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— Je vous aurais cherchée, dit Chaney en souriant.

— Vous croyez que j’étais au Centre ?

— Sans l’ombre d’un doute ! Vous nous avez écrit un mot à chacun pour nous donner nos dernières instructions. Nous avons trouvé ce message au sous-sol, et j’ai reconnu votre écriture.

La jeune femme hésita.

— Avez-vous rencontré des preuves semblables établissant la présence au Centre d’une autre personne ?

Prudemment : — Non, votre message, et c’est tout. Pas le moindre indice à part ça.

— Pourquoi l’attitude du commandant Saltus a-t-elle changé ?

Chaney fixa la jeune femme, flairant un piège.

— Elle a changé ?

— Je suppose que vous l’avez remarqué.

— Peut-être. Je vois tout le monde sous un jour nouveau. Je me sens atteint de paranoïa ces jours-ci.

— Pourquoi votre attitude a-t-elle changé ?

— Tiens ? La mienne aussi ?

— Vous rusez avec moi, Brian.

— Je vous ai dit tout ce qu’il m’est possible de vous dire, Katrina.

Ses doigts entrecroisés s’agitaient nerveusement sur la table.

— Je discerne certaines restrictions mentales.

— Petite futée !

— Y a-t-il eu… une tragédie personnelle là-haut ? concernant l’un de nous ?

— Non, répondit Chaney promptement.

Il sourit à la jeune femme pour ôter à ce qu’il allait dire tout caractère blessant.

— Katrina, si vous voulez être sage, bien sage, vous allez cesser de me questionner. Je suis astreint à certaines restrictions mentales ; il est des questions auxquelles je suis décidé à ne pas répondre. Pourquoi ne pas en rester là ?

Elle le regarda, désappointée et déconcertée.

— Je veux partir, une fois notre enquête terminée. Je ferai tout ce qu’il faudra pour terminer le travail quand nous reviendrons de notre exploration, mais ensuite ne comptez plus sur moi. J’aimerais, si possible, retourner à l’Indic ; j’aimerais travailler à leur nouvelle étude, si l’on m’y autorise, mais je ne veux pas rester ici. Je n’ai plus rien à faire ici, Katrina.

Promptement : — Est-ce à cause d’une chose que vous avez apprise là-haut ? une chose qui vous éloigne d’ici, Brian ?

— Ah non, plus de questions !

— Vous allez me laisser dans cet état de curiosité insatisfaite ?

Chaney se leva et poussa son fauteuil vide contre la table.

— Tout vient à point à qui sait attendre. Et vous, Katrina, vous avez du temps devant vous. Deux ans à vivre encore, et vous connaîtrez les réponses à toutes vos questions. Je vous souhaite bonne chance, et je penserai souvent à vous dans mon réservoir à matière grise… si l’on me permet d’y retourner.

Un moment de silence, et puis :

— N’oubliez pas votre rendez-vous avec le docteur, M. Chaney.

— J’y vais.

— Dites à vos collègues de se trouver ici demain matin à dix heures pour recevoir les dernières instructions. Il s’agit d’analyser ces rapports. Le lancement est prévu pour après-demain.

— Allez-vous nous accompagner au sous-sol pour nous dire au revoir ?

— Non, Monsieur, je vous attendrai ici.

Commandant William Theodore Moresby

4 juillet 1999

Duma, prends garde

On me crie de Séir :

Sentinelle, où en est la nuit ?

Sentinelle, où en est la nuit ?

La sentinelle répond :

Vient le matin, puis reviendra la nuit.

Et si tu veux en savoir davantage

Reviens, reviens t’informer de nouveau.

Le premier livre d’Isaïe.

XII

Moresby était un homme méthodique.

La lumière rouge cessa de clignoter. Il leva la main pour libérer l’écoutille et la repoussa d’un geste vif. La lumière verte s’éteignit. Moresby saisit les deux barres d’appui et fit une traction pour se mettre sur son séant, sa tête et ses épaules dépassant de l’ouverture. Il était seul, comme prévu. L’air était frais et sentait l’ozone. Il se hissa hors du véhicule et se laissa glisser le long de sa paroi jusqu’au sol ; l’escabeau n’était pas là pour faciliter l’opération. Moresby se dressa pour refermer l’écoutille d’un coup sec, puis se dirigea rapidement vers le coffre à vêtements. Son costume y était pendu, tout comme ceux de Saltus et de Chaney, les attendant tous trois dans leurs fourreaux de papier. Il remarqua sur le coffre une mince couche de poussière. Une fois habillé, il passa la main sur l’uniforme de cérémonie de commandant d’aviation dont il avait fait choix pour cette expédition, afin d’en faire disparaître des faux plis imaginaires.

Moresby interrogea sa montre : 10 h 05. Il chercha des yeux le calendrier électrique et l’horloge fixés sur le mur pour vérifier la date – 4 juillet 1999 – et l’heure : 4 h 10, soit un écart de six heures avec l’heure du lancement. Température : 21°.

Moresby décida que l’horloge ne marchait pas ; il se fierait à sa montre. Son dernier acte, avant de quitter la salle, fut d’adresser un impeccable salut militaire aux lentilles jumelles des caméras de contrôle. Il pensait que les hommes l’observant de l’autre côté du mur apprécieraient ce geste.

Moresby suivit à grands pas, dans un silence sépulcral, le couloir qui menait à l’abri, soulevant une fine poussière sur son passage. Il ouvrit la porte de l’abri, ce qui déclencha l’allumage automatique des plafonniers. D’un regard circulaire il inspecta les lieux. Il n’y discernait aucun indice apparent d’une utilisation de l’abri au cours des dernières années ; les provisions étaient rangées avec autant d’ordre que lors de sa dernière visite. Moresby alluma une lampe à essence pour vérifier si elle fonctionnait encore bien après tout ce temps ; il observa sa lumière stable avec satisfaction, puis l’éteignit. On pouvait, somme toute, faire confiance à l’Intendance. Puis il eut l’idée d’ouvrir une bouteille d’eau pour en vérifier le goût. Il la trouva plutôt éventée, insipide. Mais il fallait s’y attendre si l’eau n’avait pas été remplacée au cours de l’année. Il jugea qu’il y avait là une négligence regrettable.

Trois cartons jaunes étaient sur l’établi – et c’était une nouveauté.

Il ouvrit le premier et y trouva un gilet pare-balles fait d’une texture de nylon qui lui était inconnue. La présence de pareils vêtements protecteurs était significative. Il enleva sa vareuse militaire le temps de revêtir le gilet, puis se mit à l’ouvrage.

Il choisit un magnétophone, y logea une cassette, en vérifia le fonctionnement, et enregistra en style militaire ses observations : l’escabeau manquait, le sous-sol s’était empoussiéré, l’eau n’avait pas été renouvelée, l’horloge avançait de 6 h 05 à son arrivée. Il ne fit sur ces observations aucun commentaire personnel. Il posa le magnétophone sur l’établi. Puis il choisit une radio, relia le raccord de l’antenne extérieure aux bornes du châssis et brancha l’appareil sur la prise la plus proche. Ayant placé le magnétophone à une distance convenable, il le mit en marche. Enfin il mit la radio en service et capta une fréquence militaire.

Une voix : … contournons l’angle nord-ouest vers le sud… dans votre direction. Force approximative du commando : douze à quinze hommes. Surveillez-les, caporal, ils transportent des mortiers. À vous, parlez.

Le bruit de la canonnade grondait en fond sonore.

Une voix : Roger. Il y a une brèche dans l’enceinte au nord-ouest… un salopard a essayé d’y faire entrer un camion. Il est encore en flammes, j’espère que ce sera une leçon pour eux. À vous, parlez.