Danois ayant terminé.

Malko aurait donné la moitié de son aile nord – celle qui n’était pas restaurée – pour savoir ce que Stéphanie et Otto se disaient.

Dire que la CIA fabriquait de si jolis micros directionnels…

Lise, plongée dans la contemplation de la décoration murale – sabres et boucliers du siècle dernier – ne lui était pas d’un grand secours.

Près de vingt minutes se passèrent sans rien apporter de nouveau. Sauf un très court conciliabule Boris-Otto, du plus mauvais augure.

Il y eut soudain un bruit de chaises remuée et Malko leva les yeux des restes de son sorbet. Otto et Stéphanie se levaient. Stéphanie sortit la première. Malko avait repoussé sa chaise.

— Otto !

L’Allemand ne répondit pas. Il sortit de la pièce en claquant la porte derrière lui.

Le reste se passa en un clin d’oeil. Boris s’était dressé à son tour. Vif comme l’éclair, il décrocha un des sabres de la décoration murale et s’adossa à la porte. Malko se heurta à la pointe de l’arme et au sourire mauvais du Russe.

— Mon cher SAS, dit Boris, je détesterais vous embrocher de cette façon, aussi je vous conseille de rester tranquille, tandis que nos tourtereaux vont filer le parfait amour. Je vous préviens que j’ai suivi des cours d’escrime à l’Académie militaire de Leningrad.

Malko, sans répondre, fit un bond en arrière et saisit à son tour un sabre. Il fallait qu’il sorte de cette pièce. En ce moment, Stéphanie était en train d’entraîner Otto vers l’Est.

— Écartez-vous, ordonna-t-il à Boris, sinon, c’est moi qui vais vous embrocher…

Son seul atout : le Russe ignorait que lui aussi était un bon escrimeur. Sport qu’il avait pratiqué dès sa plus tendre enfance, comme tout Viennois de bonne famille.

— Tirez le premier, altesse, fit Boris avec une ironie glaciale.

Leurs armes étaient d’anciens sabres d’abordage, légers et courts, très maniables, un peu recourbés, avec une coquille très enveloppante.

Malko avança d’un pas et ils croisèrent leurs lames, la garde haute. Les lèvres minces de Boris se serrèrent un peu plus. En une fraction de seconde, il venait de sentir que Malko serait un redoutable adversaire.

Malko recula pour prendre une solide assise sur ses jambes, puis tâta son adversaire, cherchant à retrouver les finesses du jeu et les défauts de son vis-à-vis. Le crissement des lames s’entendait à peine. Boris avait bien mis à profit la situation. Discrets, les garçons ne les dérangeraient pas.