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Ils restèrent un long moment à se regarder. Puis Oliveira eut un sourire maladroit, ôta son blouson, secoua ses socques, arracha les pressions de son bluejean qu’elle fit glisser le long de ses jambes bronzées et minces. Le temps de faire passer par-dessus sa tête son tee-shirt, elle était nue.

— Viens vite, dit-elle, je n’ai pas beaucoup de temps. Pedro doit venir me chercher pour dîner.

Lorsque les doigts de Malko se refermèrent sur les fesses cambrées et fermes, son angoisse s’envola d’un coup. Ils s’embrassèrent, oscillèrent au milieu de la pièce. Sans même aller jusqu’au lit. Il l’appuya contre le bureau, la pénétra sauvagement, pour effacer l’image du nain au chapeau blanc, le goût de l’eau savonneuse, les coups sur la tête. Il se déversa en elle presque aussitôt, à longues saccades délicieuses. Si violemment qu’ils perdirent l’équilibre tous les deux, tombèrent par terre, se séparant involontairement. Malko poussa un cri de douleur. Oliveira rit, se serra contre lui moqueusement.

— Cela me rappelle mon mari, murmura-t-elle. Il me faisait toujours l’amour aussi vite…

— Je te demande pardon, dit Malko. Mais…

Oliveira se releva avec un rire joyeux.

— Je suis méchante… C’était bon quand même, tu sais. Tu en avais tellement envie…

Elle fila vers la salle de bains. Lorsqu’elle en ressortit innocente et bien coiffée, elle vint s’asseoir sur le bras du fauteuil où Malko récupérait.

— Pedro m’a raconté des choses, dit-elle. Tu me promets de ne le dire à personne !

— Juré ! dit Malko.

— Cette fille, Tania, que tu as été voir, c’était un agent des communistes. Ils le savaient depuis longtemps. Mais ils ne pouvaient pas y toucher. Parce qu’elle était la maîtresse de Chalo. Celui-ci est respecté ici par tout le monde. Il aurait sorti Tania de prison en cinq minutes. Parce qu’il était fou amoureux d’elle. Mais dès qu’il est mort, ils l’ont arrêtée. C’est comme cela qu’ils vous ont trouvé…

— Pourquoi s’est-il suicidé ? demanda Malko.

— Je ne sais pas. Pedro ne savait pas. Il m’a seulement dit qu’ils avaient été bien contents de sa mort. Que Tania les narguait. Ils savaient qu’elle connaissait Geranios… Mais tu me jures de ne pas parler de tout cela ! Pedro serait furieux… Maintenant, je me sauve. Appelle-moi, demain…

Malko la regarda traverser la chambre. Perplexe. Il aurait bien voulu savoir pourquoi Chalo s’était suicidé. Seule, Tania pouvait lui donner la réponse.

Encore Tania !

* * *

Il y eut plusieurs craquements dans le téléphone, puis une voix annonça en anglais, avec un fort accent :

— Je vous passe Son Excellence le colonel Federico O’Higgins.

La voix onctueuse du Chilien donna la chair de poule à Malko. Au milieu de mille circonlocutions, il lui demanda des nouvelles de ses blessures. Malko le rassura et demanda :

— Qu’en est-il pour ce que je vous ai demandé ?

— Je m’en suis occupé immédiatement, affirma le Chilien. Le policier qui vous a maltraité a été envoyé à Punta Arenas, tout au Sud du pays. Dans un poste très mauvais. J’ai donné des ordres très stricts pour que toute pratique illégale soit sévèrement réprimée par les officiers responsables des différents services de la D. I. N. A.

— Et la femme ?

Il sentit de la gêne dans la voix du colonel O’Higgins.

— Ce matin, je n’ai pas voulu vous décevoir, expliqua le Chilien, mais j’étais presque sûr de ne pouvoir vous donner satisfaction. M’étant absenté de Santiago, je n’ai pas suivi tout ce qui se passait. Mais depuis j’ai vérifié…

— Quoi donc ?

— Cette Tania s’est évadée, avoua tristement O’Higgins.

— Évadée ! s’exclama Malko, mais c’est impossible…

— On l’a fait évader, corrigea aussitôt le Chilien, deux jours après que vous ayez été relâché. Durant son transfert, un de nos véhicules a été attaqué par un commando miriste qui a tué le chauffeur et un garde… Tania se trouvait parmi les prisonniers qui ont pris la fuite à cette occasion. Je n’en étais pas certain parce que vous ne m’aviez donné que son prénom.

Malko remercia et raccrocha. Perplexe. Il n’avait plus qu’à compter sur lui-même pour retrouver Carlos Geranios. Si Tania l’avait rejoint, il risquait de l’accueillir mieux que la première fois… Mais pour le retrouver, il avait peu de chose. Un prénom de femme… un restaurant à Viña Del Mar. Un perroquet…

Sa migraine le reprit et il se rua pour prendre des cachets.

Demain serait un autre jour !

Chapitre IX

Jorge Cortez, le diplomate dominicain, fit signe à Malko de le rejoindre à la table où il était attablé avec deux ravissantes « lolas » à la poitrine insolente. « Los Leones » était toujours aussi agréable. Le Dominicain fronça les sourcils devant l’aspect de Malko.

— Vous avez eu un accident ? Malko le regarda bien en face.

— Le même que vous.

Les deux lolas détournèrent la tête, gênées. Jorge Cortez fit la moue.

— Ils sont dangereux. Où vous ont-ils emmené ? Au dépôt de matériel de l’armée de terre ?

— Non, dit Malko. Dans une maison de la calle Londres. Et ensuite à l’hôpital San Salvador…

— Ils avaient raison ?

— C’était une erreur de personne, expliqua prudemment Malko.

Le Dominicain hocha la tête.

— Ils ont tué au moins six Américains depuis le coup d’État. Des gauchistes. L’un d’eux a été trouvé, les reins brisés à coups de crosse, deux balles dans le front, devant l’ambassade américaine.

Ils se turent. À quoi bon épiloguer. Le Dominicain héla le garçon et demanda à Malko :

— Vous déjeunez ?

— Non répondu Malko.

— Café-café, alors ?

— Café-café, fit Malko.

Si on demandait un café simple, on vous servait une mixture infecte. Le café-café était du vrai café…

Malko le but rapidement. Il avait été récupérer la Datsun, calle San José. Maintenant, il se remettait au travail. Décidé à tout faire pour récupérer Geranios. Si Tania s’était évadée ; elle était sûrement en contact avec lui. La seule piste qu’il avait c’était ce que lui avait dit Tania dans la maison de la calle Londres. Il fallait aller à Viña Del Mar et tenter de renouer le fil.

Il prit congé des lolas et du Dominicain et fila vers le polo.

* * *

La maison de Tania n’offrait aucun signe de vie. Personne en vue. Pourtant la D. I. N. A. n’était pas discrète. Ils devaient être certains qu’elle ne reviendrait pas là. Il repartit longeant le lit de la rivière à sec descendant vers le centre.

Il s’arrêta pour faire le plein à la sortie d’Alameda. La station-service était vide : l’essence avait augmenté de 100 % la veille… Suivant joyeusement les 375 % d’inflation… Toutes les deux semaines, le cours du dollar changeait. Toujours vers le haut. C’était bien le seul pays du monde où il ne se dévaluait pas… Malko mit près de trente minutes à sortir de Santiago, se faufilant entre les « lièvres », les petits autobus bleu et vert qui sillonnaient la ville pour rejoindre la route de Valparaiso.

Dès qu’il eut atteint l’autoroute qui desservait aussi l’aéroport de Padahuel, il roula plus facilement.

Après l’embranchement menant à l’aéroport, il perçut un bruit de moteur derrière lui.

Machinalement, il serra sa droite. Une moto surgit dans son rétroviseur. Il eut le temps d’apercevoir de grosses lunettes enveloppantes, les cheveux ébouriffés, les incroyables bottes blanches en plastique. La vieille femme en moto qu’il avait aperçue sur Providencia, deux jours plus tôt.