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— Ta bonne m’a traitée de putain quand je lui ai demandé où était la salle de bains !

La serviette glissa, découvrant un sein blanc et elle ne la remonta pas. Toute à sa rage.

— Si elle te voit dans cette tenue, remarqua doucement Jorge, elle va se dire qu’elle n’a pas tort.

Ivre de rage, la fille se leva, abandonnant totalement la serviette, et traversa le living, entièrement nue, se heurtant presque à la bonne. Cette dernière marmonna distinctement une injure et fit un signe de croix.

La fille cracha comme un chat en colère. Cinq minutes plus tard, elle fit claquer la porte à faire s’écrouler la maison. Malko soupira.

— Je crois que c’est la fin d’un beau roman d’amour…

Toute mielleuse, la bonne vint lui demander ce qu’il désirait boire. Jorge rit de bon cœur et se tourna vers Malko.

— Je suppose que vous n’êtes pas venu déranger ma vie…, sentimentale sans un motif sérieux.

Mi-figue, mi-raisin. Malko lui rendit son sourire, mais ses yeux dorés restèrent froids.

— Il se trouve que vous êtes en ce moment la seule personne en qui j’ai confiance à Santiago, dit-il. Bien que nous nous connaissions à peine. Or j’ai besoin aujourd’hui de quelqu’un en qui j’ai une confiance absolue. Pour une question de vie ou de mort.

Jorge Cortez leva un sourcil étonné.

— On m’avait dit que vous étiez un agent de la C. I. A., remarqua-t-il. Vous avez pourtant de nombreux amis en ville. En dépit du petit incident qui vous a opposé à la D. I. N. A. John Villavera n’est pas sans lien avec les gens qui vous emploient.

— C’est exact, reconnut Malko. Mais cela ne change rien à mon problème.

— Je vous écoute, dit Jorge Cortez, sans insister.

— Je ne vous demanderai rien de dangereux, expliqua Malko. Simplement de prévenir un certain nombre de personnes si je ne vous ai pas donné signe de vie à un moment donné. Si vous gardez le secret absolu sur cet accord, vous ne courez aucun risque.

— Très bien, dit le diplomate. Vous avez ma parole.

Chapitre XIII

Malko arrêta la Datsun derrière l’ambulance stoppée en double file et se dirigea vers l’entrée de la clinique. Tranquillement, mais l’estomac contracté, il en poussa la porte. Le couloir était assez sombre, à sa gauche se trouvait un box vitré qu’on ne peut voir de l’extérieur. Deux hommes en civil s’y trouvaient. L’un d’eux, en voyant Malko, quitta sa place et sortit dans le couloir, lui barrant le chemin.

— Señor ?

Le moins qu’on puisse dire c’est qu’il n’avait pas une tête d’infirmier…

— J’ai rendez-vous avec le lieutenant Pedro Aguirre, dit Malko. À cinq heures.

Il était cinq heures moins dix.

— Le lieutenant Pedro Aguirre ? répéta le civil. Je ne connais pas. Ici, c’est…

— Renseignez-vous, dit sèchement Malko.

L’autre le toisa, indécis, puis, visiblement troublé, hocha la tête.

— Attendez ici señor.

Il rentra dans le box vitré, ferma la porte et s’approcha d’un téléphone. Malko ne le quittait pas des yeux. D’après Oliveira. Aguirre travaillait la nuit, donc il ne devait pas être à la D. I. N. A. dans la journée… S’il tombait dessus, il avait une explication toute prête. La conversation au téléphone se prolongeait. Bon signe. Enfin, le civil raccrocha et revint vers lui. L’air ennuyé.

— On ne peut pas joindre le lieutenant Aguirre, dit-il. Mais s’il vous a donné rendez-vous, il va sûrement venir. Je vais vous montrer où vous pouvez l’attendre.

Malko le suivit au bout du couloir. Ils tournèrent, entrèrent dans une petite pièce avec quelques chaises. Le civil y laissa Malko et referma la porte.

* * *

Quelque chose venait de se glacer en lui, lui rendant tout son sang-froid. Le message jeté par la vieille motocycliste n’avait pas menti. Cette « clinique » était bien un centre de la D. I. N. A. Quelque chose le frappa d’ailleurs : il manquait l’odeur caractéristique des établissements hospitaliers. Maintenant, il fallait vérifier le dernier point. Et il n’avait pas beaucoup de temps. Il se leva, ouvrit doucement la porte, regarda autour de lui. Quelques mètres plus loin, devant l’entrée d’un escalier menant au sous-sol, deux carabinieros étaient assis sur des tabourets, leur fusil d’assaut S. I. K. entre les jambes.

Tout doucement, Malko s’avança dans le couloir, allant dans la direction opposée, jusqu’à ce qu’il soit hors de vue. Puis il fit demi-tour et revint en marchant sans se cacher. De façon que les soldats aient l’impression qu’il venait du premier étage. En voyant Malko, ils se levèrent avec ensemble. Il les toisa et demanda sèchement :

— Le lieutenant Aguirre est déjà en bas ?

Un des soldats secoua la tête.

— Je n’ai vu personne. Mais, señor, qui…

— Vous, accompagnez-moi, dit Malko. Vous, restez là. Dès que le lieutenant Aguirre arrivera de la calle Londres, dites-lui que le major Salto est déjà là.

Les carabiniers hésitaient, décontenancés. Le ton de commandement de Malko les impressionnait. En principe, tous ceux qui se trouvaient dans la « clinique » appartenaient à la D. I. N. A. ou à l’armée. Beaucoup d’officiers se mettaient en civil.

Au sous-sol se trouvaient les cellules. Ils n’étaient là que depuis le matin et ne connaissaient pas tout le monde. Les rotations se faisaient la nuit, pendant le couvre-feu, pour qu’on ne voie pas les uniformes. Le jour, les carabinieros avaient l’interdiction formelle de se montrer dehors, sous peine de se retrouver à Ritoque.

— Vamos, répéta Malko d’un ton impatient.

Docilement l’un des deux soldats s’engagea dans l’escalier, son fusil à bout de bras. Malko lui emboîta le pas. L’autre se rassit sur son tabouret.

Ils arrivèrent en bas. Le soldat frappa à une porte et se retourna vers Malko.

Celui-ci glissa la main sous sa veste, sortit son pistolet extra-plat d’un geste parfaitement naturel et en enfonça le canon dans la gorge du carabinier.

— Silencio, dit-il à voix basse, si no te mata.

De la main gauche, il lui arracha son fusil et le posa contre le mur. Médusé, l’autre n’avait pas encore retrouvé la voix. Malko ouvrit la porte, poussant le carabiniero devant lui d’une bourrade.

Il aperçut un civil assis sur une chaise derrière une table de bois en train de lire un illustré. Celui-ci leva la tête, vit le pistolet de Malko braqué sur lui.

Une douzaine de portes s’ouvraient sur un couloir central, derrière la table.

Les traits du civil s’étaient affaissés. Il n’était pas rasé, ne portait pas d’armes, était gras, assez âgé. Ses yeux allaient de Malko au carabiniero, pleins d’incompréhension.

— Dans quelle cellule est Tania Popescu ?

Ou le gardien ne le savait pas, ou il était trop médusé pour répondre. Malko sans les quitter des yeux se dirigea vers la première porte.

Elle s’ouvrit sans difficulté. Il n’y avait personne à l’intérieur.

Du geste, il fit signe aux deux hommes de s’approcher, les y poussa et referma un énorme verrou extérieur. Puis il alla à la seconde porte, tourna le verrou, identique sur toutes les portes, ouvrit. Deux hommes étaient étendus à même le sol, au milieu de leurs excréments, couverts de sang, dans une odeur effroyable. Malko laissa la porte ouverte, au bord de la nausée. Il ne bougèrent même pas. Deux autres pièces étaient vides. Une troisième contenait six prisonniers assis par terre, le dos au mur, les mains enchaînées, les unes aux autres. Ils levèrent un regard atone sur Malko, le prenant visiblement pour un des bourreaux de la D. I. N. A.