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— J’ai envie de changer, proposa Oliveira. Il y en a une avec des glaces partout. On a l’impression d’être mille pour faire l’amour…

L’eau tiède les fouettait délicieusement. La bouche pâteuse, Malko reprenait contact avec la réalité. Demain, il contacterait l’ambassadeur américain. Il se dit qu’il ne pouvait abandonner Carlos Geranios.

— Je vais sortir, annonça-t-il.

Oliveira lui jeta un regard effrayé.

— C’est dangereux !

— J’ai quelque chose d’important à faire, dit-il. N’aie pas peur, je ne prendrai pas de risques.

Malko sortit de la douche, se rhabilla, passa son pistolet extra-plat dans sa ceinture et demanda :

— Le patron de l’hôtel ne va pas s’étonner de nous voir rester ici deux jours de suite ?

Oliveira secoua gaiement la tête.

— Oh non ! Ils ont l’habitude. Il y a des gens de la province qui restent huit jours. On peut même faire un accord pour essayer plusieurs chambres dans la même journée. Aux heures creuses.

Malko la prit dans ses bras. Elle était encore toute mouillée.

— J’y vais. Tu m’attends ici ?

Elle fit la moue.

— Non, je vais aller dans l’autre. La galerie des Glaces.

Il remonta l’escalier de la caverne, ouvrit la porte, reçut un rayon de soleil éblouissant. Une palissade de plastique vert le guida jusqu’à la sortie ; le système interdisait aux « entrants » de rencontrer les « sortants ». Discrétion avant tout.

La Buick de Jorge Cortez avait été lavée. Malko donna 5 000 escudos au gardien et sortit. C’était angoissant de quitter le havre du Valdivia.

* * *

Par prudence, il avait garé la voiture loin de la maison de rendez-vous. Anna, la tenancière rondelette au regard acéré, le reconnut et le fit entrer aussitôt. La même brochette de filles attendait sagement dans le salon. Elle mena Malko dans une chambre minuscule. Aussitôt son expression changea.

— Que se passe-t-il, señor ?

— Je dois joindre immédiatement Carlos, dit-il.

Elle secoua la tête.

— Impossible maintenant, señor, ce soir peut-être, et encore, je ne suis pas sûre… Il peut vous appeler ?

Malko se dit que c’était trop dangereux de donner le numéro du Valdivia.

— Non, dit-il. Je vous appellerai ce soir. Sans dire mon nom. De la part de Julia.

Elle lui donna le numéro, le raccompagna. Fugitivement, il aperçut la pulpeuse créature de la veille qui lui adressa, en pure perte, un sourire enjôleur. Malko était déjà dans l’ascenseur. Il soupira de soulagement en retrouvant la Buick.

Il était toujours acculé. C’était tentant d’aller chez John Villavera, mais il se contrôla. Une balle dans le canon du pistolet extra-plat, il remonta Vicuria McKenna et tourna dans la rue du Valdivia.

Tout était calme. Le gardien le salua d’un grand sourire. Oliveira avait dû laisser des instructions car une servante potelée le conduisit directement à une chambre donnant dans un petit couloir du building principal, curieusement recouvert de mousse où on enfonçait comme dans de la neige. Le bâtiment était un vrai dédale. Oliveira l’attendait, assise par terre sur des coussins, en buvant un pisco-sour. Elle se leva d’un bond pour se jeter dans ses bras.

— J’avais tellement peur que tu ne reviennes pas, murmura-t-elle.

La pièce carrée était tapissée de miroirs, mais le plus extraordinaire était l’alcôve contenant le lit. Grâce aux miroirs qui se renvoyaient la lumière, les corps se reflétaient à l’infini. Le plafond n’était aussi qu’un grand miroir.

— Cela va être fantastique, murmura Oliveira.

Elle semblait avoir complètement oublié leur tragique course-poursuite.

Malko s’assit sur les coussins. Se disant que c’était sa dernière nuit de détente. On frappa : c’était le dîner. Les éternels oursins. Cinq minutes plus tard, nus comme des vers, ils faisaient l’amour au milieu des glaces. C’était une impression extraordinaire d’être plusieurs tout en n’étant que deux… De nouveau, les hurlements d’Oliveira firent trembler les glaces.

— Je n’oublierai jamais le Valdivia, dit-elle plus tard. C’est la première fois que j’y fais vraiment ce que je veux.

Elle se laissa glisser à ses pieds et entreprit une fellation douce et lente, multipliée à l’infini par les parois de glace. Sorte d’hymne de reconnaissance.

Ensuite encore, ils burent du champagne.

Légèrement éméchée, Oliveira pouffa.

— Si Pedro me voyait ici avec toi, il me tuerait…

Elle se mit debout devant une des parois de glace et renversa doucement entre ses seins le contenu d’une coupe de champagne. Elle frissonna sous la morsure du liquide glacé. Malko profita de la trêve pour appeler Anna. Dès qu’il eut donné le mot de passe, la tenancière lui dit :

— C’est le 732 864.

Elle raccrocha sans même lui laisser le temps de répéter. Oliveira venait déjà lui mettre sous le nez sa poitrine imbibée de Moët, ne laissant qu’une issue à un gentleman soucieux de l’empêcher de prendre froid. Lorsque Malko eut asséché toute la peau tiède, il avait l’impression d’avoir la langue en carton tant il y avait mis de cœur. Il eut brusquement envie de plus de champagne. Il décrocha le téléphone, tandis qu’Oliveira, décidément insatiable, rampait vers son ventre. Malko en ferma les yeux de contentement.

La réception ne se décidait pas à répondre. Au moment où il allait dire « allo », Malko surprit dans l’écouteur l’écho de plusieurs voix. Le tenancier avait dû avoir des visiteurs au moment où Malko appelait et posé l’écouteur sur la table.

— Un gringo blond, les yeux dorés, grand. Il est avec une Chilienne…, entendit-il.

Son cœur jaillit dans sa gorge. D’un geste d’automate, il raccrocha.

Un gigantesque ballon semblait avoir envahi son estomac, lui coupant le souffle. À l’expression de ses yeux, Oliveira comprit que c’était sérieux. Elle se redressa d’un bond.

— Qu’est-ce qu’il y a ? demanda-t-elle d’une voix blanche.

Les lèvres d’Oliveira tremblaient. Elle était blême. Avec des gestes maladroits, elle se rhabillait sommairement, oubliant même ses chaussettes. Malko était déjà prêt. Il ouvrit la porte donnant sur le couloir. Le Valdivia était toujours calme, en apparence. Il y avait une chance minuscule que la D. I. N. A. n’ait pas encore investi la cour où se trouvait la voiture. Il poussa Oliveira dans le couloir.

— Vite.

Ils fermèrent la porte de la chambre aux miroirs et filèrent en courant, ralentirent devant une bonne, descendirent, retrouvèrent la coursive en plein air, éclairée de néon vert.

Déserte, elle aussi.

Malko ralentit en arrivant en vue de la sortie. À travers la porte étroite, il examina la cour. Aussitôt, il repoussa Oliveira en arrière. Un gros fourgon blanc et noir de la D. I. N. A. bloquait l’entrée du parking. Il se demanda comment la D. I. N. A. l’avait retrouvé. Mais pour l’instant, c’était une question purement académique. Reculant précipitamment, ils heurtèrent un couple qui sortait, un homme aux cheveux plaqués traînant une pute endimanchée, qui les regarda, choquée. La fille se retourna et lâcha une réflexion désagréable sur Oliveira. Ils hésitaient, lorsqu’un bruit de voix leur parvint, venant de l’autre extrémité du couloir.

Malko plongea dans la première chambre ouverte. Cela puait la peinture et la colle. C’était une petite galerie des Glaces inachevée. Serrés l’un contre l’autre, ils entendirent des voix qui parlaient de fouiller tout… L’odeur de colle cellulosique soulevait le cœur. Oliveira réprima de justesse une nausée.