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— Écoutez, plaida-t-il, je ne suis pas ce que vous croyez. Si vous en doutez, contactez John Villavera, il vous confirmera ce que je fais ici. Et les instructions qu’il m’a données.

Carlos Geranios secoua la tête avec agacement.

— Tu nous prends vraiment pour des débiles, gringo.

Dans la pièce voisine, il entendit soudain un bruit de robinets coulant à pleine force. Malko n’osa pas penser à ce qui l’attendait. Carlos Geranios avait un colt 45 passé dans la ceinture. Il se planta devant Malko.

— Déjà, hier, j’avais donné l’ordre qu’on te tue. On t’a raté. Puisque tu es ici, au moins, tu vas nous apprendre certaines choses. Ensuite, on te liquidera comme tu le mérites.

* * *

La tête ballottée de droite à gauche, au rythme des coups, Tania essayait de ne pas devenir folle.

Une seule idée la mobilisait : NE RIEN DIRE. Les mots glissaient sur elle, les policiers criaient tous ensemble, l’injuriaient.

— Putain, salope de communiste, tu vas parler.

L’homme au chapeau blanc lui hurlait en plein visage, haineux, déchaîné, les manches retroussées.

Puis cela recommença. De plus en plus atroce. Tania comprit qu’elle était à bout de résistance. Ça n’avait plus d’importance maintenant, ils trouveraient une maison vide. Bien sûr, ensuite, ils recommenceraient. Mais, entre-temps, elle pourrait reprendre des forces, peut-être parvenir à se suicider.

Dès qu’il y eut une accalmie, elle murmura :

— Il m’a dit. Ils sont…

— Où ? Où ? crièrent-ils tous ensemble.

* * *

— Mais enfin, protesta violemment Malko, vous êtes fou de vouloir me tuer.

Carlos Geranios le fixa comme s’il avait dit une obscénité.

— Dis-moi, gringo, tes amis de la D. I. N. A. t’ont-ils dit que les miristes étaient des imbéciles ?

Le rebelle aux yeux bleus passa la tête par la porte et cria avec une joie féroce :

— Le bain du « maricon » est prêt. Aussitôt, Carlos Geranios et un autre miriste saisirent Malko par ses bras entravés et l’entraînèrent en dépit de sa résistance. Il eut le temps d’apercevoir une petite salle de bains avec une baignoire sabot, la fille au chemisier blanc, les mains sur les hanches, et la surface de l’eau savonneuse. De toutes ses forces, il s’arcbouta au plancher. En vain.

— Vamos por el scaphandria ! cria la fille.

Quand le ventre de Malko arriva à la hauteur du rebord de la baignoire, les deux hommes poussèrent violemment sur ses épaules pour le faire basculer en avant. Il eut la présence d’esprit de fermer la bouche et de retenir son souffle au moment où son visage atteignait la surface de l’eau.

Elle était glacée. Il eut l’impression qu’on l’enfermait dans un bloc de glace. Il plongea la tête la première et le sommet de son crâne heurta le fond de la baignoire. Le choc se répercuta douloureusement dans son cerveau. Quatre bras le maintenaient au fond de l’eau. Les secondes passaient. Il laissa échapper quelques bulles pour soulager la pression dans ses poumons. Puis encore d’autres. La douleur devenait intenable. Une veine battait follement dans sa tempe. D’un seul coup, n’en pouvant plus, il lâcha presque tout l’air sans arriver à refermer sa bouche.

Le liquide savonneux s’engouffra dans sa gorge, le brûlant, l’asphyxiant. Il eut un spasme terrible pour tenter de se dégager, ne réussit qu’à avaler un peu plus d’eau…

Puis, pendant un temps qui lui sembla infiniment long, il sentit l’eau envahir ses poumons, il se dit qu’il allait mourir sans même savoir pourquoi on le tuait. Il ne se souvint plus quand il avait perdu vraiment connaissance… Il était penché sur un lavabo et il vomissait à grands spasmes des gorgées d’eau savonneuse. Incapable de parler. Les yeux rouges, haletant, la poitrine en feu. Derrière lui, les deux hommes le tenaient solidement tout en l’injuriant. Il les voyait à peine. Le sang avait recommencé à couler de son arcade sourcilière, l’aveuglant. Son cœur cognait dans sa poitrine à 120 pulsations minutes. La fille aux longs cils lui tendit une tasse émaillée. Il but, recracha avec un hoquet.

C’était du café salé !

Elle eut une grimace haineuse, lui jetant le contenu de la tasse au visage.

— Les salauds ont fait cela à ma sœur, dit-elle. Toute la nuit. Jusqu’à ce qu’elle accepte de les sucer tous…

On l’entraîna de nouveau vers la baignoire. Carlos Geranios l’observait, les mains sur les hanches. Goguenard.

— Tu as encore envie de jouer au scaphandrier ! Gringo…

— Vous êtes fou ! dit Malko, je ne sais rien de ce que vous me demandez. Je vous en prie, appelez John Villavera.

— Qui t’a fait venir ici ?

— Mais c’est Chalo Goulart, dit Malko avec désespoir.

Carlos secoua la tête, agacé.

— Menteur. Qui t’a dit d’aller voir Chalo ? Attends. Tu vas parler.

Malko fut de nouveau précipité dans l’eau savonneuse. Cette fois, il ne commit pas l’erreur de retenir son souffle jusqu’au bout. Autant en finir tout de suite. Il avait compris que ses bourreaux voulaient vraiment le faire parler. Ils ne le tueraient qu’ensuite. Il fallait donc gagner du temps.

Bien qu’il ne voie pas ce qu’il pouvait espérer.

Qui allait venir le chercher au fond de cette maison tranquille ? Seule Tania savait où il se trouvait. Ce n’est pas elle qui l’aiderait. John Villavera ignorait où il se trouvait et même sa visite à Tania. Quant à Oliveira, elle avait dû l’attendre en vain.

De nouveau tout explosa dans ses poumons et il perdit connaissance. On le sortit de la baignoire pour le traîner devant le lavabo et la même comédie recommença.

Pendant que Malko s’ébrouait, crachait, à demi inconscient, le miriste aux yeux bleus se glissa contre lui et lui saisit les parties sexuelles. Serrant de toutes ses forces.

Il ricana :

— Tu tienes muy chico gringo !

Malko fut presque soulagé d’être précipité à nouveau dans la baignoire d’eau savonneuse.

La litanie de l’horreur se continua. Plongée, étouffement, dégorgement, coups, menaces, interrogatoires, vomissements. Il avait totalement perdu la notion du temps. Ses bourreaux se relayaient, la plupart du temps encouragés par la fille au chemisier blanc qui contemplait goulûment la torture. Malko se demandait combien de temps son cœur allait tenir. Déjà, ses dernières syncopes étaient beaucoup plus longues. Le sang de sa blessure avait teinté l’eau de la baignoire. Il arrivait encore à penser clairement, par intermittence, mais pouvait à peine parler. Et encore moins répondre aux questions de Carlos Geranios.

On le lâcha et il tomba sur le carrelage trempé. Le contact frais lui fit presque du bien. Il demeura là, grelottant de tous ses membres, la joue contre le sol, se demandant ce qu’on allait encore lui faire.

Luis, le mécano, fit irruption et cria :

— La voiture est prête.

— On mange quelque chose rapidement, fit Geranios, et on y va.

La fille s’approcha de Malko et lui envoya un coup de pied dans le bas-ventre.

Heureusement, la pointe de sa chaussure glissa et heurta seulement l’intérieur de sa cuisse. Déçue de ne pas l’entendre hurler, elle s’accroupit près de Malko. Elle se pencha à son oreille et murmura ce qu’elle lui ferait par la suite.

Il était trop épuisé pour réagir. Ce n’était qu’un répit. Ils le tortureraient jusqu’à ce qu’il meure ou qu’il parle. Et comme il n’avait rien à dire… Maintenant, le froid le faisait claquer des dents et trembler nerveusement.

Ils s’étaient attablés dans la pièce voisine, surveillant Malko par la porte ouverte. Ils n’avaient même pas pris la peine de l’attacher, mais tous avaient des armes à portée de main.