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À la fin de la première bouteille de Moët, Oliveira se leva, prit sa besace et disparut dans la salle de bains. Lorsqu’elle en ressortit, Malko eut un choc au creux de l’épigastre.

La créature qui venait d’apparaître, vêtue d’une combinaison noire de dentelle, se confondant avec des bas de la même couleur, juchée sur des escarpins aux talons interminables, semblait échappée d’une bande dessinée pour adultes. Elle ondula jusqu’au lit dans un crissement de nylon et tomba en riant dans les bras de Malko.

— J’avais prévu cela pour le week-end ! dit-elle.

Au contact du corps parfumé, du nylon crissant les cuisses pleines, de la poitrine à peine voilé par la dentelle, eut pour effet de transformer Malko en authentique homme des cavernes l’espace d’un battement de cils. Repoussant dans un lointain nébuleux la C. I. A., Geranios et la D. I. N. A.

Le Moët, la caverne et les glaces avaient fait éclater le vernis social d’Oliveira. Impérieusement, elle attira la tête de Malko vers son ventre. Puis elle regarda dans la grande glace le reflet des longues jambes gainées de noir enserrant les cheveux blonds. Ce seul spectacle faillit déclencher son orgasme.

Lorsqu’il l’emporta, ses doigts s’enfoncèrent dans la nuque de Malko, sa tête partit en arrière et elle hurla. Libérée par l’intimité sécurisante de la « caverne ».

Malko avait envie de mordre, comme un fauve, son désir multiplié par les cris de sa partenaire.

Il se rua en elle, glissant le long de son corps, la pénétrant d’un coup. Elle l’accueillit avec un feulement de joie, subit son assaut, agrippée des bras et des jambes, secouée de spasmes de plaisir si rapprochés qu’ils ne semblaient en faire qu’un.

Ils restèrent ensuite l’un contre l’autre pantelants, reprenant leur souffle. Puis ils mangèrent encore, burent du champagne, étendus sur les coussins devant la grande glace. Oliveira, les cheveux dans la figure, des cernes jusqu’aux joues, une lueur insoutenable dans ses yeux bleu cobalt, semblait jouir autant que Malko de son « déguisement ».

Celui-ci, peut-être à tort, se sentait totalement à l’abri. Oliveira ronronnait, le caressant, l’arrosant de champagne pour le sécher ensuite à coups de langue. Il s’étira.

— Je ne crois pas que les hommes des cavernes aient eu autant de confort, soupira-t-il.

Pour toute réponse, Oliveira, qui était venue à bout des fruits de mer, l’installa amoureusement dans une pile de coussins et s’agenouilla devant lui comme une hétaïre soumise et expérimentée. Sa bouche chaude rameuta les parcelles d’érotisme éparses dans le corps fatigué de Malko. Il essaya de profiter pleinement de la minute présente. Lorsqu’elle estima avoir assez ravivé ses forces, Oliveira interrompit sa caresse, but d’un trait une coupe de Moët et, délibérément, pivota sur elle-même de façon à se trouver face à la glace.

La tête entre ses bras, les reins surélevés, elle ressemblait, grâce à sa tenue, à une longue chatte noire attendant d’être couverte.

Elle leva les yeux et leurs regards se croisèrent, par l’intermédiaire du miroir. Le pourtour de ses prunelles était d’un bleu presque noir, le centre à peine coloré. Ce qu’il y lut était un désir animal, sans frein, absolu, une soumission totale. Un appel muet.

Il la prit aux hanches, s’enfonça en elle. Les jambes fuselées gainées de nylon noir demeurèrent serrées l’une contre l’autre, comme pour rendre l’accès de son ventre plus difficile. Il se retira, glissa plus haut, millimètre par millimètre et s’enfonça de nouveau, presque aussi brutalement. La réaction imprévue d’Oliveira fut un rauque cri de plaisir. Il la sentit se refermer autour de lui, en une contraction délicieusement excitante…

À chaque élan, Oliveira poussait un bref gémissement, les mains accrochées dans la fourrure, le recevant de tout son corps.

Malko baissa les yeux et surprit son regard fixe et trouble contemplant avidement l’image de leurs deux corps enlacés dans la glace. Ce qui déclencha immédiatement son plaisir. Oliveira hurla de nouveau. Puis, foudroyés, ils roulèrent sur le côté, toujours soudés l’un à l’autre, le cerveau vide, le corps assouvi. Heureux comme des animaux.

Le charme de la « caverne » opérait.

* * *

La fenêtre du bureau de Federico O’Higgins était la seule allumée au 17e étage de l’Edificio Diego Portales. Le chef de la D. I. N. A. maintenait une constante pression téléphonique sur ses divers services. Comme chaque fois qu’il était contrarié, sa main atrophiée le faisait atrocement souffrir. Il avait beau pousser sa bouillotte au maximum, il avait l’impression que sa chair brûlait de l’intérieur. Les doigts crispés sur la source de chaleur, il s’appliquait à respirer lentement pour ne pas hurler.

Un des téléphones sonna. Il décrocha, reconnut la voix du lieutenant Pedro Aguirre. Celui-ci avoua piteusement qu’il n’avait pas retrouvé Malko. O’Higgins n’eut même pas le courage de l’engueuler. Sachant qu’Aguirre ne rêvait que de tuer leur adversaire commun de sa propre main. Federico O’Higgins fit pivoter son fauteuil tournant et repassa dans sa tête les éléments dont il disposait.

Il avait fallu une chance incroyable aux deux hommes pour échapper au mirage. Le pilote était un des meilleurs des Forces aériennes. Spécialiste de l’attaque à basse altitude. D’ailleurs, il n’avait pas raté la voiture… Ensuite la piste des fugitifs disparaissait. L’indice suivant était l’apparition devant la maison de John Villavera, puis l’attaque de la voiture de police sur le Cerro San Cristobal qui avait fait un mort et un blessé grave. Maintenant la toute-puissante D. I. N. A. ne savait même pas quel véhicule Malko utilisait. Tous les endroits possibles étaient surveillés sans interruption.

Le colonel O’Higgins eut un moment de découragement. S’il ne retrouvait pas les deux hommes, son avenir était compromis. La C. I. A. n’aimait les traîtres qu’efficaces… Il alla à la fenêtre, regarda le signe brillant de l’immeuble Xerox, face au sien, puis la chaussée déserte. Les rues de Santiago désertées par le couvre-feu étaient ratissées sans cesse par tous les véhicules dont la D. I. N. A. disposait. Des hélicoptères survolaient la ville et ses alentours, au cas où ils chercheraient à s’échapper.

Le Chilien chercha désespérément où ils avaient pu se réfugier. Il avait pourtant des indicateurs partout. Il fallait qu’il les trouve avant la fin du week-end. Sinon, il perdait la face.

Il se remit au téléphone. Près de 200 agents traquaient l’homme blond et Carlos Geranios. Soudain, un élément lui revint à l’esprit. À vérifier immédiatement.

* * *

Malko se réveilla le premier. Ankylosé, vidé, mais merveilleusement détendu. Avec la sensation d’être passé dans une essoreuse. Oliveira, foudroyée de plaisir, n’avait retiré ni sa combinaison, ni ses bas, ni ses chaussures. Elle dormait en travers du lit, les traits massacrés par le plaisir. Malko se sentit de nouveau envahi par une pulsion irrésistible. Après les dangers des jours précédents, son psychisme réagissait violemment.

Il effleura la hanche d’Oliveira et elle se retourna à plat ventre, sans se réveiller. Il se glissa contre elle, tâtonna à peine et la fouilla aussitôt, sauvagement. Elle se réveilla avec un petit cri, se redressa sur les coudes, retomba et cambra automatiquement les reins, comme pour mieux le recevoir. En quelques minutes ils atteignirent un paroxysme de plaisir et retombèrent. Réveillés pour de bon.

La montre de Malko était arrêtée. La Seïko d’Oliveira indiquait 4 heures. Ils avaient dormi seize heures… Ils se jetèrent sous une douche particulièrement sophistiquée, faite de quatre jets horizontaux. Malko, mourant de soif, fit demander au room-service une bouteille de Saint-Yorre. Le champagne, c’était délicieux, mais desséchant.