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Malko revit la scène. Se doutait-elle qu’il avait été le premier à découvrir Chalo ?

— Vous n’avez pas été surprise de ce suicide ? insista-t-il.

Elle secoua la tête.

— Si, bien sûr ! Mais on ne connaît jamais complètement les gens. Chalo était souvent déprimé. Il se plaignait de sa santé. Peut-être a-t-il…

Elle laissa sa phrase en suspens. Malko but une gorgée de son mélange, avant de se jeter à l’eau. Tania attendait. En apparence, indifférente.

— Savez-vous pourquoi je suis venu vous voir ? demanda-t-il soudain.

La jeune femme soutint son regard.

— Oui, pour mes tableaux, vous m’avez dit. Mais ceux que je préfère sont chez Chalo.

Son innocence semblait un peu forcée. Ou Malko se trompait, totalement, ou c’était une comédienne consommée…

— Je ne vous ai pas dit la vérité, annonça-t-il. Je suis venu pour quelque chose de plus important. Oui, peut-être en rapport avec la mort de Chalo.

Tania eut une mine incrédule.

— Que… comment cela ?

— Chalo ne s’est peut-être pas suicidé.

Tania pâlit, puis baissa les yeux très vite.

— Mais, c’est impossible. Voyons. Il était sur le lit, avec le gaz. Je l’ai vu.

Malko chercha son regard.

— Vous qui le connaissiez, ce suicide ne vous a pas étonné ?

Elle garda le silence avant de répondre d’une voix embarrassée :

— Si, mais…

— On ne se suicide pas lorsqu’on s’apprête à dîner avec une jolie femme, dit Malko. Je pense que Chalo est mort pour une raison très précise. En rapport avec la visite que je vous rends aujourd’hui.

Tania releva brusquement la tête.

— Que voulez-vous dire ?

Son menton tremblait légèrement.

Chapitre V

Malko observa les traits brusquement tendus de la jeune femme et dit lentement :

— Je suis venu au Chili pour essayer de sauver un ami de Chalo, Carlos Geranios. Je crains qu’on ait voulu m’en empêcher. En tuant Chalo. Je ne sais pas encore pourquoi.

Tania demeura silencieuse, jouant distraitement avec son verre, le regard totalement impénétrable. Puis elle demanda d’une voix froide, contrastant avec l’émotion qu’elle avait montrée jusqu’alors :

— Je ne comprends pas ce que vous dites. Chalo n’a pas été assassiné, il s’est suicidé. Je l’ai vu. Et je ne sais pas pourquoi vous me mêlez à tout cela. C’est extrêmement déplaisant.

Son indignation était véhémente, mais manquait totalement de sincérité. Malko ne se laissa pas démonter.

— Chalo devait me présenter à quelqu’un qui sait où se trouve un certain Carlos Geranios, dit-il. J’ai toutes les raisons de croire que c’était vous.

Tania se leva, comme prête à le mettre dehors.

— Qui êtes-vous ? Pourquoi cherchez-vous la personne dont vous avez dit le nom ?

De nouveau, il eut l’impression d’avoir à faire à une femme de tête parfaitement maîtresse d’elle-même. Il décida de dire la vérité. C’était encore la meilleure solution.

— Je suis un agent de la Central Intelligence Agency, avoua-t-il. On m’a demandé de faire sortir du pays Geranios qui a rendu de grands services au gouvernement américain durant la grève des camionneurs. Il paraît que la D. I. N. A. le recherche, qu’il est en danger de mort. Et que vous êtes une des seules personnes capables de me mener à lui… C’est pour cela que je suis ici. Puisque Chalo est mort.

Il se tut. Tania l’observait avec une intensité incroyable sans dire un mot. Une lueur dans le regard qui lui parut être un mélange de haine et d’incrédulité. De nouveau sa poitrine se soulevait de façon désordonnée. Comme si elle avait du mal à se maîtriser. Il eut l’intuition fulgurante qu’elle allait parler, lui apprendre quelque chose, se dégeler. Mais elle dit seulement d’une voix égale :

— Je crois que vous faite complètement fausse route. Je ne comprends rien à ce que vous me dites. Je ne connais même pas le nom de Geranios. Malko insista ;

— Écoutez, je ne vous mens pas. Le chef de poste de la C. I. A. à Santiago m’a demandé de faire l’impossible pour faire sortir Geranios du pays. Afin qu’il échappe à la D. I. N. A.

Elle secoua la tête.

— Je suis désolée. Je ne suis pas au courant de tout cela. Maintenant, j’ai des courses à faire.

C’était une façon polie de le mettre à la porte. Il y eut tout à coup un coup de sonnette. Tania frémit comme si le courant électrique l’avait traversée. De nouveau, la peur affleura son visage. Elle eut un bref coup d’œil sur Malko, se reprit et dit :

— Excusez-moi.

Elle sortit du salon, refermant soigneusement la porte derrière elle. Malko attendit. Pas plus de cinq minutes. Elle revint, le visage impénétrable.

— Je dois aller en ville, dit-elle. Vous êtes en voiture ?

— Certainement, dit Malko. Je peux vous déposer où vous voulez.

Elle inclina la tête et le précéda dans le petit hall puis le fit sortir le premier. La calle Carrera était toujours aussi calme. Tania regarda autour d’elle comme si elle s’attendait à quelque chose puis s’installa dans la Datsun.

— Où allez-vous ? demanda Malko.

— Vers Providencia.

Ils roulèrent à travers les allées calmes de Vitacura sans dire un mot. En arrivant sur Providencia, Tania demanda soudain :

— Je voudrais donner un coup de fil. Là, à la brasserie munichoise. Vous m’attendez une seconde ?

Elle paraissait beaucoup plus détendue. Comme si Malko était redevenu un être inoffensif. Il attendit très peu de temps. Lorsqu’elle revint s’asseoir, à son expression, il comprit immédiatement qu’il y avait du nouveau. Elle se tourna vers lui, avec un regard qui le transperça.

— Vous voulez vraiment aider Carlos Geranios ?

— Bien sûr, fit Malko. Surpris de ce revirement.

— À qui avez-vous dit que vous veniez me voir ?

— À personne, assura-t-il.

Oliveira ne comptait pas. Maintenant, les battements de son cœur s’étaient accélérés.

— Vous…

Elle l’interrompit d’une voix pressante.

— Il faut me pardonner pour tout à l’heure… Mais nous sommes obligés d’être très prudents. Je voulais vérifier quelque chose. Je ne pouvais pas le faire de chez moi. La D. I. N. A. écoute toutes les communications.

Le bruit de la circulation dans Providencia étouffait leur conversation.

— Et alors ? demanda Malko, essayant de ne pas montrer son excitation.

— Vous allez faire ce que je vous dit, ordonna Tania. Remontez jusqu’à Amerigo Vespucci. Vous prendrez à gauche, comme pour aller vers Vitacura. Ensuite, vous prendrez Presidente Kennedy, vers la sortie de la ville.

Elle avait tout débité d’un trait. Malko fit demi-tour, suivit ponctuellement l’itinéraire indiqué. Ils passèrent près d’un poste de carabinieros ou se trouvait la carcasse rouillée d’une Fiat 600 criblée de balles. La nuit, il valait mieux stopper à la première sommation… Tania ne disait plus rien.

L’avenue Présidente Kennedy était une sorte d’autoroute qui filait vers le nord-ouest, au milieu d’un désert de pierraille, bordée de quelques « poblaciones ». Des feux de bois brûlaient devant des baraques en bois. Cela sentait la misère et la peur.

— Tournez à droite, ordonna soudain Tania.

Une sorte de piste filait perpendiculairement à l’avenue Presidente Kennedy. Malko s’y engagea. Le terrain était plat comme la main. On ne pouvait les suivre sans se faire immanquablement repérer. Plusieurs fois, Tania se retourna mais aucun véhicule n’était derrière eux. Un kilomètre plus loin, ils retrouvèrent le haut du quartier de Vitacura. Tania guidait Malko à travers un dédale de petites rues calmes et élégantes. Ils descendaient vers le centre de la ville et la circulation était de plus en plus dense.