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Malko se leva et lui serra la main.

Il était presque guilleret en se retrouvant sur la place bruyante et décida d’aller s’excuser auprès d’Oliveira pour son départ précipité. Il lui devait bien cela : ensuite, il filerait dans la mine abandonnée essayé de convaincre Carlos Geranios.

Il reprit la Datsun, heureux d’échapper au centre étouffant et bruyant. La brume cachait encore le sommet des collines cernant Santiago. Une voiture était en train de déboiter du trottoir devant la boutique où travaillait Oliveira.

Tandis qu’il attendait la place, Malko jeta un coup d’œil automatique dans le rétroviseur. Son sang se glaça. La vieille tueuse en moto était arrêtée au feu rouge de la calle Condeli, avec ses lunettes enveloppantes et ses bottes blanches ! Il plongea fiévreusement la main sous sa banquette, ramena son pistolet extra-plat, baissa la glace de la main gauche. La bouche sèche. La moto venait de démarrer au feu rouge. Dans quelques secondes, elle serait à sa hauteur.

Il cala le canon du pistolet contre le montant de la portière comme le ronflement de la machine se rapprochait. Il n’y avait qu’une minuscule chance de la tuer sans être tué.

À la seconde où il allait presser la détente, l’œil de Malko enregistra que la vieille femme en moto n’avait pas d’arme à la main. Le vrombissement de la moto le frôla. La vieille fit un geste de la main gauche, projetant un objet à l’intérieur de la voiture. Instinctivement, Malko crut à une grenade. D’un seul élan, il se jeta dehors, boula sur l’asphalte, demeura accroupi, frôlé par les voitures. Puis, comme rien ne se produisait, il se releva, furieux et confus.

Un groupe de lolas suçant des glaces sur le trottoir commentaient son plongeon avec ironie.

La moto n’était plus qu’un point qui s’éloignait vers le haut de Providencia. Il rentra dans la Datsun et remarqua aussitôt sur le plancher à l’avant une boule blanche.

Il la ramassa : c’était une feuille de papier lestée d’une pierre. Il déplia le papier, déchiffra les quelques lignes écrites en caractères d’imprimerie, en espagnol. Avec la sensation qu’on venait brusquement de lui injecter du mercure dans les veines « Tania est enfermée dans une maison de la D. I. N. A., 34 calle Subercaseaux, à côté du « Cerro » Santa-Lucia. C’est un petit immeuble qui a l’apparence d’une clinique chirurgicale… Tania est dans une des cellules du sous-sol. »

Il replia le papier, le mit dans sa poche et démarra comme un automate, sans répondre aux appels d’Oliveira qui venait de sortir de sa boutique.

Hors d’état de lui parler. Partagé entre une rage aveugle et une angoisse abominable. Tout son édifice s’écroulait. Si Tania ne s’était pas évadée, cela signifiait que tout le monde lui avait menti. Sauf Carlos Geranios. Il manqua d’écraser un groupe de lolas plantées au milieu de l’avenue en train de faire du stop, tourna à gauche dans une allée, s’enfonçant dans le Barrio Alto. Il arrêta la Datsun et réfléchit. Son premier mouvement aurait été de se rendre à l’ambassade américaine et de jeter John Villavera par la fenêtre.

Il relut le message. Essayant de deviner les intentions de ceux qui gravitaient autour de lui. Incontestablement il gênait beaucoup de gens. Cela pouvait être une nouvelle astuce particulièrement vicieuse pour se débarrasser de lui.

Rien ne prouvait que la femme à la moto travaillait pour Carlos Geranios. Elle pouvait très bien travailler pour Tania. Et lui tendre un piège.

Il froissa rageusement le papier. Tout revenait toujours au même point. Tant qu’il n’aurait pas retrouvé Tania, où qu’elle soit, il ne pourrait trancher son dilemme. Tout le monde était susceptible de mentir, des deux côtés. Il fallait reprendre l’enquête totalement et la mener de bout en bout, en dépit des risques encourus.

* * *

Les deux ambulances étaient garées en double file devant un petit immeuble blanc de deux étages aux stores baissés. À côté de la porte, il y avait une plaque de cuivre « Casa de Saudade ».

Malko passa lentement devant, sans oser s’arrêter pour ne pas attirer l’attention. L’une des ambulances était vide. Au volant de l’autre somnolait un homme assez âgé en blouse blanche. Absolument rien de suspect. Il continua à tourner autour du « cerro » Santa-Lucia, une petite colline d’une centaine de mètres de haut en forme de haricot, sillonnée d’allées avec des bancs pour amoureux. Il gara la Datsun un peu plus loin. Partant à pied, il aborda le « cerro » Santa-Lucia par un autre côté et gagna un banc qui dominait la clinique d’une centaine de mètres. Il s’y assit, comme pour prendre le soleil et commença à observer ce qui se passait.

Au bout de dix minutes, un homme sortit de la clinique, monta dans l’ambulance qui avait un chauffeur et le véhicule s’éloigna.

Puis le temps s’écoula sans qu’il ne se passe rien. Quarante minutes plus tard, l’ambulance revint. Les deux hommes ouvrirent les portes arrière et transportèrent une civière sur laquelle Malko distingua une forme étendue. Puis le chauffeur ressortit et s’installa avec un journal à son volant.

Malko s’imposa de rester encore deux heures. Il n’en pouvait plus d’ennui et de frustration. Cela ressemblait à une vraie clinique. Pas d’antennes sur le toit, pas de gens en uniforme, même pas beaucoup d’allées et venues. On n’avait amené qu’une seule personne en trois heures. L’autre ambulance n’avait pas bougé. Le fait que la clinique elle-même existe à l’endroit indiqué ne signifiait rien.

Absorbé dans son observation, il ne vit pas une vieille femme s’approcher à petits pas. Elle s’assit près de lui et engagea aussitôt la conversation, se plaignant des dernières augmentations… Malko lui répondit par monosyllabes ne tenant pas à se faire remarquer. Puis il pensa soudain à quelque chose :

— Vous êtes du quartier ? demanda-t-il.

Ravie qu’il s’intéresse à son sort, elle précisa :

— Oui, j’habite en bas, dans la calle Salvador, la petite là-bas.

— Vous travaillez à la clinique, calle Subercaseaux ! demanda innocemment Malko. Là où il y a les ambulances ?

Elle regarda le bâtiment blanc qu’il désignait, marmonna une réponse indistincte, resta un moment silencieuse puis se leva et s’éloigna sans dire au revoir à Malko. Son soudain mutisme contrastant étrangement avec son bavardage précédent.

Troublé, Malko se leva à son tour. Il mourait de faim. Le soleil brûlait sa blessure. Redescendant du « cerro », il regagna la Datsun et prit la direction du « Los Leones ».

Il aperçut Jorge Cortez à une table de la terrasse. Le diplomate dominicain était escorté de deux ravissantes aux cheveux aile de corbeau. Il fit signe à Malko de se joindre à eux. Le Dominicain le présenta aux « lolas ».

— Déjeunez avec nous, proposa-t-il.

— Vous avez eu un accident ? demanda une des filles.

Malko tâta machinalement son arcade sourcilière. Los Léones était vraiment une oasis de calme. Il essaya d’oublier les horreurs qui se déroulaient tout autour de lui. Cinq minutes plus tard, un amiral, un des quatre officiers de la Junte passa, escorté de deux carabinieros et se dirigea vers le terrain de golf. Les amies de Jorge Cortez observaient goulûment Malko. C’étaient des purs produits de « Barrio Alto ». Habillées de vêtements coûteux en provenance du Brésil, bien coiffées, arrogantes, désirables et disponibles.

Ils commandèrent les éternels « erizos » et des churrascos. Malko suivait la conversation d’une oreille distraite. Pensant à la vieille du « cerro » Santa Lucia Soudain, il dressa l’oreille : une des filles parlait de son nouveau job comme journaliste à l’agence « Prensa Latina ». Il demanda :