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– Dire que je vous prenais pour un ami ! Je préfère encore rester ici...

– Ne soyez pas stupide, Anielka ! fit Aldo. Allez-vous-en ! Je n’augure rien de bon de ce qui m’attend et au moins vous serez avec votre frère.

– Ça, t’as bougrement raison ! s’exclama le gros Sam. Parc’ que si tu veux savoir, on va foutre l’ feu à la cabane avant d’se tirer !

Le hurlement terrifié de la jeune femme couvrit la protestation d’Ulrich reprochant à son acolyte d’avoir la langue trop longue, puis s’arrêta net : le géant venait de la frapper brutalement et elle s’écroula tandis qu’il commençait à la ficeler. Cette fois, Ulrich approuva :

– C’est aussi bien comme ça ! Elle commençait à faire trop de bruit. Quant au gamin, s’il nous embête trop, on s’en débarrassera aussi ! Au moins on gardera tout !

– Vous êtes vraiment de fiers misérables ! jeta Morosini indigné. Emmenez-la donc ! Sa mort ne vous rapportera que de très gros ennuis...

Penché sur le corps de la jeune femme, Sam marquait un instant d’hésitation quand il s’écroula avec un cri, atteint dans le dos par la balle que venait de tirer Ferrais. Le baron pénétrait à cet instant dans la pièce, un Colt à chaque poing. Ulrich, furieux, fit feu à son tour mais l’une des deux gueules noires cracha, lui arrachant son propre pistolet avec une précision diabolique.

– On dirait que vous savez vous en servir ? commenta Morosini qui n’avait jamais été aussi content de voir cet homme qu’il n’aimait pas. D’où sortez-vous donc, sir Eric ?

– De ma voiture. Je suis venu avec vous sans que vous vous en doutiez...

– Je vois ! J’aurais dû vous laisser vous débrouiller seul !... En attendant, sortez votre femme de là ! Elle va étouffer sous ce poids...

Sans quitter de l’œil Ulrich que sa main brisée faisait gémir, Ferrais s’efforça de faire basculer à coups de pied le corps de Sam, mais l’Américain était lourd et la jeune femme sans connaissance. Posant alors une de ses armes, il se pencha pour empoigner l’énorme carcasse et la tirer en arrière quand Morosini, qui suivait la manœuvre avec impatience, l’avertit :

– Attention ! La porte !

Une silhouette s’encadrait dans le chambranle : celle de Gus, l’homme des faubourgs. Il était armé d’un couteau qu’il lança avec une rapidité dénotant une longue habitude, et qui manqua sir Eric d’un cheveu avant d’aller se planter dans le parquet. L’Anglais tira à son tour mais cette fois rata une cible qui venait de disparaître. En même temps, une voix bien connue criait :

– Cessez le feu ! C’est moi, Vidal-Pellicorne ! Il était méconnaissable parce que noir de la tête

aux pieds : vêtements, casquette à pont enfoncée jusqu’aux yeux et visage passé à la suie, le parfait ramoneur ! Sous son bras, l’archéologue traînait le corps de Gus qu’il venait d’assommer et qu’il laissa tomber à terre, quand il s’aperçut que, maîtrisant sa souffrance, Ulrich tentait de s’approcher de son arme partie sous un fauteuil. Il s’en empara, la mit dans sa poche après avoir assené au personnage un coup de crosse suffisant pour l’envoyer au pays des rêves en attendant qu’on l’attache.

– La police ne devrait pas tarder ! déclara-t-il en allant ramasser le couteau dont il se servit pour couper les liens d’Aldo. Mon compagnon de route est allé la prévenir dès que nous avons repéré la maison. Mais par quel miracle êtes-vous là, sir Eric ?

– Pas de miracle. Lorsque j’ai commandé la Rolls qui a amené le prince, j’ai indiqué à l’usine un aménagement spécial : il s’agissait de pratiquer, sous la banquette arrière, une cache où un homme de taille moyenne puisse se tenir couché et respirer grâce à des aérations soigneusement dissimulées. Cette disposition m’a déjà rendu de grands services et j’ai été tout à fait ravi quand ces imbéciles ont exigé cette voiture-là. Je suis donc venu à l’insu du prince Morosini. Ce dont je lui demande infiniment pardon... Mais au fait, et vous, Vidal ? Comment se fait-il que vous soyez ici et qui est ce compagnon dont vous venez de parler ?

– Un charmant garçon, sportif, que je dois à Mme de Sommières. Elle était fort tourmentée de savoir un neveu qu’elle aime embringué dans une histoire inquiétante...

– ... et elle a prévenu la police au risque de faire tuer ma chère épouse ? s’écria sir Eric.

– Pas du tout ! Elle s’est contentée d’en toucher un mot à un vieil ami à elle, le commissaire Langevin, aujourd’hui en retraite, en lui faisant jurer de ne pas avertir les autorités : elle voulait seulement un conseil !... Accordez-moi un instant, ajouta-t-il en s’escrimant sur les menottes qui retenaient encore Aldo à son siège, je voudrais bien trouver la clef de ça !

– Cherchez dans la poche du cadavre ! renseigna Morosini.

– Merci !... Où en étais-je ? ... Ah oui, M. Langevin a donné mieux qu’un avis : le fils d’un de ses amis qui désire entrer dans la police et qui se trouve être un grand sportif, particulièrement à vélo. En ce qui me concerne, je ne me débrouille pas trop mal non plus dans cette discipline et, quand nous avons su le lieu et l’heure du rendez-vous, nous nous sommes équipés en conséquence et nous sommes allés nous cacher dans les buissons de l’avenue du Bois-de-Boulogne. Quand la voiture est repartie, nous l’avons suivie, tous feux éteints, en prenant soin de rester sur les côtés de la route...

– Suivre une voiture de cette qualité, c’était de la folie ! dit sir Eric. Elle peut aller très vite !

– Vaut mieux pas quand on n’a pas l’habitude de la conduire. Une fois ici – au fait, nous sommes au Vésinet que je connais fort bien – le jeune Guichard, dûment muni d’un mot du commissaire

Langevin, est parti à la recherche du poste de police, malheureusement un peu éloigné, pendant que je me mettais en quête d’un moyen de pénétrer dans la maison. Votre fenêtre ouverte, mon cher Aldo, a été un trait de génie, même si vous n’en avez rien fait. Moi, elle m’a été fort utile !...

– Allons, tant mieux ! grogna l’interpellé, mais j’en ai autant à votre service qu’à celui de sir Eric : pourquoi ne m’avoir pas prévenu ?

– Votre côté chevaleresque, mon cher ! Même un policier en retraite vous aurait fait pousser les hauts cris. Vous auriez été capable d’exiger qu’on vous laisse agir seul...

– C’est possible ! concéda Aldo de mauvaise grâce. Mais puisque vous connaissez si bien l’endroit, vous devriez essayer de trouver une aide quelconque, un médecin par exemple ! Lady Ferrais – Dieu que le nom avait du mal à passer ! – n’a pas l’air bien, ajouta-t-il en massant ses poignets endoloris. En attendant, j’ai quelque chose à faire.

Sans s’expliquer davantage, il prit l’une des armes de sir Eric et s’élança au-dehors : il ne voulait laisser à personne le soin de capturer Sigismond qui était sans doute encore dans la voiture. Le coup de poing qu’il lui avait administré tout à l’heure avait un goût de trop peu et il rêvait de le compléter avec une solide correction, mais quand il fut devant la maison, il fallut bien se rendre à l’évidence : il n’y avait personne.

Rien non plus autour de la bâtisse. Le beau

Sigismond avait filé avec la Rolls, qu’il devait considérer comme sienne, en abandonnant sa sœur à son destin. Et Aldo maudit le trop grand talent des constructeurs anglais : pendant l’échange de coups de feu, le silencieux « sir Henry » s’était fait le complice du jeune misérable.

Lorsque Morosini regagna le salon, il vit qu’Ulrich, sommairement pansé, et Gus étaient ligotés et que, sur le canapé, Anielka revenait à la conscience sous l’œil attentif de celui qu’elle voulait fuir et qui lui parlait tout bas en serrant ses mains entre les siennes. À l’écart, Adalbert, debout près de la table, faisait jouer des reflets dans les profondeurs du faux saphir. Il eut pour son ami un clin d’œil significatif et demanda :