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Ils avaient un empire galactique à l’époque où les hommes vivaient encore dans des cavernes. Puis ils menèrent durant des millénaires une guerre contre une race aujourd’hui disparue, les Bahuliens, et cette guerre sapa leur énergie, épuisa leur industrie et décima leurs rangs. Ils abandonnèrent alors leurs avant-postes en se repliant peu à peu jusqu’au petit système de mondes qu’ils habitent de nos jours. Leur monde d’origine, qui s’appelait aussi Megapei, a été détruit par les Bahuliens qui étaient selon toutes les sources d’affreux barbares féroces et dépravés. Bien sûr, toutes ces sources sont de provenance pei’enne, aussi ne saurons-nous jamais ce qu’étaient réellement les Bahuliens. En tout cas, ils n’étaient pas strantriens, car j’ai lu quelque part que c’étaient des idolâtres.

À l’autre bout de la chapelle, un homme a entonné une litanie que je reconnaissais mieux que toute autre. J’ai soudain levé la tête pour voir si la chose s’était produite.

Elle s’était bien produite.

La plaque de glassite représentant Shimbo de l’Arbre Noir, le Semeur de Tonnerre, brillait maintenant d’un éclat jaune et vert.

Certaines de leurs divinités sont, pour forger un terme, pei’apomorphiques, tandis que d’autres, comme celles des Égyptiens, ressemblent à des croisements entre les Pei’ens et le genre de créatures qu’on trouve dans un zoo. Et d’autres encore ont simplement un aspect bizarre. À un moment quelconque de leur Histoire, ils ont sûrement visité la Terre, car Shimbo a l’apparence d’un homme. Pourquoi une race intelligente peut-elle éprouver le besoin de faire d’un sauvage un dieu, c’est une question qui me dépasse ; en tout cas il est là, nu, le teint légèrement vert, le visage caché en partie par son bras gauche levé qui brandit un nuage de tonnerre dans un ciel jaune. À la main droite, il porte un arc de grande taille et un carquois d’éclairs pend le long de sa hanche.

Bientôt les six Pei’ens et les huit humains chantaient tous la même litanie. D’autres personnes entraient et la chapelle commençait à se remplir.

Un grand sentiment de lumière et de puissance naissait dans ma section médiane et se répandait jusqu’à envahir mon corps tout entier.

Je ne comprends pas la cause du phénomène, mais chaque fois que je pénètre dans un sanctuaire pei’en, Shimbo se met à briller ainsi, et la puissance et l’extase se communiquent toujours à moi. Après avoir achevé l’entraînement de trente ans et l’apprentissage de vingt ans qui m’ont conduit au métier d’où j’ai tiré ma fortune, j’étais le seul Terrien dans cette branche. Les autres faiseurs de mondes sont tous des Pei’ens. Chacun de nous porte un Nom – celui d’une divinité pei’enne – et ceci nous aide dans notre travail, d’une façon unique et complexe. J’ai choisi Shimbo – ou il m’a choisi – parce qu’il avait l’air d’un homme. Aussi longtemps que je vivrai, la croyance admet qu’il se manifestera dans l’univers physique. Quand je mourrai, il retournera au néant bienheureux, jusqu’au jour où un autre pourra porter le Nom. Chaque fois qu’un porteur de Nom pénètre dans un sanctuaire pei’en, la divinité qui en est l’émanation s’illumine là où elle se trouve – et ceci dans tous les sanctuaires de la galaxie. Je ne comprends pas quel lien s’établit. Les Pei’ens non plus, à vrai dire.

Je pensais que Shimbo m’avait depuis longtemps délaissé, à cause de ce que j’avais fait de la puissance et de ma vie. Je m’étais rendu ici, je suppose, pour le vérifier.

Je me suis levé et me suis dirigé vers la sortie. En passant sous l’arche, je ressentais un irrésistible désir de lever la main gauche. J’ai serré le poing et l’ai ramené au niveau de mon épaule. Au même instant, un coup de tonnerre a résonné presque au-dessus de moi.

Shimbo continuait de briller et la litanie de retentir dans ma tête. J’ai monté l’escalier et me suis retrouvé dans le monde extérieur où une pluie légère s’était mise à tomber.

2

Glidden et moi avions rendez-vous au bureau de DuBois à 6 h 30, et le marché fut conclu à cinquante-six mille. DuBois était un petit homme au visage tanné avec une longue tignasse de cheveux blancs. Il avait laissé son bureau ouvert à cette heure tardive en raison de mon insistance pour traiter l’après-midi même. L’argent fut versé, les papiers signés, les clés me furent remises et on se serra la main en prenant congé.

Dehors, comme nous marchions vers nos véhicules respectifs, je me suis exclamé :

— Zut ! J’ai laissé mon stylo sur votre bureau, DuBois !

— Je vous le ferai envoyer. Vous restez au Spectrum ?

— Non, je ne vais pas tarder à en partir.

— Je peux l’envoyer rue Nuage.

J’ai secoué la tête :

— J’en ai besoin ce soir.

Il me tendait le sien :

— Tenez, prenez celui-ci.

À ce moment, Glidden était monté dans son véhicule et ne pouvait nous entendre. Après un dernier signe à son intention, j’ai repris :

— C’était un prétexte pour rester seul avec vous. Je désire vous parler en particulier.

Dans ses yeux noirs, le dégoût naissant a fait place à de la curiosité.

— Entendu, a-t-il déclaré.

Nous avons regagné son bureau.

— Qu’est-ce qui se passe ? a-t-il demandé en se rasseyant.

— Je cherche Ruth Laris.

Il allumait une cigarette, moyen classique de gagner un petit temps de réflexion :

— Pourquoi ?

— C’est une vieille amie à moi. Savez-vous où elle est ?

— Non.

— C’est un peu… inhabituel, non, de gérer les affaires d’une personne qu’on ne sait même pas comment joindre ?

— Si vous voulez. Mais c’était entendu ainsi quand on a sollicité mes services.

— C’était Ruth Laris ?

— Que voulez-vous dire ?

— C’est elle personnellement qui est venue vous trouver, ou quelqu’un d’autre qui agissait en son nom ?

— Je ne vois pas en quoi ceci vous regarde, Mr Conner. Je crois que je vais mettre fin à cet entretien.

Après une seconde de réflexion, je me suis décidé :

— Auparavant je tiens à ce que vous sachiez que mon seul but en achetant cette maison est de trouver des indices m’indiquant où elle se trouve. Ensuite je céderai à un caprice et la transformerai en hacienda, car je n’aime pas l’architecture de cette ville. Qu’est-ce que vous en pensez ?

— Que vous êtes un fou, a-t-il observé.

J’ai hoché la tête :

— Un fou qui peut se payer ses caprices. Donc un fou qui peut causer beaucoup d’ennuis. Combien coûte cet immeuble commercial où nous sommes ? Deux millions de dollars ?