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Il y eut un long silence.

— Miller ? dit Naomi. Vous savez qui est Fred, n’est-ce pas ?

— Le porte-parole de l’APE sur Tycho. Ce qui ne m’impressionne pas outre mesure.

— C’est Fred Johnson, dit Holden.

Les sourcils de Fred s’élevèrent d’un millimètre de plus. Miller fronça les siens et croisa les bras.

— Le colonel Frederick Lucius Johnson, précisa Naomi.

D’incrédulité, Miller cligna plusieurs fois des yeux.

— Le Boucher de la station Anderson ? souffla-t-il.

— Lui-même, dit Fred. J’ai parlé avec le conseil central de l’APE. J’ai un cargo en approche, avec à son bord assez de troupes pour sécuriser la station. Le soutien aérien sera assuré par un corvette/torpilleur dernier cri.

— Le Rossi ? risqua Miller.

— Le Rossinante, confirma Fred. Et bien que vous soyez en droit de ne pas le croire, il se trouve que je sais très bien ce que je fais.

Miller regarda la pointe de ses chaussures, puis se tourna vers Holden.

— Ce Fred Johnson-là ? dit-il.

— Je pensais que vous étiez au courant, répondit le Terrien.

— Eh bien, maintenant j’ai l’impression d’être l’abruti de service.

— Ça vous passera, affirma le colonel. D’autres exigences ?

— Non, dit Miller, puis : Si. Je veux participer à l’assaut au sol. Quand nous prendrons la station, je veux en être.

— Vous en êtes bien certain ? “Investir une station entière n’est pas une partie de plaisir, ni un jeu”. Qu’est-ce qui vous fait penser que vous avez ce qu’il faut pour participer à ce genre d’opération ?

Miller haussa les épaules.

— Ce qu’il faut, c’est avoir les coordonnées de l’objectif. Et je les ai.

Fred éclata de rire.

— Monsieur Miller, si vous souhaitez attaquer cette station et risquer de vous faire tuer avec nous par ce qui nous attend à l’intérieur, je ne vous en empêcherai pas.

— Merci.

Il sortit son terminal et transmit les coordonnées décryptées à Fred.

— Voilà. Ma source est sûre, mais il n’a pas les infos de première main. Une confirmation est donc impérative avant de passer à l’action.

— Je ne suis pas un amateur, lâcha le colonel Johnson en lisant le fichier.

Miller salua, réajusta son feutre et sortit de la pièce. Naomi et Holden l’imitèrent. Quand ils furent dans la grande allée publique, Miller accrocha le regard du Terrien.

— Je croyais vraiment que vous saviez, dit Holden.

* * *

Huit jours plus tard, le message leur parvint. Le cargo Guy Molinari était arrivé, bondé de soldats de l’APE. Les coordonnées transmises par Havelock avaient été vérifiées. Il y avait bien une installation là-bas, et elle collectait le flux de données envoyé par faisceau de ciblage depuis Éros. Si Miller voulait faire partie de l’aventure, il était temps pour lui de bouger.

Il était assis dans sa cabine à bord du Rossinante, pour ce qui était certainement la dernière fois. Il se rendit compte avec un peu de tristesse et d’étonnement mêlés que cet endroit allait lui manquer. Malgré tous ses défauts et tout ce qu’il était en droit de lui reprocher, Holden était un type bien. Dépassé par la situation et seulement à moitié conscient de cet état de fait, mais Miller aurait pu citer bon nombre de personnes dans le même cas de figure. Il allait aussi regretter l’étrange accent traînant d’Alex, et la grossièreté tranquille d’Amos. Et il allait se demander si et comment Naomi clarifierait ses rapports avec son capitaine.

Ce départ lui rappelait certaines choses qu’il savait déjà : il ignorait ce que le futur proche lui réservait, il n’avait pas beaucoup d’argent, et même s’il était certain de revenir de la station Thoth, où il irait ensuite et par quel moyen relèverait de l’improvisation. Peut-être trouverait-il à se faire embaucher sur un autre vaisseau. Peut-être devrait-il signer un contrat et économiser pour couvrir ses nouvelles dépenses de santé.

Il vérifia le chargeur de son arme. Fourra ses maigres effets dans le petit sac à dos usé qu’il avait pris sur le transport venu de Cérès. Tout ce qu’il possédait y entrait sans problème.

Il éteignit les lumières et parcourut la petite coursive menant à l’échelle-ascenseur. En passant devant l’entrée de la coquerie, il vit à l’intérieur un Holden manifestement très nerveux. L’angoisse que générait l’idée des combats à venir se lisait déjà au coin de ses yeux.

— Eh bien, dit Miller, c’est parti, hein ?

— Ouais, fit le Terrien.

— Ça a été un sacré voyage. Je n’irai pas jusqu’à dire qu’il a toujours été agréable, mais…

— Ouais.

— Saluez les autres de ma part, vous voulez bien ?

— Je n’y manquerai pas, dit Holden.

Alors que Miller allait repartir vers l’ascenseur, il ajouta :

— En supposant que nous en réchappions tous, où nous retrouverons-nous ?

Miller se figea.

— Je ne comprends pas, avoua-t-il.

— Ouais, je sais. Écoutez, j’ai confiance en Fred, sinon je ne serais pas venu ici. Je pense que c’est un homme d’honneur, et qu’il fera ce qui convient. Mais ça ne veut pas dire que j’ai confiance dans tout l’APE. Après cette opération, je veux que tout l’équipage se regroupe. Juste au cas où il nous faudrait filer en vitesse.

Quelque chose de douloureux se produisit sous le sternum de Miller. Pas une simple douleur, mais une souffrance soudaine. Il avait l’impression que sa gorge s’était épaissie. Il toussota pour la dégager.

— Dès que nous aurons sécurisé l’objectif, je vous contacterai, promit-il.

— D’accord, mais ne tardez pas trop. Si la station Thoth comporte encore un bordel en état après sa prise, j’aurai besoin d’aide pour en extraire Amos.

Miller ouvrit la bouche, la referma, fit une nouvelle tentative.

— Bien reçu, capitaine, dit-il en se forçant à adopter un ton léger.

— Soyez prudent.

Il débarqua, et marqua une pause dans le passage entre le vaisseau et la station, jusqu’à ce qu’il soit sûr qu’il avait cessé de pleurer. Puis il se dirigea vers le cargo, et l’assaut qui l’attendait.

39

Holden

Le Rossinante fonçait dans l’espace comme un objet sans vie, en tournant sur ses trois axes. Avec son réacteur éteint et tout l’air expulsé de l’intérieur, il ne dégageait ni chaleur ni bruit électromagnétique. Hormis la vitesse à laquelle il se ruait vers la station Thoth et qui était bien supérieure à celle d’une balle de fusil, le vaisseau était impossible à distinguer des rochers dans la Ceinture. Environ un quart de million de kilomètres derrière lui, le Guy Molinari hurlait l’innocence du Rossi à qui voulait bien l’entendre, et il réglait ses moteurs pour entamer une longue et lente décélération.

La radio étant éteinte, Holden ne pouvait percevoir ce qu’ils disaient, mais il avait contribué à la rédaction du message, et le texte résonnait dans son esprit. Attention ! Une explosion accidentelle à bord du cargo Guy Molinari a détaché un conteneur de grande taille. Avertissement à tous les vaisseaux sur sa trajectoire : ce conteneur se déplace à grande vitesse et sans aucun contrôle indépendant. Attention !